Les mariages musulmans sont l’objet de parades de motos, d’acrobatie des jeunes sur des mini cars appelés communément ‘’Gbaka’’. Ceci pour manifester leur joie pour accompagner la mariée chez son époux. Cette pratique aussi dangereuse qu’elle est a fait de nombreuses victimes. La dernière en date la semaine dernière où le jeune Hamed a perdu la vie dans cette pratique dans la commune d’Anyama. Cette joie s’est transformée en une tragédie. Cette pratique comparée au « Bôro d’enjaillement’’ que nous avons connu par le passé avec les élèves sur les bus de la Sotra a refait surface dans les mariages musulmans. L’’expressions « bôrô d’enjaillement » est un néologisme ivoirien combinant le mot dioula « bôrô » (qui signifie « sac ») et le terme anglais francisé « enjoyment » (« amusement »). Jeux de tous les dangers «Le Bôro d’enjaillement’’ consiste à s’adonner à des acrobaties et autres pas de danse sur le toit d’un véhicule en mouvement malgré les risques mortels qu’elle fait courir aux cascadeurs. Ce phénomène a connu un certain succès au milieu des années 2000 avec des lycéens et collégiens qui se retrouvaient chaque vendredi après les cours sur le toit des bus de la Société des transports abidjanais (Sotra) pour produire du spectacle (pas de danse en culotte, salto…). Vu cette pratique que d’aucun qualifiait ‘’jeu de la mort’’, le gouvernement d’alors avait instruit les Forces de défense et de sécurité de traquer toute ces personnes qui s’adonnaient à cette pratique dangereuse. Les forces de l’ordre ont suivi à la lettre les instructions du gouvernement. Après plusieurs mois de traque, ces adolescents dont la plupart sont des élèves qui avaient vu le ‘’Bôro d’enjaillement’’ comme un ‘’acte de bravoure qui fera d’eux des hommes’’ ont dû se résigner. A cette époque, le phénomène de ‘’Bôro d’enjaillement’’ aussi appelé « jeu de la mort » ou « jeu du danger » a fait les gros titres de la presse locale.
Un adolescent âgé de 15 ans a perdu la vie en recourant à cette pratique à Port-Bouët. Ce jour-là, il avait choisi le toit d’un bus pour célébrer la victoire de l’équipe de Côte d’Ivoire de football lors d’un match de Coupe d’Afrique des nations (Can). Malheureusement, ce phénomène a refait surface cette fois ci pas dans le camp des élèves comme par le passé mais dans les mariages musulmans. En Côte d’Ivoire, les mariages musulmans donnent souvent lieu à d’impressionnantes parades. Nous avons suivi de très près ces jeunes qui s’adonnaient à cette pratique dans les communes d’Anyama, Abobo, Yopougon. Ces jeunes gens accomplissent des cascades pour accompagner la mariée au domicile conjugal. Ce sont des jeunes gens habillés en tee-shirts à l’effigie des mariés, surexcités, défiant la mort. On les voit accrochés sur des capots de voiture, roulant arrêtés sur des motos chantant et dansant au péril de leur vie. La plupart des cascadeurs sont des apprentis Gbaka, mécaniciens proposant leurs services pour sublimer les cérémonies de mariage musulman. Plusieurs couples trouvent que c’est un bon moyen pour marquer le plus beau jour de leur vie.
«J’ai été ravie que mon époux les sollicite pour apporter une note de gaieté à notre mariage. Il n’y a rien de mal à ce que des jeunes gens expriment bruyamment leur joie, à travers les klaxons et cris de joie, sans oublier les démonstrations de force que font les véhicules et motos», a indiqué un mariée que nous avons rencontrée à Abobo Marley.
Puis d’ajouter : «Je ne connais pas de mariage musulman qui ne soit agrémenté par ces jeunes paradeurs ». Certains mariés estiment que ces pratiques sont contraires à la foi musulmane.
«Lors de notre union, nous n’avons pas sollicité les services des paradeurs. Car, nous estimons que cela est contraire à la foi en islam, et crée d’autres drames inimaginables », a laissé entendre Aminata dont le mariage a été célébré à Port-Bouët 2.0
De graves révélations
Notre enquête nous a conduits dans certaines familles dont les enfants ont été victimes du ‘’Bôrô d’enjaillement’’. Abobo derrière rail où nous avons rencontré M. Bakary père de famille de huit enfants, nous a confié : « Mon fils m’avait approché un jour pour me dire qu’il ne voulait plus aller à l’école et qu’il voulait devenir chauffeur. Je lui ai dit qu’il n’avait l’âge de passer le permis de conduire. J’ai un ami propriétaire de ‘’gbakas’’ qui a accepté que mon fils vienne être apprenti dans une de ses voitures. C’est comme cela mon fils a commencé à être ‘’balanceur’’. Un vendredi après la prière de 13h, on m’appelle pour me dire que mon fils à fait un accident à Abobo Plaque-Anador. Je me dépêche pour arriver sur les lieux. Je vois mon fils couvert d’un sachet noir. Après les explications des témoins sur le lieu de l’accident, il m’a été rapporté que mon fils voulait se balancer sur la portière de la voiture qui était en plein. Il a fait une fausse manœuvre et s’est retrouvé à terre. Un véhicule derrière qui lui aussi était en plein est venu passer sur lui.
Selon les témoins il est mort sur le champ ». Nous avons rencontré dame Mariam qui nous a fait savoir que son fils Abou que ses amis appellent affectueusement Pascual Vigneron (meilleur pilote de moto cross) a perdu l’usage de ses deux jambes dans un accident.
« Un jeudi soir mon fils a pris sa moto et est sorti sans me dire où il partait. Aux environs de 20h je vois deux de ses amis à la maison. L’un m’a fait savoir que mon fils Abou a fait un accident de moto dans un mariage musulman. L’autre explique que l’incident a eu lieu quand plusieurs motos et véhicules allaient accompagner l’épouse d’un de leur ami à domicile après leur mariage. Il a dit que mon fils roulait à vive allure en se faufilant entre des véhicules accompagner des parades malheureusement le pneu arrière de sa moto a glissé et il est tombé c’est ainsi qu’un véhicule qui venait en plein est venue passer sur ces deux jambes. Dans l’hôpital où il a été évacué les médecins m’ont fait savoir qu’il fallait amputer ces deux jambes. Aujourd’hui mon fils ne peut plus marcher c’est moi qui le lave, qui le conduit dans les toilettes. J’ai dû stopper mes activités pour l’assister », nous a fait savoir dame Mariam avec les larmes aux yeux.
A Anyama, Cissé Abou a indiqué que son fils a failli perdre la vie dans un accident de moto à travers ce jeu dangereux qui est le ‘’Bôrô d’enjaillement’’.
« Mon fils a failli perdre la vie dans ce jeu dangereux. Selon des explications, c’est au cours d’un mariage musulman que l’incident s’est produit. Il était arrêté sur le siège arrière de la moto de son ami pendant que celui-ci roulait à vive allure. Arrivé à un feu tricolore, le pilote de la moto n’a pas marqué d’arrêt c’est ainsi qu’il voulait éviter un autre véhicule qui était déjà engagé c’est comme ça que le pire est arrivé. Après leur évacuation dans une clinique, les médecins m’ont dit qu’il fallait opérer mon fils parce que le choc qu’il a reçu au niveau de sa tête était fort. Après l’opération, mon fils ne s’est plus retrouvé jusqu’aujourd’hui. Souvent tu le vois se tordre de douleurs », a laissé entendre M. Cissé.
Si le fils de Cissé Abou est resté vivant cela n’est pas le cas de Traoré Fanta que nous avons trouvé à Abobo Plaque terre. Elle nous a signifié que son fils est décédé à la suite d’un ‘’Bôrô d’enjaillement’’.
« Mon fils est décédé suite à une parade sur un gbaka. Ce jour-là j’étais au marché quand un de ses amis m’a appelé pour me donner l’information. Il avait un ami qui se mariait et il a décidé d’aller le soutenir. Son ami en question m’a dit qu’il était pêché sur la fenêtre d’un ‘’gbaka’’’ faisant des va et vient. C’est dans un virage que l’accident s’est produit. Il y avait une voiture qui a perdu le contrôle le chauffeur de cette voiture a foncé droit sur le ‘’gbaka’’ sur lequel mon fils faisait ces acrobaties. Mon fils n’a pas eu le temps de se ranger. La voiture l’a projeté à 20m du lieu de l’accident. Il est mort sur le champ », nous a fait entendre Traoré Fanta.
G.K (Stg)
Légende : Une vue des cascadeurs accompagnant une mariée au domicile de son époux. Ph (G.K)