Sous les ors de l’Azalaï Hôtel, un brouhaha d’étonnement accueille la montée sur l’estrade d’un homme au port souverain, au sourire aussi radieux que sa renommée. Vêtu de la toge et de l’épitoge académiques, Abdoulaye Traoré, que le monde connaît sous le nom de Ben Badi, s’apprête à recevoir le titre suprême de Docteur Honoris Causa. Un moment solennel, chargé de symboles, pour celui qui incarne le parcours d’une vie entière dédiée au sport, à la paix et à la nation.Dakar n’est pas une simple étape pour Ben Badi. C’est ici que s’est joué, trente-trois ans plus tôt, son premier grand triomphe. C’est ici, aussi, que s’achève aujourd’hui une boucle émouvante, celle d’un enfant de Marcory devenu sage honoré. Son regard, un instant, traverse le temps et l’espace. Il revoit les terrains vagues de son enfance, les matchs improvisés, les rêves d’un gamin qui courait après un ballon en mousse comme on court après sa destinée.Tout commence dans la chaleur vibrante de Marcory, dans un quartier populaire de cette commune riche en diversité culturelle, où la vie est un sport de combat et la joie, une religion. C’est là qu’Abdoulaye forge son caractère, dans ces ruelles poussiéreuses où le football se parle comme une langue maternelle. Son talent éclate très tôt : un don évident, un sens inné du jeu, une élégance rare. Il devient « Ben Badi », un surnom qui résonnera bientôt bien au-delà des stades.1992, Dakar, Sénégal. La Coupe d’Afrique des Nations. La Côte d’Ivoire, emmenée par des géants tels que Gouaméné Alain, Gadji Celi et Abdoulaye Traoré lui-même, s’impose en finale. Le stade est en ébullition. Les Éléphants remportent leur premier titre continental. Ben Badi entre ce jour-là dans la légende du football africain. Il ne savait pas encore que Dakar lui réservait un autre sacre, trois décennies plus tard.Comme toute carrière sportive, celle de Ben Badi sur les terrains s’achève. Mais pour un homme de sa trempe, la retraite n’est qu’un changement de terrain. Comment transformer la popularité d’une idole en levier pour la nation ? La réponse s’impose d’elle-même.De héros des stades, il devient artisan de paix. Nommé membre du Conseil Économique, Social, Environnemental et Culturel (CESEC), il y apporte la même rigueur, la même intelligence collective et le même sens du dialogue qui firent de lui un butteur admiré. Il ne s’agit plus de dribbler des adversaires, mais de dépasser les clivages. Plus de marquer des buts, mais de construire des ponts. Ben Badi jette son dévolu au service de la réconciliation et du développement harmonieux de la Côte d’Ivoire.Et voici que le destin, dans un ultime hommage, le ramène à Dakar. Non plus dans le tumulte enivrant d’un stade, mais dans le recueillement d’une salle de cérémonie. L’IARPA (Institut Africain de Recherche et de Prospective sur l’Avenir) lui décerne le titre de Docteur Honoris Causa, saluant « toute sa carrière et ses initiatives à succès pour la Paix et le développement harmonieux de la Côte d’Ivoire ».Cette distinction honore moins le footballeur génial que l’homme de paix, le sage, le rassembleur. Elle consacre un parcours unique, celui d’un héros national devenu sage national.De Dakar à Dakar. Du stade de l’Amitié à l’hôtel Azalaï. De la coupe de champion au parchemin du savoir. Le parcours de Ben Badi est un roman africain, une odyssée moderne qui nous rappelle une vérité essentielle : les plus belles victoires ne sont pas toujours celles que l’on remporte sur le terrain, mais celles que l’on sème, avec patience et humilité, pour les générations à venir.L’enfant de Marcory, qui rêvait de gloire footballistique, est revenu, des décennies plus tard, en Docteur honoré par la terre de ses premiers exploits. Son plus beau but ? Celui d’une vie entière, jouée collectif, marquée du sceau de l’éternité.








































































