L’Institut panafricain de stratégies (Paix – Sécurité – Gouvernance) a organisé, le 16 juin 2021, à Dakar, un important séminaire portant sur le thème : « Penser la question du Sahara et promouvoir des solutions innovantes ». Ci-dessus le communiqué final de la journée de réflexion sur la question du Sahara.
Cet événement à dimension sous-régionale a rassemblé une trentaine d’experts, de personnalités politiques, de membres de Think Tanks, d’universitaires et d’éminents membres de la société civile ouest-africaine, avec comme pays représentés : le Sénégal, le Cap-Vert, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali et la Mauritanie. Le format du séminaire a été celui d’un brainstorming. Cet exercice a permis d’initier une réflexion intellectuelle et scientifique de haute facture tout en formulant des réponses innovantes à la question du Sahara, qui constitue un frein à la marche de l’Afrique vers le progrès, la paix et la concorde. Ayant fait le constat que l’Union Africaine (UA) notre organisation continentale, par ses actes partisans, a de facto choisi de s’auto-dessaisir dans le processus de résolution de la question du Sahara, le Brainstorming s’est d’emblée inscrit dans la dynamique qui prévaut actuellement au sein de la Communauté africaine et Internationale. Une telle dynamique reconnaît la prééminence du Conseil de Sécurité de l’ONU dans la gestion de ce dossier du Sahara. La pensée sans l’action étant orpheline, ce séminaire a adopté une démarche intellectuelle qui invite à allier pensée et action et donc « à penser librement, à proposer librement et à accompagner librement » les propositions et solutions innovantes issues des délibérations des participants. Cette rencontre (en présentiel et en virtuel) a permis de saluer et de commémorer l’œuvre historique du Groupe de Casablanca et à appeler à l’organisation d’une rencontre de haut niveau, en cette année 2021, pour célébrer son 60e anniversaire, qui sera l’occasion de lancer un Appel solennel pour la réalisation effective des idéaux panafricanistes de ce groupe et de son illustre hôte : Sa Majesté le Roi Mohamed V. Cet appel permettra aussi de demander à l’Afrique de corriger l’aberration juridique et l’anomalie historique que constitue l’admission de la « République arabe sahraouie démocratique » ou « Rasd » au sein de l’OUA puis son maintien dans l’UA. Le séminaire a, par ailleurs, souligné que la responsabilité de l’intelligentsia africaine était pleinement engagée sur toutes les grandes questions concernant le continent, y compris celle du Sahara. Il a, dans ce sens, appelé de ses vœux la mobilisation des experts, personnalités de la société civile et Think Tanks du continent pour contribuer à cette nouvelle dynamique de « prise de parole » de l’Intelligentsia africaine. Lors de ce séminaire, les participants ont salué l’enracinement africain du Maroc qui n’est plus à démontrer, ainsi que sa croissance économique fulgurante qui devrait être dupliquée plutôt que redoutée. Voici un résumé succinct des discussions autour des cinq axes de ce séminaire panafricain :
AXE 1 : Penser la question du Sahara comme une opportunité pour refonder et réhabiliter l’Union Africaine (UA) en gelant la présence en son sein d’une entité non-étatique qui prône le séparatisme Lors de ce premier axe de discussion, les participants ont examiné le gel de la présence de la « Rasd » des rangs de l’UA et sa suspension effective dans les plus brefs délais, comme moyen de rectifier une injustice et de permettre ainsi à l’organisation panafricaine de jouer le rôle de soutien crédible et légitime au processus onusien. Il a notamment été souligné qu’une telle solution ne devait pas être considérée comme un tabou mais comme un objectif à atteindre. Cette cause juste doit être posée de façon décomplexée afin de trouver des réponses aussi pertinentes qu’innovantes. La réalisation d’une telle solution, qui s’insère dans une dynamique où le réalisme et le pragmatisme prévalent, doit être une ambition de tous les Etats africains désireux de mettre fin aux divisions superflues et à l’instrumentalisation d’une organisation qui se doit de garantir notre unité et non de promouvoir notre division. Enfin, il a été convenu que la correction de cette anomalie permettra à l’UA de se conformer, sur la question du Sahara à l’avis de la majorité écrasante de ses membres, et à celle de 85% des États membres de l’ONU ainsi qu’à celle des autres organisations internationales ou régionales et des Cers.
AXE 2 : Penser le statut de « membre » accordé à la « Rasd » au sein de l’UA comme une « anomalie historique » héritée de l’OUA et qui décrédibilise l’UA définie par son Acte constitutif comme étant « une organisation d’Etats indépendants et souverains ». Le séminaire s’est également penché sur les circonstances de l’admission de la « Rasd » au sein de l’OUA puis son maintien au sein de l’UA. Il s’est arrêté sur les raisons juridiques pouvant corriger ce qui a été unanimement considéré comme étant, à minima une anomalie, au pire une aberration consciente. En effet, selon les participants, l’OUA, à travers cette décision, valide une double aberration juridique. La « Rasd » n’ayant aucun des attributs d’un véritable Etat (Traités de Westphalie, définition wébérienne, Convention de Montevideo), l’organisation panafricaine a, par conséquent et en violation flagrante de sa Charte pour l’OUA et de son Acte Constitutif pour l’UA, admis en son sein une entité non-étatique et non-souveraine. Ce parti-pris est assimilable à un coup de force politique et idéologique plutôt qu’à un acte juridique, légal et légitime. De brillants juristes et politologues, participants au séminaire, ont émis des avis juridiques qui méritent d’être enseignés dans les prestigieuses écoles de droit. Selon eux, le statut de « membre » accordé à la « Rasd » est « une éminente question juridique, et uniquement juridique, qui a été détournée et contournée pour imposer une décision politique, partisane, incohérente et en définitive absolument illégale. »
AXE 3 : Penser le différend régional autour du Sahara comme un obstacle à l’intégration socio-économique, politique et humaine du Nord de l’Afrique paralysé depuis plusieurs décennies au grand détriment de ses peuples frères Le séminaire a par ailleurs souligné la question de la relance économique post-Covid, marquée par un contexte défavorable nécessitant un renforcement de l’intégration du continent ainsi que de la coopération intra-africaine, sur les volets socioéconomique, politique et humain. Le succès de cette intégration, tel que rappelé par les échanges, repose en grande partie sur le rôle des Communautés économiques régionales (Cers). Celles-ci restent d’une importance primordiale pour soutenir ce processus d’intégration, dans un continent qui est aujourd’hui la zone la moins intégrée au monde. L’exemple réussi de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) contraste de manière frappante avec celui de l’Union du Maghreb Arabe (UMA). Il demeure évident que le différend régional autour du Sahara entrave, à ce jour, une contribution tangible de la région au développement socio-économique du continent et fait de cette zone, pourtant riche en opportunités économiques et en capital humain, la région la moins intégrée d’Afrique. De région potentiellement leader, L’UMA, paralysée par un conflit artificiel, a perdu non seulement l’initiative historique mais aussi sa capacité historique et traîne de façon indéniable au bas du tableau des performances de toutes les Cers du continent.
AXE 4 : Penser le différend régional autour du Sahara comme un blocage à la pacification de l’espace sahélo-saharien et comme un frein majeur à la coordination victorieuse de la lutte contre le jihado-terrorisme dans le Sahara, le Sahel et dans toute l’Afrique subsaharienne Le séminaire a établi que, malgré les divers efforts politiques et militaires fournis par l’UA pour atténuer la crise sécuritaire continentale, le terrorisme demeure une menace active et croissante à travers l’Afrique avec de graves implications pour la paix, la sécurité et la stabilité du continent, devenu l’épicentre mondial du terrorisme, comme l’a prôné l’IPS, depuis 2015, et comme l’a récemment confirmé le Président français. Les participants ont noté avec inquiétude la recrudescence des crises et conflits armés dans l’espace sahélo-saharien : la crise libyenne, le conflit malien, les tentatives de neutralisation du Tchad ainsi que la montée des menaces sécuritaires transnationales à caractère extrémiste ou séparatiste et l’expansion de l’économie criminelle (esclavage, prise d’otages, trafic d’armes, de drogues, de devises, de migrants…) L’opérationnalisation par l’UA des composantes principales de l’Architecture de paix et de sécurité en Afrique (APSA) est nécessaire pour la prévention, la gestion et la résolution collectives des conflits sur le continent. La mise en place de forces armées panafricaines a aussi vivement été encouragée par les intervenants. Elle prendrait la forme d’une coopération forte et d’une mutualisation effective des moyens et des expertises entre les pays africains pour une gestion solidaire et coordonnée des questions liées à la sécurité, le maintien de la paix et de la stabilité, en allant au-delà du « leurre de la souveraineté ». Dans le cas particulier de l’Afrique du Nord, examiné par les participants, l’activation de sa Force en Attente dédiée (NARC) serait d’une valeur ajoutée considérable, à condition de dépasser les divers handicaps qui entravent, justement, son opérationnalisation ainsi que l’intégration économique de la région. Un de ces handicaps majeurs trouve son origine justement dans ce différend artificiel sciemment entretenu pour servir de prétexte à l’agression contre l’intégrité territoriale d’une nation pluriséculaire et souveraine de l’Afrique du Nord ; ce qui de facto, contribue à l’aggravation de la crise sécuritaire et à la prolifération des entrepreneurs de la violence Jihado-terroriste et des criminels narcotrafiquants. Or donc, le cordon ombilical indéniable entre le Nord de l’Afrique et l’espace saharo-sahélien exige la résolution sans délai de ce différend régional et le retour au partenariat fécond et bienveillant entre les pays de la zone. Il y va de la survie du continent tout entier face aux défis et menaces du Terrorisme et de toutes les forces négatives actives dans ce large espace.
AXE 5 : Penser la question du Sahara dans la perspective du plan d’autonomie proposé par le Royaume du Maroc, jugé « sincère, crédible et réaliste » par les Nations Unies et par la majorité des Etats africains. Enfin, le séminaire s’est intéressé, en détail, au plan d’autonomie proposé par le Maroc, dans ses trois chapitres et 35 articles et l’a considéré comme une solution équilibrée de compromis, en ce qu’elle pose les bases d’une autonomie au Sahara, à travers la mise sur pied, au niveau local d’instances et institutions exécutives, législatives et judiciaires dotées de compétences propres. Le Nouveau modèle de développement des Provinces du Sud a ensuite été étudié, avec une attention particulière portée à ses divers projets transformationnels ayant trait à de multiples secteurs : énergies renouvelables, infrastructures, logistique, enseignement supérieur etc. Ces projets positionnent la région comme trait d’union entre l’Afrique de l’Ouest et l’Europe et comme source de création de valeur économique et sociale pour les populations locales ainsi que pour le continent. Les participants ont enfin salué l’évolution positive de la position de l’UA et de ses pays membres. Cette évolution reflète une consolidation de la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara, l’alignement croissant du continent avec la position marocaine et le désir d’un nombre grandissant de pays africains de mettre fin à l’instrumentalisation du différend qui porte un immense préjudice au progrès et au bonheur des paisibles populations du Sud du Royaume. La reconnaissance par les Etats-Unis de cette souveraineté est un puissant rappel que l’Histoire fait des progrès en avançant et non en reculant. Quelques recommandations-phares du séminaire : Les participants ont unanimement souhaité que, par-delà les politiques des États et lesØ relations entre les nations, l’intelligentsia et les sociétés civiles africaines puissent faire entendre haut et fort leur exigence de la Paix, de la Sécurité, de la Concorde et de l’Unité du continent. Il est par conséquent urgent de mettre fin au silence des Intellectuels qui, en très grand nombre, prônent la nécessité de corriger l’anomalie historique et l’aberration juridique qu’est l’admission (illégale et illégitime) puis le maintien (illégal et illégitime) au sein de l’organisation continentale de la « Rasd », entité ne pouvant se prévaloir d’aucun des attributs d’un Etat indépendant et souverain ; Remédier à l’anomalie que constitue la présence de la « rasd » au sein de l’UA, et engagerØ sa suspension effective permettront de mettre fin à la volonté, consciente ou non, d’encourager l’hyper-balkanisation du continent et de prémunir l’instance panafricaine de toute tentative d’instrumentalisation politique ou idéologique ; Selon les participants, le succès de l’intégration économique panafricaine repose en grandeØ partie sur le rôle primordial des Cers pour soutenir ce processus aujourd’hui impératif. A cet égard, ils ont considéré la résolution du différend régional autour du Sahara comme une première étape nécessaire à la construction économique de l’Afrique du Nord, partenaire stratégique pour la CEDEAO et garant de la fluidité des échanges entre l’Afrique et l’Europe ; Les participants ont rappelé l’urgence de renforcer les capacités d’action sécuritaire de l’UA,Ø particulièrement dans la région du Sahel, qui reste en proie aux dangers du jihado-terrorisme et de l’économie criminelle. Ils prônent l’opérationnalisation des composantes principales de l’Architecture de paix et de sécurité en Afrique (APSA) et l’émergence rapide de forces de défense et de sécurité coordonnées sur une base panafricaine régionale ou inter-régionale ; Enfin, les participants au séminaire ont étudié et discuté en profondeur le PlanØ d’Autonomie élaboré par le Maroc. Ils ont dans ce sens appelé à un soutien par l’UA et ses Etats-membres de cette solution déjà saluée par les Nations Unies comme étant « sincère, crédible et réaliste », dont la valeur ajoutée incontestable est son esprit de compromis qui reste une valeur africaine fondamentale.
Fait à Dakar, le 16 juin 2021 par la cellule de communication de L’Institut panafricain de stratégies (Paix – Sécurité – Gouvernance)
(Au nom de l’ensemble des Participants à la Journée de Réflexions)