À quelques heures du message à la nation, l’opposition garde les yeux rivés sur le président Alassane Ouattara, dans l’espoir qu’il amnistie Laurent Gbagbo et lui ouvre la voie pour la présidentielle du 25 octobre prochain.
On se souvient que le 6 août 2022, le chef de l’État avait accordé sa grâce à son prédécesseur, condamné par contumace à vingt ans de prison dans l’affaire du « casse de la BCEAO » consécutive à la crise post-électorale de 2010-2011. Cette mesure, selon Alassane Ouattara, visait à « renforcer la cohésion sociale ».
Cependant, si cette grâce a permis de clore un chapitre judiciaire, elle n’a pas effacé les conséquences électorales de la condamnation de Laurent Gbagbo. C’est pourquoi l’ancien président réclame depuis plusieurs mois non seulement une amnistie, mais aussi sa réintégration sur la liste électorale.
Or, même si cette amnistie venait à être prononcée, plusieurs obstacles majeurs rendent sa candidature en 2025 pratiquement impossible.
D’abord, la Commission électorale indépendante (CEI) a bouclé le processus d’inscription et publié la liste électorale définitive. Selon la loi, aucune modification substantielle n’est possible après cette étape, sauf décision de justice individuelle.
Ainsi, même amnistié, Laurent Gbagbo ne pourrait pas s’inscrire pour le scrutin présidentiel de 2025, les délais légaux étant expirés. Cet obstacle administratif est incontournable.
Ensuite. L’amnistie ne s’applique pas instantanément. La grâce présidentielle de 2022 n’a pas effacé la condamnation pénale de l’ancien chef de l’État. Seule une loi d’amnistie, votée par le Parlement, pourrait le réhabiliter pleinement sur le plan civique et politique.Mais l’adoption d’une telle loi exige un consensus politique et un processus parlementaire qui prend du temps. Or, la période électorale est déjà ouverte, et il paraît difficile d’engager une telle réforme à quelques semaines du scrutin.
Aussi, faut-il souligner, que même dans l’hypothèse d’une amnistie rapide, celle-ci ne pourrait pas avoir d’effet rétroactif sur la liste électorale déjà arrêtée. La jurisprudence ivoirienne a toujours confirmé que les délais d’inscription sont impératifs et ne peuvent être modifiés que pour l’ensemble des électeurs, ce qui impliquerait de relancer tout le contentieux électoral et de bouleverser le calendrier politique — un scénario irréaliste si près de l’échéance.
Enfin, disons que modifier exceptionnellement les règles électorales en faveur de Laurent Gbagbo serait perçu comme un traitement de faveur. Une telle décision exposerait le pouvoir à de vives critiques de la part de l’opposition et de la société civile, qui pourraient y voir une manœuvre politique, au risque d’aggraver les tensions à l’approche du scrutin.
Ainsi donc L’amnistie, si elle venait à être prononcée, constituerait avant tout un geste politique de décrispation nationale. Mais sur le plan juridique et électoral, elle ne permettrait pas à Laurent Gbagbo de se présenter en 2025.
Fulbert Yao