7 août 1960-7 Août 2018. Il y a de cela 58 ans, notre pays la Côte d’Ivoire, a accédé à la souveraineté nationale. Comme cela relève de la tradition, à la veille de chaque cérémonie, le président de la République fait une adresse à la Nation, adresse dans laquelle il fait un bilan de l’Etat de la Nation avant de dégager les perspectives pour l’avenir.
Il est vrai que depuis sa prise du pouvoir en 2011, le président Alassane Ouattara s’est soumis à cet exercice, mais son discours de ce lundi 6 Août 2018 sera à jamais gravé les annales de l’histoire de la Côte d’Ivoire. Au moment où personne ne s’y attendait, le chef de l’Etat a annoncé des décisions qu’il a prises qui vont déboucher immanquablement sur la décrispation de la scène politique. « Les conséquences de la crise post-électorale que notre pays a connue en 2010-2011 en sont un témoignage dramatique.
Mon devoir en tant que Président de tous les Ivoiriens, soucieux du respect des droits de chaque citoyen, est de garantir l’union de tous les fils et toutes les filles de notre chère Côte d’Ivoire (…) Mon rôle en tant que Président de la République est aussi d’être continuellement à votre écoute, de trouver les voies et moyens de renforcer la cohésion nationale et de parachever l’œuvre de réconciliation. A ce propos, j’ai pris bonne note de vos suggestions et de vos attentes (…) Chers frères, chères sœurs, chers jeunes, le Père de la Nation, le Président Félix Houphouët-Boigny, disait qu’il n’y a pas de sacrifice trop grand pour la paix. C’est pourquoi, en raison de mon attachement à la paix et à une réconciliation vraie, j’ai procédé, ce lundi 6 août 2018, à la signature d’une ordonnance portant amnistie. Cette amnistie bénéficiera à environ huit cents (800) de nos concitoyens, poursuivis ou condamnés pour des infractions en lien avec la crise postélectorale de 2010, ou des infractions contre la sûreté de l’Etat commises après le 21 mai 2011, date de ma prestation de serment en qualité de Président de la République ». Parmi les bénéficiaires de cette ordonnance d’amnistie, l’on peut citer Madame Simone Ehivet Gbagbo, épouse de l’ancien chef de l’Etat qui a été jugée et condamnée à 20 années de prison. Il y a également de barons de l’ancien régime comme les anciens ministres Assoa Adou et Lida Kouassi Moïse. Cette mansuétude du chef de l’Etat ne s’est pas limitée aux prisonniers proches de l’opposition. Le Directeur du protocole du Président de l’Assemblée nationale qui était également en prison va aussi bénéficier de cette amnistie. Mieux, le chef de l’Etat a annoncé la réforme de la Commission électorale indépendante qui est réclamée depuis longtemps par l’opposition et certaines organisations de la société civile. Pour aussi rassurer ses propres partisans, l’opposition tout comme la communauté internationale sur ses ambitions de briguer un troisième mandat en 2020, le Président de la République a tenu aussi à dissiper toutes les inquiétudes.
Il a réaffirmé sa volonté de passer le témoin à une nouvelle génération en 2020. Pour le 58è anniversaire de leur pays, les Ivoiriens ne pouvaient pas espérer mieux que cette adresse du chef de l’Etat. Ce discours à la Nation du Président Ouattara a eu le mérite de faire l’unanimité dans la classe politique et permettra de déboucher sur une décrispation totale de la scène politique. Au moment où les prémices des vieux démons ont commencé à faire leur retour sur l’échiquier politique et au moment où la situation a commencé à se raidir entre la coalition au pouvoir et ses alliés d’une part et avec l’opposition d’autre part, il fallait prendre de la hauteur pour agir afin de sauver la Nation d’une autre crise dont les ingrédients ont commencé à se mettre en place. De fait, le chef de l’Etat s’est mis au dessus de la mêlée. En interne, les partisans du Président de l’Assemblée nationale ne pourront plus se servir de l’emprisonnement de Soul To Soul pour mettre en péril la cohésion au sein de l’appareil politique au pouvoir. Ceux qui ont des ambitions pour 2020 ont été également mis à l’aise. Le transfert démocratique du pouvoir à une nouvelle génération a été réaffirmé. Au niveau de l’opposition, le chef de l’Etat a donné une suite favorable aux principales revendications que sont : La libération des détenus de la crise post-électorale, exit le cas Laurent Gbagbo dont le sort ne dépend plus de la Côte d’Ivoire, et la réforme de la Commission électorale indépendante. Ceci permettra certainement à l’opposition de retrouver sa vitalité et de jouer pleinement le rôle qui est le sien pour l’équilibre du jeu démocratique.
Au total, dans la vie d’un homme ou d’une nation, à 58 ans, c’est l’âge de la maturité où l’on se doit d’être un modèle pour les autres. Ce grand discours du chef de l’Etat qui a été salué par toutes les chancelleries a le mérite de rassembler la Nation autour des idéaux de paix et de réconciliation nationale. Après avoir ce discours historique, les Ivoiriens doivent saisir cette main tendue du président de la République pour que plus jamais le pays ne saigne à nouveau après 58 années d’existence. Bonne fête de l’indépendance à tous !
DIABY Moustapha Ben Ismaïla
Juriste et écrivain
02301804
ben.diaby@yahoo.fr