A écouter Charles Blé Goudé dans sa tournée de prospection européenne , on croirait à un homme revenu de tout, sauf de lui-même.
Il parle désormais comme un survivant des passions, un moine tardif de la réconciliation, l’échine basse et le verbe adouci.
Pourtant, sous le vernis du pardon, c’est encore la vieille rhétorique qui transparaît. Celle d’un orateur qui veut troquer l’autocritique contre l’oubli, et l’État de droit contre le théâtre des émotions.
L’homme qui, hier considérait d’autres ivoiriens de « microbes à neutraliser » se pose aujourd’hui en vigile des libertés bafouées.
Il dénonce le parrainage électoral avec l’ardeur d’un néophyte du droit, oubliant que la démocratie ne s’accommode pas de la mémoire courte. A quoi bon prêcher le dialogue si l’on refuse d’entendre que les règles du jeu, en démocratie, ne sont pas des caprices, mais des garde-fous ?
Dialogue politique et exigence démocratique : la confusion entretenue
Blé Goudé confond volonté politique et norme démocratique. Le dialogue n’est pas un article constitutionnel. C’est une ouverture offerte, non une obligation juridique.
On ne suspend pas l’exécution de la loi électorale sous prétexte que certains préfèrent le consensus au scrutin.
A ce rythme, il faudrait remplacer la CEI par un cercle de tambours, où chaque candidat validerait l’autre à la force des applaudissements.
Le parrainage, pour imparfait qu’il soit, inscrit le processus électoral dans une logique de représentativité et de responsabilité.
Blé Goudé le rejette au nom de l’inclusivité, mais que veut-il vraiment ? Une élection sans filtre, où le droit de participer primerait sur la crédibilité populaire ? Une démocratie sans exigences ? sans seuils ? sans repères ? Incroyable.
Disjonction morale et imposture républicaine
Ce grand écart idéologique crée une disjonction morale impossible à masquer.
Soit Blé Goudé mentait hier, lorsqu’il appelait à la résistance patriotique, soit il ment aujourd’hui, lorsqu’il joue les chantres du droit et de l’éthique républicaine. Dans les deux cas, il ne peut incarner la constance qu’exige l’intérêt général.
Qu’il cesse donc de travestir la démocratie en l’assimilant à une scène de théâtre où l’on viendrait improviser ses états d’âme.
La République, elle, n’improvise pas. Elle organise. Elle encadre. Elle exige.
Celui qui aspire à en devenir acteur, ne peut mépriser les règles qui en fondent la légitimité.
Au fond, ce n’est pas d’un dialogue que la démocratie a besoin, mais de cohérence. Ce que Blé Goudé refuse de donner.
Kalilou Coulibaly, Doctorant EDBA, Ingénieur