Les dirigeants des Pays en développement (PED) qui se sont rassemblés à Paris ont souligné l’urgence de réformer l’architecture financière mondiale pour contrer les adversités économiques, environnementales et sociales et pour sauver les Objectifs de développement durable.
« Un financement prévisible, abordable et durable est essentiel pour permettre aux pays africains de se remettre sur la bonne voie et atteindre les Objectifs de développement durable », a déclaré le Secrétaire exécutif par intérim, de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), Antonio Pedro, lors de l’évènement de la Coalition de la dette durable organisée en marge du Sommet pour un Nouveau pacte de financement mondial à Paris.
Le Sommet, convoqué par le Président français Emmanuel Macron a eu pour objectif d’élaborer une feuille de route visant à alléger le fardeau de la dette des Pays à faible revenu tout en libérant davantage de fonds pour le développement et le financement climatique.
La Coalition de la dette durable, lancée par le Gouvernement égyptien lors de la COP27, vise à relever les défis de financement critiques auxquels sont confrontés les marchés émergents et les économies en développement, en particulier les conséquences débilitantes qu’ils ont sur l’action climatique et le développement. Ladite Coalition introduit une nouvelle voie de consultation qui relie les préoccupations liées à la dette, au climat et au développement, et favorise ainsi le dialogue pour des solutions innovantes.
La coalition a été lancée par l’Égypte lors de la COP27 comme moyen de garantir la prise en compte de la durabilité dans tous les instruments relatifs à la dette et comme moyen d’assurer l’équité dans le traitement de la dette ainsi qu’un accès abordable et prévisible au financement pour les Pays en développement.
M. Pedro a souligné que les efforts de réforme de la Coalition de la dette durable sont alignés sur l’Initiative de stimulation des ODD, un plan ambitieux visant à obtenir 500 milliards de dollars par an de financement supplémentaire pour le développement durable dévoilé par le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, plus tôt cette année.
Coût de financement élevé, faible développement
Les pays sont confrontés à de nombreux défis résultant des conséquences de la pandémie de COVID-19, de la guerre en cours en Ukraine et de l’escalade des coûts économiques du changement climatique, entre autres crises.
Le Ministre égyptien des finances, Mohamed Maait, a déclaré que l’augmentation de la dette augmente les déficits de financement pour le climat et le développement. Des billions de dollars d’investissements sont nécessaires chaque année pour atteindre zéro émission et réaliser les ODD.
Il a expliqué : « Les coûts du service de la dette publique augmentent rapidement en proportion des revenus. En Afrique, ce problème a augmenté de 62 % depuis 2014. Comme nous l’avons vu au cours de l’histoire, les conséquences d’un service de la dette plus élevé peuvent être écrasantes pour une économie. En Afrique, plus de 57 % des pays dépensent désormais plus en paiements d’intérêts qu’en santé. Plus de 17 % dépensent plus pour les intérêts que pour l’éducation ».
Il a ajouté : « Il est vrai que nos nations ont l’ambition de se développer, et il est également vrai que nous avons l’ambition de limiter le changement climatique, mais il est difficile de le faire lorsque nous sommes accablés par une dette coûteuse ».
La Coalition de la dette durable encourage la collaboration entre les pays créanciers et emprunteurs, en mettant l’accent sur la durabilité et la gestion de la dette. Les objectifs de la Coalition comprennent la réduction des coûts de la dette, l’élargissement de l’accès aux garanties de la dette souveraine et au financement mixte, et la création d’un espace budgétaire pour les investissements ayant des résultats environnementaux positifs.
En soutenant ces objectifs, la Coalition amène les pays emprunteurs à se rassembler dans des forums internationaux sur des questions de dette d’intérêt commun.
Trouver d’autres moyens de financement
Les participants ont discuté de solutions pratiques pour renforcer le filet de sécurité financière mondial.
Le plaidoyer de la Coalition de la dette durable pour intégrer des clauses d’urgence climatique dans les contrats de dette a été applaudi, car lors du Sommet, de nombreux pays et institutions, dont le Royaume-Uni et la Banque mondiale, se sont engagés à utiliser ces instruments pour atténuer les risques financiers auxquels sont confrontés les pays très vulnérables.
Les conversions de dettes ont également été discutées dans le contexte du besoin urgent de libérer de l’espace budgétaire. M. Pedro a souligné que « la CEA soutient les pays qui cherchent à refinancer leur dette coûteuse par le biais d’échanges de dettes, en réorientant l’épargne pour investir dans les ODD et l’action climatique ».
Le Commissaire de l’Union africaine au commerce et à l’industrie, au Département des infrastructures et de l’énergie, Albert Muchanga, a déclaré que certains pollueurs ne sont pas disposés à assumer des coûts pour promouvoir la durabilité de la dette et que les promesses faites pour le Fonds des pertes et dommages convenues lors de la COP27 en Égypte, en 2022 viennent des philanthropes et des gouvernements et non du secteur privé qui bénéficie des émissions de gaz à effet de serre et n’a pas été taxé.
« L’une des principales caractéristiques où il devrait y avoir un certain mouvement concerne l’intégration du commerce du carbone dans le commerce international », a-t-il dit.
M. Muchanga a souligné le soutien de l’Union africaine à ladite Coalition et a déclaré que l’Union africaine met actuellement en place un mécanisme de surveillance de la dette dans son Département du commerce afin qu’elle puisse obtenir des informations en temps réel sur la situation de la dette de tous les États membres de l’UA.
Dans son intervention, Mme Hanan Morsy, Secrétaire exécutive adjointe et Économiste en chef de la CEA, a déclaré que si l’Afrique est confrontée à d’énormes besoins de développement et à des déficits de financement, il y a eu une baisse du financement concessionnel et de l’aide publique au développement au cours de la dernière décennie. Cela a mis les pays africains dans une situation budgétaire précaire.
Mme Morsy a noté que la part de l’Afrique dans la finance verte mondiale est minuscule et qu’il existe une opportunité d’exploiter efficacement ce marché. La Coalition de la dette durable pourrait aider à cet égard en intensifiant l’utilisation des garanties, en améliorant la conception et la fiabilité des indicateurs de performance clés associés et en réduisant le coût de leurs rapports et de leurs suivis.
Commentant la manière dont les institutions financières peuvent soutenir une dette durable, la Vice-Présidente des finances de la Banque africaine de développement, Hassatou Diop N’sele, a déclaré que si les obligations vertes sont bonnes pour diversifier les portefeuilles financiers, elles sont laborieuses en termes d’allocation et de rapports. Elle a déclaré que « les échanges de nature peuvent faire la différence en raison de l’incidence à la fois sur la dette et la durabilité des pays et sur ce qu’ils peuvent faire avec les ressources ».
Les recommandations du Groupe de travail africain de haut niveau sur l’architecture financière mondiale incluent la réduction du coût du financement et l’augmentation de sa disponibilité ainsi que la nécessité de réviser le cadre commun du G20 et d’amplifier la voix africaine sur les plateformes mondiales.
Pour sa part, la Secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale, Rola Dashti, a déclaré qu’il est important de repenser le cadre commun du G20 qui n’a pas tenu ses promesses.
« Nous devons travailler sur notre propre voix et la voix de la Coalition de la dette durable doit également être entendue haut et fort », a lancé Mme Dashti.