La Côte d’Ivoire n’a pas fini d’explorer tout le fond de son histoire de la traite négrière qui s’est déroulée sur le littoral entre le 18 et le 19è siècle. La soif de découvrir cette parenthèse honteuse est apparue lors du débat d’idées dédié aux mémoires de l’esclavage en Côte d’Ivoire organisé ce vendredi 1er décembre 2023 à l’IFCI (Institut français de Côte d’Ivoire) situé au Plateau.
Pour marquer la célébration de la journée internationale pour l’abolition de l’esclavage, l’Ambassade de France en Côte d’Ivoire et l’IFCI en collaboration avec la compagnie « Les Pieds dans la Mare » de Jenny Mezile ont fait appel à Jenny Mezile, danseuse chorégraphe, Gildas Bi Kakou, historien chercheur à l’Université de Nantes, Coulibaly Donigma, historien à l’Université Félix Houphouet-Boigny (UFHB) et Hélène Kienon-Kaboré, archéologue à l’UFHB, responsable du volet « Les Routes des personnes mises en esclavage: Résistance, Liberté et Héritage » pour faire la lumière sur cette pratique honteuse.
Il ressort des débats que l’histoire de la traite négrière reste encore méconnue par les Ivoiriens à cause de son absence dans les manuels scolaires qui abordent le sujet sous un angle général. Il faut ajouter à cela que sur le terrain, les scientifiques se heurtent régulièrement, au mutisme des populations, a fait savoir le Prof Donigma Coulibaly. « Ceux qui détiennent encore cette histoire dans nos sociétés sont très peu nombreux. La seconde difficulté, c’est que ce sont des questions dont les populations ne veulent pas parler, parce que présenter le commerce négrier atlantique comme ça, c’est faire du tort à autrui, donc nous sommes contraints de faire des enquêtes fermées pour avoir quelques informations», regrette l’enseignant l’Université Félix Houphouët-Boigny.
85.000 esclaves exportés en Amérique
Malgré cette méconnaissance, des indices indiquent que des populations ivoiriennes ont bel et bien participé à la traite atlantique, restent convaincus les panélistes. Les recherches ont permis d’identifier sept itinéraires de la traite négrière. Des routes qui convergent toutes vers Cap Lahou, port négrier où des bateaux ont convoyé près de 85 000 esclaves vers les Amériques, notent-ils. Des sites situés sur la côte et dans l’hinterland, renseignent sur le fonctionnement de la traite négrière. « Par ce site-là, on a les marchés, les transactions, comment se faisaient les transactions, qui sont ceux qui étaient les intermédiaires de ce commerce négrier», explique Prof Donigma Coulibaly. Ce commerce était exercé par des populations qui convoyaient les esclaves capturés dans l’arrière-pays vers les navires qui mouillaient en rade. Il n’a pas été construit des comptoirs ou des forts sur le littoral ivoirien comme ce fut le cas à Gorée (Sénégal), El Mina (Ghana) ou Ouidah (Bénin) à cause de la dangerosité de la côte. « La voûte de Drewin n’a pas été un entrepôt d’esclaves », soutient Hélène Kienon-Kaboré, archéologue à l’UFHB, responsable du volet « Les Routes des personnes mises en esclavage : Résistance, Liberté et Héritage».
La soirée a pris fin par la première de « Kanga Nianzè », spectacle inédit de danse contemporaine engagé qui a séduit le public.
Nomel Essis avec RFI