C’est fortement divisé que l’opposition politique aborde les élections locales à venir. Avec d’une part une frange qui demande à ses partisans de prendre part à l’opération de révision de la liste électorale et au vote et de l’autre, un groupe qui dit «non » à tout.
Sauf changement de dernière minute, les élections couplées pour les municipales et les régionales auront lieu cette année. Probablement au cours de la deuxième quinzaine du mois de septembre. Sur le terrain politique chaque formation s’apprête pour engranger le maximum de sièges, aussi bien aux élections municipales que régionales. Le Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le groupement politique au pouvoir, ne lésine pas sur les moyens. Tous les partis membres de la coalition se sont investis à tous les niveaux, pour faire de cette élection une réussite totale. Ainsi, convaincus que le succès de l’opération de révision de la liste électorale constitue une étape importante dans l’organisation de ce scrutin, tous les partis membres du RHDP sensibilisent leurs militants et les appellent à y prendre part.
Le Rassemblement des républicains (RDR), l’Union pour la Démocratie et la Paix en Côte d’Ivoire (UDPCI), le Parti Ivoirien des Travailleurs (PIT) mais aussi l’Union Pour la Côte d’Ivoire (UPCI) et le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) sont déjà sur le terrain pour le succès de cette opération. Le groupement politique au pouvoir affiche, sur ce dossier, une convergence de vues et une uniformité de positions qui renseignent sur les objectifs qu’il veut atteindre.
C’est du côté de l’opposition que se remarque une division flagrante sur une question qui devrait, normalement appeler au rassemblement. Cassé en deux depuis la perte du pouvoir en avril 2011, le Front populaire ivoirien (FPI) parti moteur de l’opposition ivoirienne, peine à constituer un vrai contrepoids au régime. Les positions des deux têtes de files des « fractions ennemies », Pascal Affi N’Guessan d’un côté et Abou Drahamane Sangaré de l’autre, sur presque tous les sujets, sont toujours antithétiques. De sorte que sur la question actuelle de la révision de la liste électorale, constitue un point d’achoppement entre pro-Affi et pro-Sangaré. Le premier appelant à s’inscrire sur la liste électorale quant le second appelle à un boycott pur et simple.
Si le FPI est divisé, sur la conduite à tenir quant à l’opération de révision de la liste électorale, la grande famille de l’opposition politique n’est pas en reste. Quand Liberté et démocratie pour la République (Lider), le FPI version Affi N’Guessan et Le Rassemblement pour la paix, le progrès et le partage (RPPP), appellent leurs militants à s’inscrire sur la liste électorale et à s’apprêter à prendre part aux élections locales qui arrivent, les autres, notamment Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS) et le FPI à la couleur Sangaré disent exactement le contraire. En plus de militer pour le retour de Laurent Gbagbo avant toute participation à la vie politique nationale, ils posent et exigent que l’Etat respecte l’arrêt de la Cour africaine des droit de l’homme et des peuples, rendu en 2016 et qui demande à la Côte d’ivoire d’opérer des reformes relatives à la composition de la Commission électorale indépendante (CEI). Résultat des courses, c’est une opposition totalement émiettée, qui aborde les futures élections locales en rangs clairsemés. Cette posture, il est vrai, n’a jusqu’ici pas été heureuse pour les anciens tenants du pouvoir.
Pour Geoffroy-Julien Kouao, Ecrivain, juriste et analyste politique, «les deux positions sont respectables en ce qu’elles prennent en compte l’exercice des libertés et le respect de l’Etat de droit». A l’en croire, les divergences constatées au sein de l’opposition se situent au niveau des priorités. «Pour Mamadou Koulibaly (Lider), Ouattara Gnonzié (RPPP) et Affi N’Guessan, les militants doivent d’abord s’inscrire sur la liste électorale et ensuite, viendra la bataille pour la réforme de la CEI. A contrario, Georges Armand Ouégnin (EDS) et Abou Drahamane Sangaré pensent que s’inscrire sur la liste électorale, c’est légitimer la CEI présente et lui reconnaître, de droit, la compétence pour organiser les élections à venir. A l’exercice d’un droit, d’une liberté cher aux uns, les autres brandissent le respect de l’Etat de droit», fait-il ressortir.
Cette lecture de Geoffroy-Julien Kouao, pour vraie qu’elle soit, ne change pas le fait que dans le fond, l’opposition ivoirienne n’arrive pas à s’entendre sur le minimum pour se sortir de la léthargie dans laquelle elle est engluée depuis 2011.
M’Bah Aboubakar