A la question du journaliste de la BBC à savoir s’il ne devrait pas reconnaître ses erreurs et s’excuser auprès du peuple sénégalais pour ses récentes décisions qui ont fait courir au pays de graves périls, Macky Sall a répondu qu’il n’avait pas à s’excuser de quoi que ce soit et que tout ce qu’il a fait depuis ces deux dernières années et spécifiquement ces deux derniers mois pour influencer le cours de l’histoire, relevait de ses prérogatives de Président de la République.
Cette réponse est conforme à l’idée que les dirigeants africains se font sur la nature messianique de leur mission à la tête de leur État qu’ils considèrent avant tout comme leur propriété dont ils peuvent disposer selon leur idée et/ou léguer le cas échéant à qui ils veulent.
Il y a 10 ans et même 5, cela aurait fonctionné et Macky Sall aurait été confirmé dans sa posture de Grand Sacrificateur qui fait et défait les Hommes et leurs carrières. Sauf que la transition générationnelle sur les plans politique et intellectuel qui pointait son nez depuis le début des années 2000, entre une vieille garde de politiciens professionnels comptables de diverses compromissions et complexes hérités de la dimension pérenne et psychologique de la colonisation et une jeunesse surinformée et débarrassée de tout complexe et décidé à prendre son destin en main, est effective et bien effective.
Macky Sall n’a donc pas été autorisé à vivre son soleil et celui de ses enfants et petits-enfants tout en gardant la main comme le disent les malinkés.
On lui concède la légitimité d’avoir essayé de jouer au marionnettiste, car en politique mieux vaut faire le boucher que la vache.
Hélas, pour lui, toutes ses manœuvres dilatoires qui ont consisté à emprisonner à tour de bras opposants et contradicteurs ou encore récemment à tenter de renvoyer aux calendes grecques cette élection présidentielle qui s’est finalement tenue hier à son corps défendant, ne lui ont pas permis de garder la main sur le façonnement du Sénégal des prochains mois et des prochaines années.
Il s’en va en étant soupçonné d’avoir conspiré contre » la démocratie » sénégalaise mais ce n’est pas cela son pire cauchemar. Son pire cauchemar est d’avoir cédé son bureau à son pire ennemi, même si ce dernier s’est réincarné en une autre personne.
Le jeu politique est cruel et comparable à celui des casinos. Il faut savoir s’arrêter à temps avant l’épuisement de tout son crédit. Macky Sall a joué et il a perdu. Qu’il en soit ainsi !
Moritié Camara
Professeur Titulaire d’Histoire des Relations Internationales