Le mot a été encore lâché : la réconciliation. En visite samedi à Daoukro chez Bédié, l’aîné de tous les politiciens ivoiriens, Gbagbo a indiqué que l’acte qu’il posait en allant voir Henri Konan Bédié «est un acte de réconciliation, un acte de reconnaissance». Assurément, la réconciliation est en train de perdre tout son sens selon la lettre et l’esprit de ceux qui ont inventé cette notion.
Selon Larousse, la réconciliation nationale est un processus d’acceptation et de déculpabilisation dans l’opinion publique d’une nation après des évènements qui ont secoué le pays. Cela présuppose qu’on apaise les victimes et on invite les auteurs des exactions à reconnaître leurs fautes. Ici en Côte d’Ivoire, après une crise stupide née de la volonté d’un seul individu de s’accrocher à un pouvoir perdu dans les urnes, 3000 personnes sont mortes. Jusqu’à ce jour, le principal bourreau refuse de reconnaître sa responsabilité et nargue les morts et leurs familles.
Ayant bénéficié d’un non-lieu ou acquittement consécutif à un procès bâclé, le chef des refondateurs se prend pour un homme neuf et cherche maintenant à effacer de la mémoire collective de ses concitoyens les crimes abominables commis par son régime.
Non, ce n’est pas acceptable. Le bourreau qu’il demeure aura beau jouer à la victime, personne n’oubliera ses miliciens et ses mercenaires libériens et angolais importés en Côte d’Ivoire pour tuer. A la Cpi, les faux enquêteurs sont allés brandir des images du Kenya alors qu’ici à Yopougon les jeunes patriotes de Gbagbo brûlaient vifs des individus avec leurs articles 125, au vu et au su de tous.
Depuis sa sortie de prison, Gbagbo n’a eu aucun mot de compassion pour les victimes de sa barbarie. Aucun mot pour les jeunes patriotes qui se sont sacrifiés pour lui. Il ignore royalement leur chef, Charles blé Goudé qui était avec lui à la Haye.
Gbagbo parle de réconciliation alors qu’il est revenu de prison avec un cœur bourré de haine et de ressentiments. La réconciliation qu’il prône, c’est pour les autres. Elle ne concerne pas les militants de son parti qui sont partagés entre les Gor, les pro-Simone et les pro-Affi.
La logique aurait voulu que le boulanger des lagunes commence sa réconciliation par sa propre famille politique et biologique avant d’essayer d’embobiner les naïfs de la République dans son affaire. Depuis qu’il est arrivé, il parle, parle, parle. Il provoque et provoque le régime Ouattara dans l’espoir d’obtenir une réplique qui ne vient pas. Mais une chose est certaine; le jour où il franchira le seuil du tolérable, il comprendra que le pays a changé et est bel et bien gouverné.
Depuis qu’il est arrivé, il a certainement constaté que tout le monde est au travail et que personne n’est payé pour bavarder. Tous les désœuvrés et gueux de la République qu’il payait chaque fin de mois comme des fonctionnaires avec l’argent du contribuable ont tous pris leur retraite anticipée.
Gbagbo peut donc continuer de rêver de revenir au pouvoir. Il peut partager et vendre son rêve au patriarche de Daoukro si cela peut le soulager. Tant mieux. Mais la réalité du terrain, elle, est là, implacable ! Les temps ont changé. L’époque où la roublardise, la ruse et la tromperie pouvaient conduire au palais présidentiel est révolue. L’accident qui a amené la refondation au pouvoir risque de ne plus jamais se produire. C’est ça qui est la vérité.