Le Directeur général adjoint de Sipofu (Société ivoirienne des pompes funèbres), Dominique Témé prie pour que le secteur des pompes funèbres soit assaini. Dans cette interview, il salue les actions du gouvernement qui encourage, selon lui, l’initiative privée.
Comment est née la Sipofu ?
La Sipofu est née d’une rencontre entre moi en tant que porteur du projet et un citoyen franco-libanais qui a également la nationalité ivoirienne. Cela s’est fait à la suite d’une interview que j’ai accordée au journal Fraternité Matin, parue le 17 Juin 2003. Dans cette interview, j’ai eu à exposer sur le secteur des pompes funèbres en Côte d’Ivoire. J’évoquais la question relative au rapport qualité-prix en soutenant que les Ivoiriens ne devraient pas être ruinés face à un décès. Mon objectif était de créer une pompe funèbre complète parce que j’avais déjà une petite structure, mais pas de chambres funéraires. Entre 2004 et 2005, nous avons créé la société. Sur le plan juridique, elle existait désormais. On a donc cherché le site sur lequel nous sommes actuellement (Ndlr ; à Yopougon avant le Pk 17).
C’est une banque de la place qui nous a accompagnés et nous sommes à ce jour à des investissements d’un montant de un milliard 500 millions ou un milliard 600 millions de Fcfa. Nous employons près de 80 Ivoiriens qui sont tous déclarés à la Cnps. Nous payons normalement nos impôts également. Je voudrais saluer la politique d’investissement privé mise en place par le président Alassane Ouattara. A travers le Cepici (Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire), nous avons fait une demande d’agrément à l’investissement. Qui nous permet aujourd’hui d’être exonérés sur l’impôt sur le revenu BIC sur 7 ans, d’être exonérés de la patente sur 7 ans, de bénéficier d’une réduction de 50% sur les droits de douanes à l’importation de nos équipements.
Cette mesure prise par le gouvernement nous a facilité la tâche. C’est pour dire que la volonté manifeste du président Alassane Ouattara est d’ouvrir la porte de la Côte d’Ivoire aux investisseurs. Je remercie surtout le Premier ministre Amadou Gbon Coulibaly en tant que président du comité de gestion du Cepici qui, grâce à son accord, a permis à différents ministères de valider notre demande. Vous voyez donc que nous ne sommes pas une société clandestine. Nous sommes une société reconnue par les autorités de l’Etat de Côte d’Ivoire. Et c’est grâce à eux que nous exerçons.
Cela veut dire que vous fonctionnez sur des bases légales…
Nous fonctionnons véritablement sur des bases légales. Nous avons obtenu une autorisation environnementale d’exploitation délivrée par le ministère de l’Environnement en 2010. En octobre 2011, nous avons obtenu du ministère de la Construction un permis de construire. Le ministère de la Santé nous a donné son accord pour exercer. Les services techniques de la Mairie de Yopougon, dans la commune où nous exerçons, nous reconnaissent à travers l’étude d’impact environnemental et son rapport qu’elle a fourni à l’Agence nationale de l’environnement. Après tous ces documents, je ne vois pas quelle autre autorité viendra nous délivrer autre chose.
Mais comment expliquez-vous le fait que certains disent que vous exercez sur leur territoire ?
Je me pose la même question. Nous avons ouvert en septembre 2014. On a exercé en 2014, 2015 et 2016. Et en mars 2017, on reçoit un courrier du District autonome d’Abidjan nous intimant l’ordre d’arrêter nos activités. Chose que nous ne comprenions pas. Nous décidons d’écrire au District automne d’Abidjan afin d’expliquer et exposer toutes les autorisations que nous avions et nous leur avons demandé d’annuler leur mise en demeure à notre égard puisque nous existons légalement. Mais le District ne voulant rien savoir nous a envoyé encore un deuxième courrier de mise en demeure. Mais avant, nous avions pris la peine de saisir la haute Cour de justice qui est la Chambre administrative de la Cour suprême. Cette juridiction a jugé nos dossiers recevables. Et voilà comment la Chambre nous a invités à plusieurs audiences. Après les premiers procès, la Chambre a donné la grosse après avoir étudié le dossier dans la forme.
Cette grosse stipule que le District doit cesser de nous harceler et que le dossier est en train d’être étudié dans le fond. Il faut rappeler que dans le courrier que le District nous a envoyé, il était dit que l’exploitation des pompes funèbres dans le District d’Abidjan a été exclusivement concédée à Ivosep et que c’est Ivosep seul qui doit exercer sur l’ensemble du District autonome d’Abidjan. Nous nous sommes demandé si tel était le cas, pourquoi les autorités compétentes nous avaient alors donné toutes ces autorisations.
Voilà comment on a saisi la Cour Suprême. Qui a indiqué que le District autonome d’Abidjan n’avait pas le droit de délivrer une quelconque autorisation sinon signer une quelconque convention avec une tierce entreprise. Parce que parlant de la ville d’Abidjan, il n’était pas mentionné quelque part que c’était le District qui délivrait les agréments pour l‘exploitation des pompes funèbres. Mais ceci relevait de la compétence des mairies. Le procès nous a éclairés. Nous avons compris que le district qui nous menaçait de fermeture n’avait même pas le droit de signer une quelconque convention.
En son temps, nous avons saisi l’Uemoa à travers la commission de la lutte de la concurrence déloyale et la vie chère dont une représentation est installée à Abidjan. Cette dernière a saisi le Bureau de cette commission qui a son siège à Ouagadougou au Burkina Faso. C’est ainsi que des émissaires de cette commission sont venus ici à Abidjan pour prendre connaissance de cette affaire. A l’issue de cela, la commission de l’Uemoa a écrit au Gouverneur du District afin que l’on cesse les harcèlements et que le dossier était aussi en cour de traitement devant leur Cour. Aujourd’hui donc, l’Uemoa s’est également saisie de cette affaire. Et je pense aussi que cette structure va nous donner raison. Donc, on peut dire qu’on a gagné le procès. Mais nous, notre volonté est de voir ce secteur assaini. C’est ce que nous recherchons.
Mes propositions pour assainir le secteur du funéraire
Que demandez-vous concrètement à l’Etat ?
Ce que je demande aux autorités, c’est d’assainir ce secteur d’activité. Parce que le constat que j’ai fait comparativement aux autres pays comme la France, il y a là bas les écoles du funéraire, il y a l’institut français de la profession du funéraire. Aujourd’hui, en Côte d’’Ivoire, il y a des personnes qui travaillent au sein des pompes funèbres en tant que conseillers funéraires, thanato practeurs, porteurs, maîtres de cérémonie, mais qui n’ont aucune qualification. Cela est déplorable. Moi, je suis prêt à mettre ce que j’ai appris à la disposition de mon pays pour qu’un minimum de formation puisse être donné désormais à ceux qui travaillent dans le funéraire. Pour être conseiller funéraire, il faut avoir le diplôme de conseiller funéraire. Pour être thanato practeur, il faut avoir fait la formation.
Je pense qu’avec l’institut de la médecine légale, on peut s’accorder afin que les enseignants de l’Institut de médecine légale puissent former ces personnes de telle sorte qu’on puisse leur délivrer un certificat qui prouve que la personne a suivi une formation dans ce domaine. Mais à défaut de ce qu’on veut, on fait avec ce qu’on a et pour que la profession soit véritablement assainie, il faut procéder à une mise à niveau de tous ceux qui travaillent dans le secteur du funéraire, et c’est très important. En France par exemple, on a le Conseil des opérateurs du funéraire (Conof) qui compte 49 membres et qui se réunit tous les six mois.
Il est composé des ministères de l’Intérieur, de la Santé, de l’Environnement et des syndicats des pompes funèbres. Ces acteurs se réunissent pour parler des orientations relatives au secteur. Mais aujourd’hui, si vous constatez l’état de certaines pompes funèbres, vous n’avez même pas envie d’y entrer. D’où, la nécessité d’assainir véritablement le secteur. Ce que je demande donc au gouvernement de Côte d’Ivoire concernant le District autonome d’Abidjan, il faut qu’un appel d’offre soit organisé parce que la convention qui a été signée entre le District autonome d’Abidjan et Ivosep en 2010 expire le 1er janvier 2020. Je demande aussi à l’Etat d’être regardant sur la qualité et le coût des prestations.
Justement sur le coût des prestations, l’Etat a décrété l’année 2019 comme celle du social. Dans votre secteur, comment vous entrevoyez cela ?
Cette politique du social prônée par l’Etat est celle que nous souhaitons avec toute la vigueur dans notre secteur. Dans notre secteur, les chambres mortuaires ou ces pompes funèbres installées dans les Chu et autres hôpitaux publics doivent être moins chères et contrôlées par l’Etat. Ces pompes funèbres sont différentes de celles appartenant à un opérateur privé qui s’est endetté pour construire sa pompe funèbre. Il mène sa politique comme il veut. Je propose donc que l’Etat fixe des prix dans ces pompes funèbres installées dans les CHU ou hôpitaux généraux, qui puissent être accessibles à la population ivoirienne.
Voici comment l’Etat peut faire du social dans notre secteur
Comment l’Etat peut-il procéder selon vous ?
L’opérateur qui a le corps pose des contraintes. On ne tient pas compte des paramètres sociaux dont le gouvernement ne cesse de faire la promotion. Et on les oblige à faire face à ces dépenses. Il risque de s’écrouler sous le poids des dettes. C’est donc un appel que je lance au gouvernement et sachant bien que le gouvernement aura une oreille attentive à cet appel, je voudrais à travers vos lignes, que ce secteur soit assaini d’ici peu. En effet, nous sommes tous des potentiels usagers des pompes funèbres. Car comme le dit Martin Heidegger, lorsqu’on naît, on est déjà trop vieux pour mourir. C’est une situation qui nous concerne tous. Mais quelqu’un ne doit pas « mourir » après avoir fini de s’occuper des obsèques d’un défunt.
Ouattara Abdoul Karim