La vie politique en Côte d’Ivoire, depuis l’avènement du multipartisme en avril 1990, n’a pas arrêté d’être rimée par les mêmes sonnets. Quand approchent les joutes électorales, le climat socio-politique se crispe et au bout du compte, on dénombre toujours des morts de populations. Le chanteur de reggae Tiken Jah, pour caricaturer la vie politique ivoirienne fredonnait dans son tube « Mangercratie » sorti en 1996 : « ils nous utilisent comme des chameaux, ils attisent le feu et après ils viennent jouer au pompier. On a tout compris ! ».
Pourtant jusqu’à ce jour, les Ivoiriens dans leur ensemble donnent l’impression de n’avoir pas du tout compris. Car, après 30 ans de pratique de la démocratie, on assiste toujours au même spectacle désolant lors des périodes électorales, notamment, l’élection présidentielle. À l’analyse, il n’est pas faux d’affirmer que les Ivoiriens, dans une large proportion, sont dans une sorte d’aliénation politique. L’aliénation politique est un concept de philosophie politique soutenu par des philosophes comme Karl Max ou Jean-Jacques Rousseau qui traduit la situation d’un peuple dépossédé de sa conscience et de sa capacité d’agir politiquement. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, celle-ci se manifeste sous plusieurs formes : le désenchantement pour certains, quand on s’en tient au très faible taux d’inscription des jeunes lors de la révision de la liste électorale en 2024 ; objet de manipulation voire de fanatisation, notamment, ethnique et religieuse pour d’autres, à la lecture des joutes verbales sur les réseaux sociaux ; objet de soumission aveugle aux mots d’ordre de leurs leaders politiques, quoiqu’il advienne, etc.
Tout ceci renvoie à une impression de fracture sociale non favorable à la préservation d’une stabilité socio-économique durable pour le développement socio-économique qu’a amorcé la Côte d’Ivoire depuis trois décennies.
Pourtant, la cohésion sociale sait refaire surface. La célébration de la victoire des Éléphants footballeurs à la CAN 2024 et leur récente brillante qualification pour la coupe du monde 2026 en Amérique l’attestent. Aussi, est-il normal de d’affirmer que la vie politique est ce qui, en fait, pollue la cohésion sociale en Côte d’Ivoire.
D’où, la nécessité d’aider les populations ivoiriennes, sans distinction, à sortir de toute aliénation politique, qui constitue la véritable prison émotionnelle, qui les prive de la liberté de jouir pleinement de leur liberté de pensée dans leurs choix politiques et actions citoyennes constructifs.
D’abord, il faut comprendre les causes profondes de cette aliénation. Elles sont nombreuses : le manque de vision véritable concernant la construction nationale de nombreux leaders politiques ivoiriens ; les conséquences des choix égoïstes de ceux-ci depuis l’avènement du multipartisme en Côte d’Ivoire et qui restent non soldées jusqu’à ce jour gardant béantes les plaies des cœurs blessés ; la marginalisation socio-économique d’une frange appréciable de la population qui induit des rancœurs et constitue un véritable terreau, savamment exploité par les acteurs politiques ; la faible culture politique des populations ; l’impression à tort ou à raison par les populations de la maturation non encore aboutie des institutions animant la démocratie et les rendant donc non crédibles pour certains. etc.
Ensuite, il faut y apporter des solutions réalistes sans faux-fuyant. Pour ce faire, premièrement, renforcer l’enseignement de l’éducation civique et citoyenne à l’école, y cultiver la mémoire nationale et renforcer la conscience historique de la Côte d’Ivoire, en enseignant l’histoire de ce pays, sans la biaiser de quelque façon. Deuxièmement, rendre crédibles les institutions qui animent la vie démocratique.
Par exemple, publier localement les résultats de tous les bureaux de vote après toute élection et les rendre ensuite accessibles à tous ; rendre publiques chaque année, les salaires et les déclarations de patrimoine de toute autorité publique… Troisièmement, élargir les conditions de participation citoyenne à tous.
Par exemple, exiger dans les conseils régionaux et mairies l’élaboration de budgets participatifs ou encore des référendums au plans national et local sur des décisions d’intérêts majeurs, etc. Sur ce plan, il faut voter des lois pour mettre fin aux activités des ONGs qui ne sont que des relais de formations politiques. Quatrièmement, cultiver la solidarité nationale en veillant à lutter contre les inégalités sociales et géographiques, par la généralisation de l’éducation et la formation adaptées au bénéfice de tous ainsi que le soutien aux plus vulnérables aux niveaux social et économique. Ce chantier doit s’imposer impérativement à tout leader politique à qui est confiée la destinée de la Côte d’Ivoire, si l’on veut entrer définitivement dans une ère de vie politique apaisée et d’un vivre-ensemble renforcé. Que Le Seigneur rendre cela possible.
Dr. Nurudine OYEWOLE Expert-consultant en communication





































































