Alors qu’on les attendait sur les scènes pour cette fin d’année généralement marquée par plusieurs spectacles, c’est sur les réseaux sociaux et surtout face au Procureur de la République que le duo Yodé et Siro a décidé de continuer la promotion de leur dernier album baptisé « Héritage »…
La théâtralisation jusqu’au bout. Les artistes Yodé et Siro s’essayent à la politique. Ils sont désormais offensifs sur la scène. Ils soignent leur manière de s’habiller. Cela même quand il s’agit de répondre, en tant qu’un citoyen et non un artiste, à une simple convocation de la Brigade de Recherche de la Gendarmerie. On passe ainsi des messages. La mine grave. Des costumes noirs. Les Men In Black (Les Hommes en noirs. Film américain avec le célèbre acteur Will Smith.Ndlr), version Côte d’Ivoire se jouent les stars. On veut certainement jouer les artistes sérieux et engagés. Mais dans cette affaire, nos chanteurs ne sont pas là pour combattre l’injustice. C’est ce qu’ils veulent faire croire. Qu’est ce qui est reproché aux protégés du Manager Junior Diaby ? En attendant que les autorités judicaires se prononcent sur le fond de l’affaire, on peut avancer, sans avoir fait des études de droit, que Yodé et Siro pourraient être accusés par les autorités judiciaires ‘‘d’incitation à la haine et à la révolte et trouble à l’ordre public’’ pour «(…) Troisième mandat. Président ne respecte pas loi. (…) On ne passe pas son temps à chercher les petits baoulés dans les villages. Pendant que les gens sont ici avec des machettes. Et, ils sont bien identifiés… Le Procureur là, il n’est plus Procureur. Il est Procureur d’un seul camp. C’est quel pays ça ? Allez dire au procureur Adou Richard. Allez lui dire qu’un mort, c’est un mort ». Dixit Siro. Il y a quelques années, Benjamin Le Bonniec, alors Chef du service Culture pour le journal Canadien « Le Collectif » (Journal des étudiants de l’Université de Sherbrooke) s’interrogeait sur la motivation des artistes en intervenant dans le champ politique. Les artistes peuvent-ils réellement favoriser le changement et comment ? La fonction politique des artistes est-elle de montrer le réel ? L’artiste ne doit-il pas également apporter une respiration, non en s’opposant aux institutions, mais en nous permettant de sortir du politique ? Car au fond ce qui est reproché aux artistes Yodé et Siro ici, c’est bien leur intention maléfique de jeter de l’huile sur le feu. En nommant une communauté, en citant le nom du procureur… nos deux zouglou-Men veulent discréditer les institutions de la République, consacrer l’impunité et inciter à la violence et à la haine.
La fonction politique des artistes est-elle de montrer le réel ?
Á Quel changement Yodé et Siro espèrent-ils aboutir en insinuant que la justice ivoirienne et ses acteurs ont choisi leur camp au détriment d’une autre partie de la population ? Á rien. Sinon à saboter une enquête judicaire qui n’a pas encore livré de résultats. Convenons donc tous ensemble pour dire que l’allégation mensongère du genre « Le procureur là, il n’est plus procureur. Il est procureur d’un seul camp » vise à préparer les esprits au boycott des décisions et actions de la justice. La réalité dépeinte par nos deux chanteurs trahie-t-elle leur posture politique ? Assurément oui. Souvenons-nous de la polémique née de la sortie du dernier album du duo. Même si au fond, la guerre d’interprétation autour des textes proposés par Yodé et Siro n’a pas fait long feu à cause du style artistique employé, il est désormais certain que les deux créateurs ont décidé de franchir la ligne rouge et d’enfiler le manteau du politique. Enfin, Yodé et Siro apportent-ils au peuple ivoirien une respiration, non en s’opposant aux institutions, mais en nous permettant de sortir du politique ? Non. Trois fois non. Au contraire, ils jettent de l’huile sur le feu. Ils sont convaincus que tout est politique en Côte d’Ivoire. Ils sont certains de combattre une dictature, au nom du peuple et pour le peuple. Ils renvoient les Ivoiriens à leurs démons. Tant pis si dans les prochaines semaines, mois ou années les violences reprennent dans le pays. Enfin de de compte, Yodé et Siro défendent un « Héritage ». Celui de la promotion l’impunité, de la violence, de la haine et du mépris pour les institutions du pays et pour ceux qui les incarnent. Et pour cela, les deux artistes méritent notre colère.
Fofana Ali