Etudiantes le jour et prostituées la nuit. Le plus vieux métier du monde a eu des adeptes dans l’univers estudiantin en Côte d’Ivoire.
Après l’obtention du baccalauréat, Eveline Yao a été orientée à l’université. Vivant en cité universitaire à Abidjan, loin du contrôle parental, elle a intégré un groupe de prostituées.
«J’aurais jamais eu l’idée de pratiquer ce genre de chose. Mais étant ici, j’ai vite compris que cela se fait partout. Même entre époux, il ya une prostitution déguisée. Cependant, personne n’a l’honnêteté de le dire», s’exprime-t-elle.
Selon elle, cette activité est à la fois très lucrative et facile. «J’ai vite pris goût à ce genre de vie. Grâce à cela, je peux avoir 100 mille Fcfa par jour. Je sors uniquement avec des ‘‘boss’’. J’ai le dernier iPhone et je suis habituée à avoir des choses de luxe», explique-t-elle.
Eveline Y. n’est malheureusement pas la seule à l’exercer. Lauriane B., étudiante en Droit, raconte ce qui se passe dans les cités. «Tous les soirs, de grosses voitures sont garées au bord de notre cité rouge. Des filles vont rejoindre des hommes. Et c’est à l’aube que certaines se pointent en cité», révèle-t-elle. A en croire son témoignage, il y a des filles que des proxénètes vivant au sein de la cité universitaire accostent. «Ici, des hommes approchent des filles, les mettent en contact avec leurs “vieux pères” et en retour, celles-ci sont tenues de leur reverser des commissions sur chaque client à elle offert», fait-elle savoir.
A l’en croire, ces filles participent à des fêtes privées organisées par certaines personnalités du pays. «Beaucoup de filles ici ont des chambres luxueuses. Elles ont des télévisions avec écrans plasma, des frigos et toutes sortes d’appareils», poursuit-elle.
Confrontées à des difficultés financières, elles se livrent à des étudiants et parfois à des professeurs, en contrepartie d’une somme d’argent. Etudiant à l’Université de Cocody, Karim A. fait une confidence. «J’ai ma meilleure amie qui est entrée dans le réseau de “Bizi” (prostitution organisée). Livrée à elle-même, elle est la seule à s’occuper de ses études et autres besoins», tente-t-il de justifier.
L’université peut être un enfer si l’on n’a pas les moyens financiers, lance-t-il. Poursuivant, il indique que «les étudiantes s’adonnent à certaines pratiques inacceptables par manque de moyens financiers. Elles peuvent entretenir au moins trois à quatre relations sexuelles avec d’autres étudiants juste pour avoir de quoi se mettre sous la dent. C’est ce qu’on appelle “un Bizi voilé” au sein du campus».
Selon lui, ces filles transforment les chambres de la cité en hôtel. «Tu ne les verras jamais sur les trottoirs. C’est dans les chambres de la cité que tout se passe. Elles ont carrément transformé les chambres de la cité en chambres d’hôtel». Pour Koné Awa, étudiante âgée de 24 ans, à l’Ufr d’histoire-géographie, ce sont les difficultés de la vie estudiantine qui amènent les étudiantes à prendre un chemin autre que celui de l’éducation. Elle explique que ce phénomène se pratique aussi à l’intérieur du pays.
«Dans la ville de Bouaké, se trouve un espace baptisé le “Fromager”. Cet endroit est réputé rassembler plusieurs étudiantes qui viennent chercher des clients», informe-t-elle.
Poursuivant, elle explique qu’une plateforme d’échanges a été créée afin de leur permettre d’interagir avec des clients. «Il existe une sorte de plate-forme créée par un individu sur laquelle ces étudiantes s’inscrivent. Après le passage d’un client, le créateur de la plate-forme a un certain pourcentage sur ce que ces prostituées gagnent. Il y a même des professeurs qui utilisent ce genre de site pour satisfaire leur libido», dit-elle.
Une activité à risque
Selon une professionnelle du sexe, les étudiantes comme tous les autres individus qui s’adonnent à la prostitution, ont généralement des comportements à risque.
A cet effet, ils sont exposés à des maladies sexuellement transmissibles. Ainsi, selon l’Organisation mondiale de la santé (Oms), les études indiquent que la probabilité de contracter le Vih est 14 fois plus élevée chez les professionnelles du sexe que chez les autres femmes. Dr Bossiki Bernard, du programme de lutte contre le Sida en RDC renchérit.
«Elles sont exposées à plusieurs Infections sexuellement transmissibles (Ist). Mais, nous pouvons épingler deux qui sont le plus couramment rencontrées. Vous avez la blennorragie qui est une infection d’origine bactérienne. Elle provoque des brûlures et/ou un écoulement jaune par la verge, le vagin ou l’anus. Cette infection se transmet lors de rapports sexuels, bucco-génitaux, vaginaux ou anaux et la Syphilis qui, à un certain niveau, donne des petites lésions au niveau de l’appareil génital. Le plus grand Ist qui fait objet de programme, c’est le Vih. Il y a un programme spécialisé qu’on a mis en place pour pouvoir faire face à cela », clarifie le spécialiste.
Pour Yolande Kouadio, étudiante en criminologie, au-delà des dangers sur leur santé, les prostituées sont exposées à l’insécurité. «Elles prennent d’énormes risques en allant avec des inconnus. Parmi leurs clients, il y a peut-être des criminels. Aujourd’hui, avec cette histoire d’enlèvement de femmes, elles sont les plus exposées», déclare-t-elle.
Poursuivant, elle a ajouté qu’une de ses connaissances, “gereuse de Bizi” a été victime de viol par un groupe de personnes qui l’a ensuite dépouillée. «Elle a rencontré un client qu’elle a rencontré sur le net. Le gars en question l’a envoyée dans une résidence. Là-bas, plusieurs hommes ont abusé d’elle et lui ont volé son argent et ses portables», raconte-t-elle.
Pour Dr Gottfried Hirnschall, Directeur du Département Vih de l’Oms, ces travailleuses de sexe mettent la population aussi en danger.
«Les professionnels du sexe et leurs clients ont des maris, des femmes et des partenaires. Certains consomment des drogues injectables. Nombre d’entre eux ont des enfants. Ne pas fournir de services à ceux qui sont le plus exposés au risque de Vih, hypothèque les progrès futurs contre l’épidémie mondiale et menace la santé et le bien-être des personnes, de leurs familles et de la communauté au sens large», s’indignent le fonctionnaire international.
Ange Sarah et Massandjé Diomandé (Stagiaire)