Cocody St-Jean, quartier huppé où il faisait bon vivre, est devenu une zone de prédilection pour les dealers et les consommateurs de drogue. Ce quartier, surnommé « d’enfants de Boss » (enfants de riches), s’est transformé en un lieu où des jeunes âgés de 14 à 16 ans fument et commercialisent de la drogue. Leurs potentiels clients sont des Libanais qui les sollicitent quotidiennement. Ils utilisent des techniques marketing de plus en plus poussées.
Il est 22h lorsque nous arrivons au Bloc célibataire, un secteur du quartier Cocody St Jean. Ces vendeurs de drogue sont postés dans les couloirs du bâtiment. Ils échangent avec des personnes qui viennent généralement d’autres quartiers. Selon A.S, un habitant de cette zone, ces jeunes sont pour la plupart des élèves qui le matin portent un uniforme kaki et la nuit se déguisent en vendeurs de drogue. « J’habite ce quartier depuis 1990. Avant, il était paisible. L’environnement était sain. Nos enfants recevaient une bonne éducation. La nouvelle génération est venue pourrir le quartier. Souvent, je suis dans ma chambre et je n’arrive pas à dormir. L’odeur de la drogue est tellement intense que tous les habitants du bâtiment se plaignent tous les jours. Malgré cela, ils font la sourde oreille et continuent de dealer. À 20h, ce sont de grosses voitures qui se garent sur le parking. Les minutes qui suivent, tu vois ces enfants se diriger vers elles. Ils entrent à l’intérieur de la voiture pendant quelques minutes, puis descendent comme si de rien n’était, pourtant, ils viennent de conclure une transaction. Nous avons plusieurs fois interpellé leurs parents à propos de leurs activités, mais ces derniers restent silencieux. « On m’a dit qu’il y a un jeune du bâtiment où j’habite qui nourrit ses parents avec la vente de drogue », s’est exprimé A.S. Puis d’ajouter : « Nous avons attiré plusieurs fois l’attention du Groupement Mobile d’Intervention (GMI), qui est basé à quelques mètres d’ici. Mais ce phénomène continue. L’un d’entre eux a été arrêté le mois dernier par la police. Ses parents sont allés plaider sa cause auprès des policiers, et ce dernier a été relâché », confie Fofana.
Surnommé Escobar, Fofana est un ancien vendeur et consommateur de drogue dans le quartier avec qui nous avons échangé. Il s’est confié à nous : « J’étais un ancien fumeur et consommateur de drogue. J’ai tout abandonné pour me consacrer à mes études. Quand j’étais dans ce business, je gagnais assez d’argent. Je pouvais vendre entre 300 000 et 400 000 Fcfa par jour. Je travaillais pour un Nigérian qui me livrait et je revendais », a-t-il révélé. Il n’a pas manqué de donner l’identité de ses acheteurs : « Mes clients étaient pour la plupart des Libanais qui quittaient Marcory pour venir se ravitailler chez moi. Je me faisais passer pour un vendeur de téléphone portable, car la police patrouillait tous les jours. Lorsque le client venait garer sa voiture, j’avais une minute pour conclure la transaction, sinon il s’en allait. Pour ne pas les perdre, je rangeais le ‘calli’ (drogue) dans un fourreau de téléphone portable. Ainsi, je ne suscitais pas de suspicions. Quand mon client arrivait, j’évacuais la marchandise sous les yeux des policiers », a-t-il révélé. Patrick K, quant à lui, a sombré dans la drogue il y a cinq ans. « Je n’avais pas de travail, je traînais. J’ai suivi des amis au Wanch pour passer le temps, mais je me suis laissé aller. Au début, on pense que consommer à hauteur de 3 000 Fcfa n’est rien. Finalement, j’y laissais tout mon argent », raconte le jeune homme. Sevré de son addiction à l’héroïne depuis quelques mois grâce à la religion, dit-il, Patrick cherche du travail pour subvenir à ses besoins.
G.K (Stg)