Le père Mario Hadchity appartient à la congrégation des frères franciscains qui est la congrégation catholique qui gère les lieux saints. Il est le curé de la paroisse le Bon pasteur de Jéricho. Dans cet entretien, il lève un coin du voile sur la vie de cette petite communauté
Vous êtes le curé de cette paroisse et vous appartenez à la congrégation des frères franciscains. Quelle est votre mission dans cette ville ?
Nous venons de célébrer la messe de la nativité dans une ambiance conviviale comme vous pouvez le constater. Notre mission ici, c’est d’encadrer cette petite communauté et aussi de participer à leur épanouissement social à travers l’éducation, la santé etc.
Combien de chrétiens compte votre communauté ici à Jéricho ?
A Jéricho, le nombre de chrétiens est de 500. Mais tous ne sont pas des catholiques. Cet effectif est équitablement reparti entre l’Eglise catholique romaine et l’Eglise orthodoxe. Ce qui fait qu’ici à Jéricho, le nombre de chrétiens catholiques est de 250.
Comment cohabitent les chrétiens dans cette ville où l’écrasante majorité est musulmane ?
Il faut dire que nous vivons en très bonne intelligence avec nos frères musulmans. Nous vivons en paix, nous sommes des frères et il n’y a pas d’accrocs entre nous. Nous nous rendons mutuellement visite à chacune des grandes célébrations ou des grandes fêtes. Nous venons de célébrer la messe de la Nativité, mais demain (NDLR : le mercredi 25 décembre), comme d’habitude, nous allons recevoir la visite de nos frères musulmans qui viendront nous saluer et nous souhaiter bonne fête. A chacune de nos grandes fêtes, le Gouverneur de Jéricho et le grand Imam viennent nous saluer et nous souhaiter bonne fête. Quand il y a des fêtes chez eux aussi, nous faisons la même démarche.
Est-ce que la Noël 2019 revêt d’un caractère particulier pour vous ?
Je ne parlerai pas de caractère particulier puisque c’est la même fête qui est célébrée avec la même foi et la même ferveur. Mais cette année est un peu spécifique parce que nous avons accueilli beaucoup de pèlerins qui ont donné une animation particulière à notre paroisse.
En tant que curée de cette paroisse, quelles sont les problèmes que vous rencontrez dans cette ville musulmane ?
L’essentiel des problèmes ici est d’ordre social. Les gens n’ont pas de boulot, l’accès aux soins de santé n’est pas convenablement assuré. Ceci fait que le quotidien des populations est difficile. Au niveau de la santé, c’est la même situation.En plus de la paroisse, je suis également le premier responsable de l’Ecole catholique franciscaine de la ville et je peux vous dire que nous rencontrons beaucoup de problèmes au niveau de la scolarisation des enfants parce que les parents sont démunis.
Vous êtes libanais d’origine et vous parlez l’italien. Comment votre intégration s’est faite dans cette ville et quelles sont vos stratégies pour gagner des âmes à Christ ?
Les débuts n’ont pas été faciles, mais grâces à Dieu les choses évoluent dans le bon sens. Dans mon approche, je n’attends pas que les gens viennent vers moi. C’est plutôt moi qui vais vers les populations pour la simple raison que Jésus est venu pour tout le monde. Que l’on soit chrétien ou musulman. A titre d’exemple, dans nos écoles, 80% des élèves sont des musulmans alors que nous sommes un établissement purement catholique. Mais c’est notre mission. Apporter la bonne nouvelle et le bien-être à toutes les populations, quelles que soient leur race, leur religion ou leur origine.
Dans cette ville composée à 99% de musulmans, est-ce que vous recevez desmusulmans qui veulent se convertir au christianisme ?
Bien-sûr, certains musulmans viennent vers nous pour manifester leur désir de devenir chrétien. Mais ce n’est pas le changement de religion en tant que tel qui est notre préoccupation. Notre objectif, c’est d’apprendre aux gens qu’ils sont tous frères et de leur inculquer les vertus de l’amour et de la paix. C’est là le fondement de toutes les religions du monde. Maintenant, si cettebase est acquise et qu’ils reçoivent après la vocation pour devenir chrétien, nous allons entreprendre les démarches qu’il faut. Ce qui nous préoccupe, ce n’est faire changer de religion, c’est plutôt d’aider les populations à vivre dans des conditions décentes et les amener à cultiver la paix et l’amour. C’est là l’essence de la vraie religion.
A la faveur de la Fête de Noël 2019, est ce que vous avez un message à lancer à vos fidèles ?
Le seul message que je lance, c’est la culture de la paix et de l’amour. Jésus Christ est le prince de la paix. Il aime tous les êtres humains, sans aucune distinction. Cet appel à la paix et à l’amour doit germer dans le cœur de chacun de nous.
Entretien réalisé par Kra Bernard