Les artistes Zouglou Yodé et Siro sont fiers et heureux d’afficher sur les réseaux sociaux leur grande prouesse d’avoir vendu 10 000 disques compacts en deux jours. Leur nouvel album caracole en tête des ventes parce qu’il suscite la curiosité de tous ceux qui en ont entendu parler.
On ne peut que les féliciter et souhaiter que cet album intitulé ‘’Héritage’’ les propulse au sommet de leur gloire et les fasse entrer dans la cour des grands comme le groupe Magic System. Toute la Cote d’Ivoire aurait pu être heureuse pour eux s’ils n’avaient pas choisi de composer un morceau qui divise et se pose comme un hymne pour les opposants à quatre mois de l’élection présidentielle.
Comme si leur texte avait été écrit par Assoa Adou ou Maurice Kacou Guikahué, les deux artistes ont compilé toutes les complaintes de ces politiciens dans leur titre. Ils n’ont rien à dire désormais. Il leur suffit d’aller aux meetings, jouer le tube de l’élection et revenir dormir tranquillement, puisque le boulot est fait, à moins de vouloir redire avec d’autres mots ce qui est si bien chanté et bien enrobé dans du zouglou pur et dur.
On aurait pu dire que les deux chanteurs sont dans leur rôle vu que la liberté d’expression est une réalité en Côte d’ivoire et que chacun est libre de donner un coup de main à sa chapelle politique, peu importe la voie utilisée. Mais, là où les deux chanteurs heurtent la conscience des bons pensants, c’est leur tentative de banaliser la vie humaine.
En insinuant que la clôture qui a sauvé le président Ouattara n’existe plus parce qu’ayant été détruite, que veulent-ils insinuer. Quand on sait que cet épisode a été très douloureux pour le président Ouattara et sa famille, les artistes pouvaient bien se passer de cette plaisanterie de mauvais goût.
Le zouglou permet de dépeindre les tares de la société afin de conscientiser la population mais, jamais l’esprit zouglou n’a recommandé de se moquer des drames humains. Le capitaine Dosso et le jardinier qui n’ont pas escaladé la fameuse clôture ne sont plus de ce monde.
C’est pourquoi, en tout, il faut savoir raison garder. Hier, la fameuse clôture qui a sauvé la vie du président Ouattara face aux escadrons de la mort existait. Aujourd’hui, « maman bulldozer » a détruit toutes les clôtures. Quelle conclusion devrait-on en tirer ? Si la même situation se produisait, Ouattara devrait-il cette fois trépasser ? Est-ce cela le message et l’esprit zouglou ? Non.
Sinon, l’ensemble de l’œuvre est un produit de l’esprit qui peut être apprécié différemment par les uns et les autres. Hier, ce même groupe a chanté contre le président Laurent Gbagbo. Aujourd’hui, il chante contre Alassane Ouattara. Demain, il pourrait chanter contre quelqu’un d’autre. Ceux qui aiment l’album ‘‘Héritage’’ vont l’acheter à coup sûr. Ceux qui ne l’aiment pas ne vont pas l’acheter.
La Côte d’Ivoire étant un pays de liberté d’expression, il est tout à fait normal que ceux qui n’affectent pas un coefficient de positivité à cette œuvre crient leur ras-le-bol et leur mécontentement. Le problème est que, plus on en parle, en bien ou en mal, plus la côte de cette œuvre grimpe. Une donne est au moins certaine, les plus grands gagnants, ce sont les artistes auteurs de cette œuvre qui divise les Ivoiriens. Yodé et Siro ont certainement prévu la colère de ceux qui sont en ce moment furieux. Des portes vont certainement s’ouvrir mais, d’autres vont se fermer devant eux.
Ils en sont conscients. Pour sûr, pour ces deux artistes, il y aura un avant et un après ‘‘Héritage’’. Ils jouent gros.
MT