À 51 ans, l’ex-président des jeunes du Parti démocratique de Côte d’Ivoire – Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA), Kouadio Konan Bertin va une nouvelle fois défier celui qu’il appelle son « père » : Henri Konan Bédié, 86 ans et président de leur formation. Il a accordé une interview à nos confères de « Jeune-Afrique » que nous vous proposons :
Jeune Afrique : Pourquoi avez-vous décidé de présenter votre candidature à l’investiture du PDCI pour l’élection présidentielle ?
Kouadio Konan Bertin : Après 74 ans d’existence, le PDCI-RDA ne peut avoir formé qu’un seul cadre capable de gouverner la Côte d’Ivoire. Il me semble que le temps des candidatures uniques est révolu. Ma candidature a le mérite de nourrir le débat démocratique interne au PDCI-RDA qui, pour moi, doit mériter le nom qu’il porte en donnant l’exemple. En 2015, j’ai proposé un projet présidentiel au peuple ivoirien sans obtenir le soutien de mon parti. Aujourd’hui, ce projet est arrivé à maturation. Et pour le mettre en application, j’ai besoin du soutien de mon parti. Ma candidature, je l’offre au PDCI-RDA comme une opportunité de mobiliser les milliers de jeunes qui ont soif de changement et de rajeunissement. Il faut aussi construire le monde d’après la pandémie de Covid-19. Or, nous ne construirons pas ce nouveau monde avec des matériaux du monde ancien. Voici le sens de ma candidature, qui est une chance pour le PDCI-RDA.
Ce faisant, vous vous opposez à Henri Konan Bédié, qui brigue aussi l’investiture du parti pour la présidentielle…
Non, il ne s’agit pas d’une opposition frontale. Ma candidature est une candidature de prudence. Vous savez, personne ne prendrait le risque de parcourir une distance aussi longue qu’Abidjan-Korhogo en voiture sans prévoir un pneu de secours. Et bien, au PDCI-RDA, c’est la même chose, nous ne prendrons pas un tel risque.
Que reprochez-vous à la candidature d’Henri Konan Bédié ?
Il a dit lui-même en 2010 qu’il menait son dernier combat. En 2020, il ne peut pas en être encore à son dernier combat ! Il a aussi reconnu que l’action gouvernementale nécessitait des forces qu’il n’est plus certain d’avoir. En 2010, il n’avait pas été capable d’aller soutenir son projet devant le peuple de Côte d’Ivoire lors du débat télévisé organisé pendant la campagne électorale. Est-ce que dix ans après, il le pourra ? Je m’interroge.
Ne craignez-vous pas de vous attirer les foudres de l’ancien président ?
Il ne s’agit pas d’avoir peur. En 2015, quand j’ai proposé aux militants du PDCI-RDA de ne pas rallier Alassane Ouattara, ces foudres ne m’ont pas épargné. Je suis habitué. Je veux éclairer mon parti, le faire avancer. Je ne m’occupe pas de ce que disent les autres. Au fond, Jésus-Christ a été crucifié, et pourtant les églises sont aujourd’hui bondées. Ma mission, à moi, est d’orienter les militants. Tant que j’ai la certitude que j’agis dans l’intérêt du PDCI-RDA et dans le respect de l’héritage de Félix Houphouët- Boigny, je n’écoute pas les ragots et je n’ai pas peur des injures.
Mais après 2015, vous vous êtes retrouvé dans une situation inconfortable et êtes finalement rentré dans le rang…
Non, je n’ai jamais été dans une situation inconfortable. Bien au contraire. Avez-vous le sentiment que je me suis trompé en 2015 ? Non. Ce ne sont pas les derniers propos du président Bédié, qui a lui-même avoué s’être trompé, qui me mettront mal à l’aise, bien au contraire. Je suis toujours habité par le souci de la paix et de la cohésion. Je suis revenu dans le rang pour reconstruire l’unité du PDCI- RDA et pour l’aider à revenir au pouvoir.
Dans une interview à JA, en mars, vous disiez que vous soutiendriez Henri Konan Bédié s’il se présente. Pourquoi avoir changé d’avis ?
Demandez plutôt à Henri Konan Bédié, qui avait dit en 2010 qu’il menait son dernier combat, pourquoi il est encore candidat dix ans plus tard.
Pensez-vous avoir une chance face à lui ?
Je connais la machine du PDCI-RDA. Si les élections sont transparentes, s’il n’y a pas de pressions ni de menaces, je serai le candidat du PDCI à l’issue de la convention et j’irai à la bataille présidentielle pour venger mon père, Henri Konan Bédié.
QUAND LE FILS VEUT SE MONTRER DIGNE DE SON PÈRE, IL VA À LA CHASSE AU GIBIER POUR LE LUI RAPPORTER
Vous allez surtout à la bataille contre lui dans un premier temps…
Non, pas contre lui. Je suis profondément enraciné dans ma culture baoulé. Quand le fils veut se montrer digne de son père, il va à la chasse au gibier pour le lui rapporter. C’est ce que je vais faire.
Qu’allez vous faire si vous n’êtes pas investi candidat du PDCI ?
Si les choses se déroulent normalement, de façon démocratique, et que je suis convaincu que j’ai été battu à la régulière, je m’alignerai sur la décision de la convention car je suis un militant discipliné.
Et vous soutiendrez Henri Konan Bédié ?
Si c’est la volonté de nos militants, bien entendu.
Il n’y aura donc pas de candidature indépendante de KKB comme en 2015 ?
Si je suis battu à la régulière, je ne serai pas candidat indépendant.
Henri Konan Bédié est-il trop hégémonique sur le parti ?
De nous tous, il est le seul qui tient sa légitimité de Félix Houphouët-Boigny. Même mort, Houphouët- Boigny demeure un esprit que nous vénérons tous au PDCI-RDA. À partir du moment où le parti a désigné Henri Konan Bédié, il bénéficie d’une légitimité naturelle qui lui donne une certaine force au sein du parti.
Qu’aimeriez-vous dire à Henri Konan Bédié ?
Je lui demande tout simplement de me faire confiance. Là où Alassane Ouattara a désigné son.
Source Jeune Afrique
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