La préférence des faits à la polémique inutile.
Il nous manque le désir de donner une sensibilité à Laurent Gbagbo, à cet ancien président, tant il traite avec légèreté les questions sérieuses de société, que la qualification des faits qui sont reprochés à Pulcherie Gbalet, à l’occasion de la rencontre qu’il a eue avec ses parents dans sa région le week-end dernier.
Nous avons senti, les vibrations de ses critiques sur l’arrestation de l’activiste Gbalet, sur l’exil volontaire de certains ivoiriens dans des pays limitrophes et d’ailleurs, sur l’école, sur les comparaisons de gouvernance, comme un manque de responsabilité, et du non-respect de son droit de réserve sur les questions de justice, et de qualification des agissements de l’Etat.
Notre résumé de réponse aux deux premières critiques, est pour exprimer à Laurent Gbagbo, qu’il est tout sauf un démocrate parce qu’il ne respecte pas les règles de bienséance dues à son statut.
PulchérieGbalet est inculpée pour des faits jugés graves par le procureur. A-t-il le droit de critiquer une affaire en instruction au droit de son statut ? La Côte d’Ivoire a mis fin au statut des réfugiés, signé avec le HCR, qui a pris effet le 30 juin 2022. En doute-il ?
Ces questions sous forme de réquisitoire, nous renvoient à faire une antithèse de son storytelling, pour en ressortir les contrastes au cours de notre analyse.
La défiance envers le droit de réserve lié à son statut d’ancien président
Il s’est adonné à des récriminations en public, en tant que président d’un parti politique à Mama son village natal, avec les moyens mis à sa disposition par l’Etat, en sa qualité d’ancien président de la République, pour réprouver les actes du gouvernement contre une citoyenne, qui a outrepassé les limites de compétence de son association de défense de droit de l’homme, en se mêlant d’un sujet qui oppose deux Etats, et de surcroît qui relève de l’ordre militaire.
Laurent Gbagbo en tant que président de parti politique, a tenté dans des propos réducteurs, de minimiser le rapprochement de Pulchérie Gbalet avec la junte malienne dans l’affaire des 49 soldats, en faisant croire à ses hôtes, qu’elle est accusée pour avoir rencontré Soro au Mali.
Une version contraire à la position officielle du procureur , qui l’a inculpée sur la base des actes, des faits, et de propos graves d’accusation de l’Etat dont elle est esclave aujourd’hui pour être privée de liberté.
L’immixtion d’un ancien président dans l’appréciation du juge
Comme d’habitude, la restauration des faits de Laurent Gbagbo devant ses invités, n’est non seulement pas juste, mais se révèle être un signe de l’altération de la vison de sa conscience perturbée, sur l’appréciation d’une réalité connue de tous, qu’il tente de transformer en une affabulation toute préparée pour accuser le pouvoir.
Les théories du complot commencent toujours, par l’expression d’un soupçon. C’est pourquoi, Laurent Gbagbo a entrepris d’expliquer à ses invités que le comportement d’un juge. Je le cite :« ne devrait pas être sous mandat de dépôt un inculpé », considérant que l’enquête peut ne pas aboutir à une condamnation en citant en exemple, son cas à la CPI.
Pour lui donc, l’inculpé doit rester en liberté jusqu’à l’aboutissement de l’enquête judiciaire contre lui.
Le disant ainsi, il fait référence massivement à son passé d’ancien détenu dans le présent à cette occasion, pour qualifier d’anormal les actes du parquet dans l’affaire de Pulchérie Gbalet. Sauf que, Laurent Gbagbo ne dit pas, c’est qu’il a été acquitté non pas parce qu’il était innocent, mais pour insuffisance de preuves.
La mémoire, arme redoutable contre le mensonge
Laurent Gbagbo a déclaré par ailleurs, que la prison n’est pas une solution ; il avoue qu’en 10 ans passés, en tant que président de la République, jamais il n’a mis personne en prison, ce n’est pas vrai, parce qu’Ali Keita, ex-journaliste membre du RDR, a été arrêté le 23 septembre 2002, et écroué pendant 6 mois sans jugement.
Faux également, parce que Ibrahim Keita ex DG de Cora de Comstar, avait été arrêté pour des soupçons, écroué le 19 septembre 2002 sans jugement puis libéré bien plus tard, sur intervention de l’ex président Abdoulaye Wade.
Cependant, la méthode de Laurent Gbagbo était plus barbare, puisqu’il avait privilégié la mort à la vie de prison.
Qui serait assez insensé, pour mourir sans avoir fait le choix de la prison, s’il en avait eu l’opportunité ?
Rappelons-le, la liberté d’expression n’avait jamais connu autant, un plus grand enfer qu’au temps de Laurent Gbagbo.En voici une liste non exhaustive de victimes innocentes, qui ont subi sa peine de mort sans sursis.
Le 06 Janvier 2003, SamassiMahamoud, Imam, professeur de lycée, est assassiné dans les escaliers de l’immeuble où il habitait.
Le 02 Février 2003, Camara H comédien est enlevé et assassiné. Le 21 Octobre 2003, Jean Hélène journaliste est abattu à bout portant au Plateau. Le 16 Avril 2004 Guy-André Kieffer journaliste enquêteur est enlevé et porté disparu à jamais. Le 04 Novembre 2004, le siège du journal « Le Patriote » sis à zone 4, a été incendié. Émile Téhé, Dacoury-Tabley, n’ont-ils pas été des victimes inaugurales de l’escadron de la mort en 2002, érigé par ses bénédictions ?
Non Laurent Gbagbo, ne nous renvoyez pas dans les souvenirs douloureux de notre mémoire, à vous entendre, nous en souffrons encore comme les parents de ceux qui sont morts, de vous voir de même en vie. Sachez-le.
La politique ne doit pas éteindre l’honnêteté intellectuelle
Parlant de l’école, sans vouloir m’attarder sur ses ironies, la Côte d’Ivoire a connu un passage à vide de 17 ans, sans en connaître une seule maternité, d’université de la période de 1993 à 2010, et de surcroît, le phénomène des « Cambodgiens », une litote pour exprimer la surcharge des occupants dans les chambres d’étudiants, datait encore de cette période. « C’est le corbeau qui critique la noirceur ».
Les grandes écoles dont Laurent Gbagbo a critiqué la qualité de l’enseignement, ont proliféré à la faveur de sa gouvernance catastrophique du système éducatif en Côte d’Ivoire sous son pouvoir.
Laurent Gbagbo se souvient-il encore, des raisons et des conséquences de la double vacation en Côte d’Ivoire ?
La critique est vraiment la compétence des incompétents.
Par contre, le mérite du bienfait pour lequel il a perdu la mémoire, revient au régime actuel pour avoir réussi à bonifier les infrastructures scolaires en dotant le sud, le nord, le centre, l’est et l’ouest d’universités. La Côte d’Ivoire en compte huit, sept ont été construites sous l’ère de ADO en tant que Premier ministre, puis en tant que président de la république, à la grande satisfaction des bénéficiaires et de leurs parents.
Vide juridique ou laxisme sur l’encadrement des rôles des anciens présidents
Il est bon de rappeler à l’opinion, que toutes ces nombreuses déclarations de Laurent Gbagbo violent, son droit de réserve en son article10 de la Constitution qui l’oblige, en tant qu’ancien président de la République, de ne pas se prononcer sur la conduite des affaires de l’Etat, à la stratégie économique, à la sécurité, et au secret défense.
Les textes relatifs au soutien matériel et en personnel apporté aux anciens présidents de la République, répondent à une exigence de transparence et un souci de les doter d’un statut conforme aux responsabilités exercées.
Mais, quand en est-il des règles fixant la manière permanente du statut des anciens présidents de la République, et des conjoints concernant les conditions de leur participation à la vie publique.
Nous n’en voyons aucune précision, d’après nos recherches.
La question qui interroge les parlementaires sur leur responsabilité.
Le décret présidentiel, s’il a le mérite de conférer un statut matériel aux anciens présidents, n’aborde évidemment pas leur statut juridique pourtant, qui est le seul moyen de leur faire respecter les droits de réserves.
Le parlement ivoirien doit se saisir de cette question, pour introduire un projet d’amendement engageant à une réflexion, sur les possibilités d’abstraire aux anciens présidents, toutes attributions post présidentielles, s’ils doivent continuer de bénéficier des avantages liés à leur retraite, payés par le contribuable ivoirien.
Cette analyse vient confirmer le vide juridique sur le rôle des anciens présidents que nous avions signalé dans notre post précédent.
Coulibaly Kalilou