Découvrir le monde, c’est aussi prendre la route. Nous avons tous en tête de vieilles routes de campagne sur lesquelles il nous est arrivé de circuler. Mais l’axe Guéyo-Gagnoa est un véritable parcours du combattant.
Sur la carte routière de la Côte d’Ivoire, elle pourrait facilement être qualifiée de « route de la mort ». C’est une voie d’une soixantaine de kilomètres partant de la commune de Gagnoa à celle de Guéyo. Pourtant, emprunter ce tronçon s’apparente à un parcours du combattant. Tant, tout au long des 60 Km qui traversent les gros villages – grands producteurs agricoles – du canton Paccolo pour rejoindre Guéyo, la capitale des Godié, le conducteur est soumis à d’intenses épreuves qui lui font côtoyer la mort. L’axe, serpenté, est parsemé de collines et pentes glissantes du fait des grandes pluies qui se sont abattues sur la région. Toute chose qui rend difficile la maîtrise du volant par le conducteur. L’axe Gagnoa-Guéyo ressemble visiblement à une voie qui a longtemps été visitée par un grader. Aucun véhicule, même 4X4, ne peut rouler sur cette voie à plus de 20 Km/heure. Pour les 60 Km, les plus rapides parcourent cette distance en trois (3) heures.
C’est donc une route sur laquelle le danger est quasi-permanent. Les seuls véhicules de transport en commun qui se hasardent sur cette voie ne sont que des camions de type Kia, bons pour le transport de cacao et les véhicules de transport de 22 places communément appelés « badjan ». Ce sont ces moyens de déplacement dont disposent, Préfet, Sous-préfet, proviseur, et autres chefs de service ainsi que l’ensemble des populations et fonctionnaires pour entrer et sortir de cette zone. Au risque de leur vie. A chaque déplacement, les véhicules s’enfoncent dans la boue, patinent sur les collines argileuses jusqu’à leur destination. En difficulté dans une eau boueuse sur ce tronçon avec notre véhicule 4×4, nous n’avons eu notre salut que grâce à un « badjan » qui nous a tirés d’affaire alors que nous étions enfoncés. Mais sur cette voie pleine de risques, des conducteurs ne manquent pas de prendre des risques. Ils vont jusqu’à braver le danger.
Que de risques !
Un jeune chauffeur de « badjan », rencontré en pleine nuit, n’hésite pas à rouler dans le noir avec pour seule lumière, une torche qu’il utilise de la main gauche et la main droite sur la direction pour avancer. Pourtant, il se raconte que de nombreux véhicules ont chuté du haut de cette colline pour se retrouver avec leur contenu dans le ravin, occasionnant bien de dégâts humains. « Il y a toujours des accidents sur cette voie. Des véhicules tombent ici à chaque fois après avoir patiné dans la boue. Et souvent, on a des morts et des blessés après une chute dans les ravins », informe un habitant rencontré dans un village situé sur cet axe. Et de poursuivre : « Des fois, les passagers descendent du véhicule de transport et traversent la colline à pied, laissant le conducteur risquer seul sa vie. Si ce dernier réussit à passer la colline, il est rejoint par ses passagers ». Et dire que la production de cacao et d’hévéa dans cette zone est importante.
« Cette région est pourtant une véritable boucle du cacao et de l’hévéa. Il serait mieux pour notre vie et aussi pour l’économie de la nation que l’Etat pense à nous retourner l’ascenseur en bitumant cette voie », ont plaidé certains villageois rencontrés sur l’axe. Un voyageur quant à lui, reconnaît que la région est fournie en nourriture mais que la dégradation de la route ne permet pas de convoyer les produits vers les grandes villes. « Il y a tout ce qu’on peut transporter de son voyage vers Abidjan. Mais lorsqu’à l’aller, vous rencontrez d’énormes difficultés, vous ne pensez qu’au retour. Ce qui fait que vous oubliez même de vous approvisionner », conclut ce voyageur.
Sam-Wakouboué,
envoyé spécial à Guéyo