L’ampleur des incidences économiques et sanitaires de la contrefaçon incite les membres du Comité national de lutte contre la contrefaçon (Cnlc) à changer de fusil d’épaule.
Vaste serpent de mer aux tentacules indénombrables, depuis des années, la contrefaçon continue ses effets néfastes sur l’économie. Mais l’endiguement des imitations frauduleuses pourrait être facilité par une veille permanente et l’implication franche des titulaires de droit de propriété intellectuelle ainsi que celle du consommateur lambda. C’est du moins la vision nourrie par Jacques Ekra, nouveau coordonnateur de la Cellule de prévention et d’investigation (Cpi) du Comité national de lutte contre la contrefaçon (Cnlc). Face aux journalistes, mercredi 7 septembre 2022 au siège de l’instance, à Cocody Riviera golf, le premier responsable de l’organe opérationnel du Cnlc a annoncé la création d’une brigade spéciale de lutte contre la contrefaçon. Ce phénomène est devenu un enjeu majeur de la pérennité des grandes marques de droit de propriété, au point où la Cpi joue la carte de la discrétion, à l’insu des auteurs de délits.
« La lutte contre la contrefaçon a ce travers qui fait que lorsque vous révélez des informations sur un produit donné, on risque de faire disparaître le produit à cause de la contre-publicité » confie l’ancien membre du Conseil d’orientation aux hommes des médias. L’ex-Directeur de l’Office ivoirien de la propriété intellectuelle (Oipi) est dans son monde, entouré pour la circonstance des forces de l’Etat, à savoir les représentants des Douanes, de la Police, ainsi que ceux de l’administration (Commerce, culture).
Au regard des chiffres alarmants, Jacques Ekra et son équipe ne veulent plus se contenter des simples interpellations des revendeurs à la sauvette. Mais ils aspirent à pousser leurs investigations pour couper la tête du serpent, autrement dit démanteler le réseau en remontant toute la filière jusqu’au-delà des frontières ivoiriennes. A en croire ses propos, le mythique site d’ « AdjaméRoxy » pourrait être le théâtre de ce coup fumant. Pour ce faire, un remède à dose homéopathique est en cours d’élaboration, avec le concours de l’autorité de mise à marché des produits médicaux, pour rayer de la carte ledit marché.
La contrefaçon ou l’acte consistant à utiliser la marque ou le brevet d’autrui sans son consentement est un délit pénalement sanctionné. Actuellement, les sanctions peuvent aller de simples amendes jusqu’à la peine de prison de 10 à 20 ans. A en croire le conférencier, elle touche le plus le secteur médical, alimentaire (lait, huile, eau, boissons alcoolisées), éducatif, etc.
Puis, il a indiqué que de 2020 à 2021, ce sont 50 tonnes de médicaments, 1800 pièces de pagnes, plus 12 200 CD audio, près de 2 tonnes de cartons de Chewing Gum, une demi tonne de carton de lessive et plus de 700 mécanismes de toilettes, des robinets (…) qui ont été saisis. Pour un montant total d’environ 2 milliards de FCFA de marchandises. Au sens plus large, depuis 2016, date de mise en opération de la Cnlc, on évalue à environ plus de 130 milliards de FCFA le manque à gagner de cette pratique pour l’économie nationale.
Pour l’heure, la Cpi de la Cnlc aspire à avoir des correspondants en Douanes et des relais notamment avec les administrations locales (la police, la gendarmerie) et surtout se faire connaître à travers des campagnes de sensibilisation pour une meilleure vulgarisation du numéro vert 800 200 39. Celles-ci vont s’étendre aux différentes frontières du pays et réseaux de distribution. « Cela demande des moyens que nous allons solliciter auprès de l’Etat. Nous souhaitons avoir un budget un peu plus conséquent. La mise en place de la brigade sera un point fondamental de la mise en œuvre de la mission », informe-t-il. Tout en encourageant les dénonciateurs à fournir davantage de preuves relatives aux marchandises dites contrefaites.
Isaac Krouman