Les chances du président du PPA-CI de remporter la présidentielle de 2025 paraissent si minimes que l’affirmer ressemble à un baroud d’honneur.
Si la honte tuait, Damana Adia Pickas, vice-président du conseil stratégique et politique du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), ne serait plus de ce monde. Comme un boxeur au tapis dans un combat perdu par K.O qui refuse de reconnaître sa défaite, il a affirmé qu’à la loyale, « personne ne peut battre Laurent Gbagbo » au cours d’un de ses meetings lors de ce mois de juin à l’intérieur du pays. « Si tant est vrai que vous êtes des garçons, si vous êtes sûrs de votre majorité, de votre popularité et légitimité dans ce pays, venez affronter le président Laurent Gbagbo en 2025», a-t-il répété au cours d’un autre meeting. Pour qui connait l’histoire de Laurent Gbagbo, ces propos paraissent ridicules tant le champion de la refondation cumule les échecs électoraux depuis le retour au multipartisme.
En octobre 1990, contre l’avis des autres partis de l’opposition regroupés au sein d’une coalition qui ont décidé de boycotter la présidentielle, Laurent Gbagbo affronte le président Félix Houphouët-Boigny. Crédité de 18% des suffrages, le candidat du Front populaire ivoirien (Fpi) crie à la fraude et accuse le Pdci de lui avoir volé sa victoire. Ce sera ainsi à toutes les élections auxquelles il va participer.
Dans un deal avec le général Gueï Robert ambitieux de garder le pouvoir obtenu après le putsch de décembre 1999 perpétré par les «jeunes gens», Laurent Gbagbo participe à la présidentielle d’octobre 2000 après l’élimination des candidats du Rdr et du Pdci. Il est déclaré vainqueur de ce scrutin après avoir jeté ses militants dans la rue qui ont réussi à chasser le général Gueï dont la victoire avait été proclamée par la structure chargée d’organiser l’élection présidentielle. L’éternel contestataire des résultats des élections est conscient que sa victoire est entachée d’irrégularités qu’il affirme être arrivé au pouvoir de façon «calamiteuse». Aux législatives de décembre 2000 boycottées par le Rdr à la suite de l’élimination du candidat Alassane Ouattara par un président de la Cour suprême aux ordres, Tia Koné, le Fpi ne parvient pas à remporter la majorité des sièges du parlement.
Une minorité bruyante
Aux municipales du 25 mars 2001, le Rdr remporte 64 municipalités contre 59 au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci, au pouvoir de 1960 à 1999) et 33 au Front populaire ivoirien (Fpi) de Laurent Gbagbo, également devancé par les Indépendants, qui en obtiennent 38. Le Rdr fait carton plein dans le nord, s’impose aussi dans plusieurs villes symboliques comme Gagnoa (ville natale de Laurent Gbagbo), Daloa, San Pedro, Soubré considérées comme le fief du Fpi et Bouaké naguère bastion du Pdci. Mieux, le Rdr devient le premier parti en termes de suffrage exprimé. Le Fpi devient ainsi le seul parti au pouvoir qui perd coup sur coup les législatives et les municipales quelques mois à peine après sa victoire étriquée à la présidentielle. Ce qui fait dire à de nombreux observateurs que le parti de Laurent Gbagbo est minoritaire dans le paysage politique en Côte d’Ivoire. Ce qui va se confirmer en 2010.
Dans le scrutin le plus supervisé par le monde entier, Laurent Gbagbo est contraint à un second tour devant un Alassane Ouattara supporté par le Pdci, l’Udpci et le Mfa. Conscient de sa défaite, Damana Pickas representant du Fpi à la Cei, arrache et déchire les résultats devant toutes les caméras du monde; Yao N’Dré, président du Conseil constitutionnel annule le vote dans les zones remportées par Alassane Ouattara et proclame Laurent Gbagbo vainqueur d’un scrutin qu’il a perdu selon les résultats proclamés par la Cei, puis certifiés par les observateurs et l’Onuci. Malgré l’intervention d’un groupe de médiateurs de l’Union africaine qui concluent à sa défaite, Laurent Gbagbo refuse de lâcher le pouvoir, plongeant ainsi le pays dans une crise postélectorale qui va faire 3000 morts.
Après 10 ans de boycott, les «Gbagbo ou rien» reviennent dans l’arène politique à la faveur des législatives de mars 2021 sous les couleurs de Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS) qui ne remporte que huit sièges sur 255 à pourvoir. L’alliance Eds-Pdci remporte 50 sièges, loin derrière le Rhdp qui se taille la part du lion avec 137 sièges contre 26 pour les indépendants. Lors des élections municipales et régionales du 2 septembre 2023, les partisans de Laurent Gbagbo ne remportent que deux communes sur 201 à pourvoir. Avec de tels résultats, voir Laurent Gbagbo remporter une élection présidentielle devant des candidats du Rhdp et du Pdci relèvera du miracle.
Nomel Essis
Légende/Laurent Gbagbo est conscient qu’il ne peut remporter une élection dans un duel avec le Rhdp.