Depuis plus d’un mois, l’Union générale des travailleurs de Côte d’Ivoire (Ugtci) est en proie à une crise. Quelles sont les causes de cette énième agitation ? Que réclament les membres de la centrale syndicale doyenne ? Interview de Doumbia Salimata, porte-parole des syndicats affiliés réclamant le congrès unitaire.
Depuis quelques mois il y a des remous au niveau de L’Union générale des travailleurs de côte d’Ivoire (Ugtci). Pouvez-vous brièvement nous expliquer les causes de cette crise au niveau de la centrale syndicale doyenne?
Les causes de la crise sont connues. Nous avons largement fait écho, depuis 2012 tout le monde sait que L’Ugtci est en crise, mais la dernière crise est relative au fait qu’il y a un groupe de syndicats qui est favorable à l’organisation d’un congrès conformément à l’arrêt de la Cour suprême que nous a présenté celui qu’on avait élu en 2012. Et aujourd’hui, la crise a atteint son paroxysme parce que c’est la première fois dans l’histoire de L’Ugtci qu’on voit un secrétaire général parler de radiation des membres des syndicats les plus importants de L’Ugtci. Donc la deuxième crise qui prévaut à l’heure actuelle, concerne le camarade de Joseph Ebagnerin qui, non content d’avoir violé les textes de L’Ugtci, s’est permis unilatéralement, sans convoquer une instance de notre organisation, de cibler certains membres influents du collectif des syndicats qui réclament un congrès et les a sanctionnés. Alors que le congrès unitaire réclamé ne vise qu’à ramener la paix dans notre maison commune.
On se rappelle pourtant que l’année dernière, il y a eu un congrès extraordinaire qui a vu l’élection de M. Ebagnérin Joseph à la tête de l’Ugtci. Qu’est-ce qu’on lui reproche un an lus tard ?
A M. Joseph Ebagnérin, on lui reproche son laxisme, son absentéisme chronique, le fait qu’il ne respecte aucun texte. Figurez-vous que depuis 2012 que nous avons élu M. Joseph Ebagnérin Joseph, il n’a convoqué aucune instance de L’Ugtci. Du jamais vu dans l’histoire de notre centrale. Il se cache toujours derrière la crise avec Adé Mensah. Mais est-ce qu’une crise permet à un secrétaire général de violer tous les textes de l’Ugtci ? C’est vrai qu’il y a un an, il nous a fait croire que pour mettre définitivement fin à la crise qui secouait l’Ugtci, il fallait qu’on aille à un congrès extraordinaire pour empêcher Adé Mensah de revenir. C’était la raison qui nous a poussés à aller à ce congrès extraordinaire. Nous y sommes allés. Il se trouve que l’arrêt de la Cour suprême a clairement indiqué que l’élection de Joseph Ebagnerin au congrès de 2012 est nulle et de nul effet. Nous disons alors qu’il faut aller à un congrès ordinaire d’autant plus que la réconciliation de façade que M. Ebagnérin vient de faire avec le camp Adé, est une véritable farce. Il s’est permis de promettre que les partisans du camp ADE vont rentrer dans les organes de L’Ugtci. Ceci est une grave violation des textes car toutes les décisions se prennent sur la base d’un congrès.
Vous parliez tantôt d’un arrêt que présente M. Adé Mensah. Cet arrêt demande qu’il y ait un congrès ?
Oui, un congrès ordinaire. Figurez-vous que pour la plus ancienne centrale du pays, cela fait 13 ans que nous n’avons pas pu organiser de congrès ordinaire. Qui dit congrès ordinaire, dit bilan moral et financier. Le camarade Adé Mensah a géré un milliard trois cent millions de francs CFA, il voulait rendre compte des fonds mis à la disposition de l’Ugtci en 2012, malheureusement, il n’a pu le faire puisque nous l’en avons empêché, nous avons organisé un congrès extraordinaire au terme duquel nous avons élu Joseph Ebagnérin. C’est-à-dire qu’on n’a pas écouté le rapport moral et financier de M. Adé Mensah, Sg de l’Ugtci issu du 7e congrès. 6 ans après M. Ebagnérin à son tour, nous a servi lui aussi un congrès extraordinaire dont le seul but est de l’élire. Mais, nous disons qu’une centrale normale doit faire son bilan avant de passer à une autre étape. Malheureusement, depuis quelques années à l’Ugtci, Ebagnerin et son équipe ont décidé de ne pas faire de bilan. Ce qui est vraiment déplorable pour une organisation comme l’Ugtci. Alors, on pourrait se demander à quoi servent les fonds que l’Etat met à la disposition de la centrale pour son fonctionnement ? Et à quoi servent les cotisations des syndicats affiliés ? Je pense que la transparence dans la gestion commune, c’est de rendre compte. Nous ne disons même pas qu’il a pris quoi que ce soit, bien qu’il y ait des soupçons, mais nous disons que M. Adé Mensah est parti sans avoir fait de bilan financier ni moral pour que le congrès valide sa gestion, idem pour Ebagnérin. Est-ce à dire que L’Ugtci ira de congrès extraordinaire en congrès extraordinaire ? Nous disons qu’il faut organiser un congrès ordinaire qui permettra de clarifier certaines choses.
Et pourquoi selon vous, malgré l’arrêt de M. Adé Mensah, le Secrétaire général actuel de la Centrale Ugtci refuse de convoquer un congrès ordinaire ?
Vous savez, nous étions tous pour l’élection de M. Ebagnérin, mais à la pratique des hommes dans la gestion de la centrale, nous nous sommes rendu compte qu’il est défaillant. Et nous le disons sans ambages parce que quand on vous élit, c’est pour appliquer les textes de l’organisation. Je vous le dit, le doyen Adicko Niamkey (ancien secrétaire générale de la centrale (Ugtci) était d’un certain âge, pareil pour le camarade Adé Mensah. Ils mettaient du prix à rassembler les organes de L’Ugtci mais le camarade Ebagnérin qui est un peu plus jeune, et en qui nous avons eu confiance, on se rend compte qu’il est incapable de convoquer une réunion statutaire et vous voulez que nous, en tant que syndicalistes chevronnés, cautionnions cela ? nous disons non. A cette allure, L’Ugtci va à sa perte. Nous pensons aujourd’hui que la meilleure des voies pour arriver à l’apaisement à l’Ugtci, c’est l’organisation d’un congrès ordinaire qui rassemble tous les enfants de cette centrale. M ; Ebagnérin est le Premier secrétaire général de l’Ugtci qui radie des syndicalistes de façon unilatérale parce qu’ils ont commis le crime de soutenir ma candidature. Les textes ne lui permettent pas de le faire, malgré cela, il a décidé de faire ce qu’il veut dans la centrale au mépris des textes que nous nous sommes donnés. Cette situation s’apparente à une dictature. Et cela nous choque.
L’un des textes de L’Ugtci voudrait que ce soit le secrétaire général sortant qui organise le congrès. Si aujourd’hui Ebagnérin est pour un congrès ordinaire, qui va l’organiser, puisque l’arrêt de la Cour suprême invalide son élection.
C’est M. Adé Mensah qui doit revenir pour organiser le congrès.
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Adé Mensah ne compte t-il pas briguer un autre mandat ?
Non pas du tout vu son âge. Il dit à qui veut entendre qu’il n’est pas du tout intéressé par un autre mandat à la tête de l’Ugtci. Il reviendra juste pour rétablir l’ordre à travers une élection crédible et transparente, et il s’en ira, la tête haute.
Nous avons ouïe dire que le ministre de l’Emploi et de la Protection sociale avait été chargé de réconcilier les différents bords. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Il faut que vous sachiez que la mission d’un ministre n’est pas de s’immiscer dans les affaires des syndicats. C’est vrai qu’à un moment donné, il a tenté de le faire, il a confié cette tâche au Conseil national du dialogue social. C’est ce qui a fait dire à la veille de la Fête de travail que la paix était revenue au sein de l’Ugtci. Mais la réalité, nous la connaissons. Dans les syndicats, lorsque nous sommes en conflit, on le règle entre nous ou alors au niveau national comme au niveau international. Nous avons des structures syndicales habilitées à régler ce genre de conflit. Il y a quelques jours, le camarade Traoré Dohia Secrétaire général de la Centrale syndicale Fesaci) et le camarade Kra Félix se sont réconciliés à Genève. Leur crise dure depuis plus bien longtemps que celle de L’Ugtci. Mais c’est la Confédération syndicale internationale (Csi) qui a réglé leur différend, à travers les représentants des deux bords.
Pourquoi est-ce que cette Confédération n’intervient pas dans le conflit de L’UGTCI ?
Elle a tenté d’intervenir, M. Ebagnérin a refusé. La Csi a maintes fois proposé ses services, mais le camarade Ebagnérin a refusé là ou le Camarade Adé avait accepté. Et pis, M. Ebagnérin a envoyé des exploits d’huissier pour radier certains camardes syndicalistes.
On voit que de part et d’autre, Adé Mensah et Ebagnérin sont campés sur leur position. Vous qui compterz occuper les rênes de cette centrale, que comptez vous faire pour concilier les deux bords et parvenir au congrès ?
Il ne nous appartient pas de le faire. Aujourd’hui nous disons que nous nous sommes trompés en élisant quelqu’un qui, apparemment, nous à fait croire qu’il est un homme de dialogue alors que dans le fond c’est un homme de conflit, c’est ce que nous voyons.
Disposez-vous de moyens de coercition pour pouvoir contraindre M. Ebagnérin à aller à un congrès ordinaire ?
Nous avons des moyens, nous avons d’abord nos textes qui sont des moyens de coercition et nous disons qu’aujourd’hui avec l’arrivé de l’arrêt de la Cour suprême, ce n’est plus lui le secrétaire général. C’est arbitrairement qu’il est installé à l’Ugtci. Nous allons donc utiliser toutes les voies en notre possession pour le déloger. Je profite pour rappeler au camarade Ebagnérin de prendre conscience que dans peu de temps, il y aura des élections sociales. Lorsqu’on parle d’élection sociale, on parle de syndicat de base. Est-ce ce moment là qu’on choisi pour brimer les responsables des syndicats ? Nous invitons le camarade Ebagnérin à la raison. Il raconte à qui veut l’entendre qu’il est majoritaire à L’Ugtci. Si c’est effectivement le cas, qu’il n’ait pas peur du congrès ordinaire. Nos doyens ont toujours privilégié la négociation. Nous pensons qu’il va être habité par la sagesse pour qu’on aille à un congrès, tel est notre vœu, à l’Ugtci.
Touré Yelly