S’il y a un lieu à Abidjan qui a récemment connu une transformation remarquable, c’est bien la baie du Banco et ses environs. Autrefois délaissée, cette zone renaît aujourd’hui, réconciliant les Abidjanais avec la nature.
La Baie du Banco (un bras de la lagune Ebrié), d’une superficie de 3,55 km2, est limitée par la commune du Plateau au Sud-Ouest. Et la commune d’Attécoubé sur sa berge Nord -Ouest et par le village de Locodjro, était avant les années 2000 une référence en matière de beauté naturelle. Mais au fil des ans, elle a perdu de sa superbe, devenant un véritable dépotoir, alimentée par les rejets industriels et urbains.
Heureusement, depuis juin 2024, sous l’impulsion du gouverneur du District autonome d’Abidjan, Cissé Bacongo, un vaste projet de réhabilitation a été lancé.
Ce projet a permis de redonner vie à la baie du Banco. Des infrastructures modernes ont vu le jour : un parc d’attractions, des espaces gastronomiques, deux lacs artificiels, un complexe sportif, et une voie pavée sur 355 mètres à l’entrée du parc. Un éclairage public et une clôture grillagée de 500 mètres ajoutent sécurité et beauté à l’ensemble.
Cette transformation est saluée par les populations qui retrouvent désormais un environnement enchanteur.
Contacté, Andy Costa, écologiste et expert en mobilité durable, se félicite de cette initiative.
Pour Jacinte Danho, un habitant de la zone, « il faudrait prolonger cette initiative jusqu’au 4ème pont pour en faire un véritable joyau touristique ».
De même, Pablo Moses, un autre riverain, se réjouit de la métamorphose : «Cet endroit, autrefois sombre et lugubre, est devenu magnifique. »
Une initiative assombrie
Malgré ces avancées, l’action du District est ternie par la présence de deux cimenteries, l’entreprise Abeille Béton et Sibéton installées le long de la baie.
Ces unités de production déversent en permanence des particules de ciment, couvrant habitations et paysages environnants d’une épaisse couche de poussière.
Prof. Yapo Ossey Bernard, Directeur du Centre ivoirien antipollution (Ciapol), chimiste, expert consultant en environnement déplore l’implantation de ces entreprises sans étude d’impact préalable : «Avant qu’une entreprise puisse s’installer en Côte d’Ivoire, il est impératif de réaliser une étude d’impact environnemental et social. Cela permet de mesurer les potentiels effets néfastes de l’installation, tant sur l’environnement que sur les populations (…) ces deux entités industrielles n’ont pas fait l’objet d’études d’impact préalable avant installation, c’est là qu’est parti tout le problème, elles ont été installées sans études environnementales. Sinon on ne peut pas installer des entités industrielles dans le domaine public lagunaire. Et pourtant elles ont été installées», a-t-il indiqué.
Les conséquences sont désastreuses. Les émissions massives de poussière créent parfois un brouillard dense sur l’autoroute. En plus de la pollution atmosphérique, ces entreprises déversent des eaux usées non traitées dans la lagune et participent au remblayage illégal du site.
«Aujourd’hui, la baie du Banco a disparu pratiquement. parce que là se trouvait un point de contrôle de la qualité de la lagune . Qu’on appelle le réseau national d’observation de la qualité de la lagune. On avait un point de prélèvement qui est englouti par tous ces installations. On remblaie de Banco à tort et a raison. Cette baie est en train de disparaître. Il n’y a plus d’eau », dénonce t-il.
Les effets sur la santé des populations riveraines sont également préoccupants, notamment les affections respiratoires dues à l’inhalation de poussières, pouvant avoir des risques de rhinites, de bronchites chroniques, d’atteinte de la fonction respiratoire. La faune et la flore ne sont pas épargnées non plus.
Bien que le CIAPOL tente de limiter les dégâts en formulant des recommandations aux deux cimenteries, ces mesures restent insuffisantes, a souligné le Directeur.
«Nous leur demandons de diminuer des émissions de poussières, c’est à dire que sur les cheminées de ménage par exemple, ils doivent mettre des trémies, c’est des filtres qui captent les poussières volantes qui doivent les capter et après les enlever. ça fait pour empêcher que la poussière se propage dans l’atmosphère. Elles le font mais quand ces tremis se bouchent rapidement à cause de l’intensité de l’activité qui mène le temps de remplacer, il y a des envoler. C’est pour dire que ce sont des mesures limités qui ne peuvent pas vraiment régler cette situation. Les eaux usées qu’elles déversent, elles n’ont pas de stations d’épuration, les déchets qu’elles déversent , ce ne sont pas des actes recommandables, nous leur disons de mettre fin à cela », souligne Yapo Ossey Bernard.
« Le problème persiste, et pour y mettre un terme, la seule solution viable est la délocalisation de ces entreprises. », a-t-il martelé.
Le District autonome d’Abidjan , conscient de la gravité de la situation , initie des actions pour la résolution de ce problème environnemental.
Le jeudi 12 septembre 2024, une réunion s’est tenue à Abidjan entre le Ministre-Gouverneur, Ibrahim Cissé Bacongo, et une délégation d’Abeille Groupe, filiale ivoirienne du groupe turc Sanko, conduite par son Directeur général, Mustapha Kemal GÜNER. Au cœur des discussions : le plan et les modalités d’une délocalisation concertée de la centrale de production de béton.
Selon Ibrahim Cissé Bacongo, cette opération a pour objectif de préserver l’écosystème.
Malgré nos tentatives d’avoir leurs réactions, les entreprises incriminées n’ont pas fait de retour.
Traoré Moussa