Dans une interview accordée à France 24, l’ancienne Première dame, Simone Gbagbo, s’est voulue démocrate, traitant la candidature du Président Ouattara d’anticonstitutionnelle. Malgré son passé macabre qu’elle traîne.
Discrète depuis sa sortie de prison, l’ex Première dame, Simone Gbagbo a donné mercredi, sa lecture de l’actualité sociopolitique en Côte d’Ivoire, au cours d’une interview sur la chaîne française, France 24. Son avenir en politique, le retour de l’ancien président, Laurent Gbagbo et l’appel à la désobéissance civile lancé par le candidat du Pdci… tout est passé. Elle n’a pas manqué d’aborder la question relative à la candidature du Président Alassane Ouattara à l’élection du 31 octobre 2020. Sur cette question, Simone Gbagbo a dénoncé une candidature « anticonstitutionnelle» et d’inviter le candidat du Rhdp à se retirer de la course. «Il n’en a pas le droit. Mais, ce n’est surtout pas moi qui le considère. C’est la Constitution qui ne lui donne pas le droit de se représenter. Il l’a dit et reconnu au moment où il faisait voter la nouvelle Constitution, en 2015. Il avait précisé fermement qu’il ne peut pas aller à des élections et qu’il n’ira pas. Voilà que brusquement, il remet tout en cause et décide de se représenter. Mais, c’est une candidature anticonstitutionnelle», a-t-elle fait savoir. Invité à donner son point de vue sur le cas de force majeur évoqué, suite au décès de l’ancien Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, l’épouse de l’ancien président de la République a dit ceci : « C’est son problème, pas le mien. Ce que je demande, c’est que les lois de la République soient respectées pour une fois (…) Non seulement, il met en danger la démocratie et l’Etat, mais il piétine la Constitution ».
Pendant 17 minutes, Simone Gbagbo a donné au Président Alassane Ouattara, l’image d’un chef d’Etat qui entrave le bon fonctionnement des institutions de la République.
Dans la forme, cette sortie ne saurait être condamnable. Car dans toute démocratie, les citoyens ont le droit de donner leur point de vue sur la gestion des affaires publiques. Et la Côte d’Ivoire ne saurait faire l’exception.
Mais, là où le bât blesse, c’est dans le fond. En effet, l’ancienne Première dame est très mal placée pour donner des leçons de démocratie et de respect des institutions. De 2000 à 2011, son époux et le Front populaire ivoirien (Fpi) ont transformé la Côte d’Ivoire en un Etat de non droit. Les conditions de la prise du pouvoir d’Etat de son époux sont là pour le rappeler.
Depuis le milieu de la nuit du dimanche 22 au lundi 23 octobre 2000, Laurent Gbagbo attend que la Commission nationale électorale (Cne) annonce sa victoire contre le chef de la junte, le général Robert Gueï. Plus de sept heures après la fermeture des bureaux de vote, le candidat socialiste avait déjà donné la tendance générale : une victoire, la sienne, dès le premier tour. « En principe avec les résultats que nous avons, on ne devrait pas avoir de surprise », déclarait l’opposant charismatique, depuis son quartier général de campagne à Abidjan.
Simone Gbagbo est bien placée pour savoir que son époux n’avait même pas attendu la proclamation officielle des résultats par ladite commission pour jeter ses militants dans les rues, privant ainsi les populations ivoiriennes du verdict des urnes. Drôles de démocrates !
Un exercice que Laurent Gbagbo a répété une décennie plus tard à l’issue d’une élection présidentielle qu’il avait pourtant perdue. Alors que le président de la Commission électorale indépendante (Cei), Youssouf Bakayoko, avait proclamé la victoire du Président Ouattara, Simone Gbagbo et son époux avaient opposé un refus catégorique, avant de déployer leurs chars et miliciens dans les quartiers qui avaient exprimé un avis contraire.
Mais entre ces deux échéances électorales, c’est-à-dire pendant la gestion du pouvoir d’Etat par le Fpi, Simone Gbagbo a ajouté une corde plus macabre à son arc : celle de marraine des escadrons de la mort, des groupes armés qui se sont illustrés dans les exécutions sommaires ou des enlèvements d’opposants politiques, d’opérateurs économiques ou toute personne supposée proche d’Alassane Ouattara, candidat du Rdr.
Pire, les disparitions, non encore élucidées, de deux journalistes français, Jean Hélène et Guy-André Kieffer sont là, de façon implacable, pour témoigner de la ‘’machine à tuer’’ effroyable sous la gouvernance Gbagbo.
Simone Gbagbo gagnerait à se taire après l’amnistie que son bienfaiteur a voulu lui accorder, car l’histoire est têtue : les Ivoiriens ont en mémoire la parenthèse sanguinaire ouverte sous la refondation dont Laurent Gbagbo et son épouse sont les têtes de pont.
Philippe Nado