L’opposition TTC (Toutes tendances confondues) a organisé des marches, le jeudi 25 mars dernier, contre la CEI et les élections sénatoriales. Le lendemain vendredi, L’Expression avait rendu compte de ces marches en titrant à sa UNE qu’elles étaient un fiasco total. Un proche de Sangaré Aboudrahmane qui nous a joints au téléphone s’est ouvert à nous. L’homme qui se dit membre de la direction de la tendance du FPI dirigée par Sangaré est très remonté contre celui que les frontistes appellent « Le gardien du temple ». Avec son accord, nous avons décidé de l’enregistrer et de publier le contenu de notre communication qui cloue au pilori le président du « Parti de Gbagbo ». Ci-dessous les troublantes révélations de ce ‘‘Gbagbo ou rien’’ qui a décidé de crever l’abcès.
« Bonjour jeune frère, j’ai lu avec intérêt votre article de ce jour sur le fiasco de la marche de EDS à la Place des martyrs (NDLR : Publication du vendredi 23 mars 2018). Vous avez dit un certain nombre de choses dans votre journal, mais je vais vous donner les vraies raisons de l’échec de cette marche. Moi qui vous parle, je suis membre de la direction du FPI que vous appelez les ‘‘Gbagbo ou rien’’.
Cela veut dire que dans nos contradictions que vous savez là, le président du FPI en qui je me reconnais, c’est Sangaré. Pour tout vous dire, cela fait cinq ans qu’il nous demande de ne pas aller à des élections en Côte d’Ivoire, mais nous sommes fatigués ! Vers la fin, on ne sait plus ce qu’il veut. En 2011, les choses étaient très compliquées, on ne pouvait pas participer aux élections législatives de Ouattara. En 2013, on nous a dit de ne pas aller à des élections tant que les prisonniers ne sont pas libérés. En 2015, c’était une année électorale. Beaucoup de prisonniers étaient libérés, mais Sangaré nous a dit de ne pas participer à cette élection parce que cela ne valait pas la peine. Il dit qu’il allait avoir une transition en Côte d’Ivoire et on l’a suivi dans cette logique. Mais au finish, Alassane Ouattara a été élu et il n’y a point eu de transition. Après les nombreux boycotts d’élections, c’était le nom de Gbagbo qui était devenu le projet politique de Sangaré. Nous, en plus d’être notre leader, Gbagbo est notre parent. Donc ce qui le concerne nous touche au plus haut degré.
Mais cela fait plusieurs années que Sangaré nous chante que Gbagbo sera libéré. En 2016, lors de la cérémonie de présentation de vœux, Sangaré nous avait dit qu’en 2017, ce ne sera plus lui, mais à c’est Gbagbo qu’on va présenter nos vœux. Cela sous-entend qu’il sera libéré et serait parmi nous. Nous avions été enthousiasmés par cette annonce. Depuis cette date jusqu’aujourd’hui, on continue d’attendre la fixation de la date de ces présentations de vœux. Quand le temps a commencé à faire son effet, le même Sangaré a dit que 2017 ne va pas finir avec Gbagbo en prison. Aujourd’hui nous sommes en 2018 et Gbagbo est encore en prison. Comme l’argument de la libération de Gbagbo ne fait plus recette pour lui, il a jeté son dévolu sur la CEI. Il nous dit de ne pas aller à une seule élection tant qu’il n’y a pas de réforme de la CEI et que si nous acceptons d’aller à une seule élection, c’est comme si nous reconnaissons le pouvoir de Ouattara. Mais fait curieux, le même Sangaré a fait la promotion de cadres FPI qui ont été élus avec la CEI de Youssouf Bakayoko. Pierre Dacoury Tabley qui est l’actuel maire de Ouragahio a été élu avec cette CEI en 2013 et Sangaré a accepté de faire de lui le Secrétaire national chargé des PME du FPI qu’il dirige.
Depuis là, on le suit et toutes les élections se déroulent sous nos yeux sans nous. Est-ce que c’est la CEI qui vote ? Dacoury était candidat indépendant, mais il a gagné. Dernièrement à Guiberoua, Ouattara avait un candidat, mais il a été battu par une jeune fille qui n’est pas de son camp. A Cocody, la fille de Ouégnin a battu la candidate de Ouattara et aujourd’hui l’opposition brandit avec fierté Yasmina alors qu’elle a été déclarée élue député par cette même CEI que Sangaré conteste. Les exemples que je viens de vous citer montrent que ce n’est pas la CEI qui fait élire un candidat. Si c’était le cas, Dacoury ne serait jamais élu maire à Ouragahio, la jeune fille député dont je vous parle n’aurait jamais battu le candidat de Ouattara à Guiberoua et la fille de Ouégnin n’allait jamais battre la candidate de Ouattara qui était ministre dans son gouvernement dans une commune aussi stratégique comme Cocody. Jeune frère, nous sommes parvenus à la conclusion selon laquelle notre vrai problème, ce n’est pas la CEI, mais plutôt un problème d’orientation stratégique de notre action politique.
Pour le cas de Ouragahio, tu dis aux gens de ne pas aller aux élections, le monsieur brave ton interdiction, va en indépendant et gagne et tu le prends, tu le récompense et tu fais de lui ton secrétaire national. C’est une démarche paradoxale. Si donc la CEI n’est pas le problème, à quoi ça sert de sortir pour aller marcher contre cette CEI? C’est pourquoi nous ne sommes pas sortis le jeudi. Si le motif de la marche concernait Gbagbo, rien ne pouvait contenir le monde qui allait sortir. Donc quand vous parlez de fiasco, vous avez quelque part raison. Mais notez que ce n’est pas parce que le FPI est faible, mais le problème aujourd’hui, c’est Sangaré. En 2013, on n’a pas participé aux élections municipales et régionales. En 2015, on a laissé un boulevard à Ouattara et il a été réélu et gouverne tranquillement le pays. En 2016, Sangaré nous dit encore de boycotter les élections. Nous sommes en 2018, Demain (Ndlr : Samedi 24 mars 2018) Ouattara va organiser ses sénatoriales et puis il n’y aura rien.
Dans quelques mois, il sera question d’organiser les élections municipales et régionales et Sangaré continue de nous dire de ne pas participer à ces élections. Pendant ce temps, lui, continue de prendre la rente viagère que Ouattara lui verse chaque mois en sa qualité d’ancien président d’institution. C’est dans quelle logique politique Sangaré veut nous amener au juste ? Si nous acceptons de boycotter les prochaines élections locales comme il le souhaite en prenant pour prétexte la CEI, on va attendre jusqu’en 2023 pour voir si nous pouvons encore participer à une élection dans ce pays. Mais pendant ce temps, lui, n’a pas de problème. Il va continuer de toucher sa rente viagère toute sa vie. Il est vrai que la CEI dans sa forme actuelle ne nous convient pas, mais c’est cette même CEI qui était là et puis certains de nos proches ont battu les candidats de Ouattara.
Il nous faut changer d’approche politique. Pour nous, la CEI n’est donc pas le vrai problème. On doit changer de stratégie et réorienter notre vision politique. Beaucoup parmi nous ont compris, c’est pourquoi ils ne sont plus prêts à suivre aveuglement les mots d’ordre de marche. Donc votre fiasco dont vous parlez, c’est le fiasco de Sangaré. Ce n’est pas le fiasco de tout le monde. Mais je vous informe également que les gens sont en train de se préparer pour les élections municipales. Avec Sangaré, on ne sait plus dans quoi on est ».
Propos recueillis par Kra Bernard