La crise entre la Côte d’Ivoire et le Mali survenue après l’inculpation de 49 soldats ivoiriens accusés d’être des « mercenaires » par le régime militaire malien et qui a tenu en haleine l’actualité ouest-africaine a connu un dénouement heureux le 7 janvier 2023, avec le retour en côte d’Ivoire des 46 deniers soldats. Au-delà de ce bras de fer entre deux pays frères, s’est jouée en réalité, une confrontation entre deux principes, un régime démocratique et un régime d’exception.
Par définition, la norme est admise et jugée comme étant ce qui est conforme à la règle dans un domaine donné. Dans le cadre de la politique, le régime normal est le régime démocratique. Que dire d’un régime d’exception ? Selon la Commission de l’Union Européenne, « l’état d’exception entraîne à la fois des dérogations aux règles normales en matière de droits de l’homme et des modifications de la répartition des fonctions et des prérogatives entre les divers organes de l’État. En effet, l’expérience a montré que c’est dans le contexte de l’état d’exception qu’ont tendance à se produire les violations les plus graves des droits de l’homme ».
Le premier fait de cette opposition de principes est que, l’élément déclencheur de cette crise est une erreur administrative commise par la partie ivoirienne qui, très vite, a été corrigée. Trop tard, le régime d’exception malien y a vu une intrusion de soldats ivoiriens sur son territoire en vue de son renversement. On note là, le premier signe d’agissement imputable à un régime d’exception qui, pour un si « petite » affaire qui devrait se régler entre deux services administratifs militaires, est exagérément grossie au point d’en faire une tentative de coup d’État.
Le deuxième élément tient au fait que le régime ivoirien a inscrit sa démarche dans un cadre normal en engageant une procédure diplomatique, sollicitant l’intervention de l’ONU au compte de laquelle ces soldats sont allés au Mali. Même si celle-ci reconnait l’erreur administrative à la base du malentendu, la plus haute instance mondiale a balayé du revers de la main la thèse malienne et reconnait que les soldats ivoiriens ont agi sous son mandat. Que nenni, le régime d’exception malien a refusé d’entendre raison. Niant ainsi toute procédure internationale admise en pareilles circonstances, et raidissant sa position au nom de la défense de la souveraineté du Mali.
Le troisième élément de notre argumentaire est relatif au bras de fer avec la CEDEAO. En effet, le régime ivoirien s’inscrivant toujours dans les cadres de règlement des conflits internationaux a porté l’affaire devant les instances sous-régionales. Malgré les tentatives de règlement à l’amiable, le régime d’exception malien refuse d’entendre raison. Surtout, quand on sait que cette crise est venue se greffer aux mesures de suspension dont il était frappé depuis sa prise de pouvoir par les armes. Il va s’en suivre des sanctions qui seront levées plus tard face à la dégradation de la situation socio-économique au Mali.
Le quatrième élément se réfère au fait que le régime malien a donné plus de crédit à la voie informelle de règlement de ce conflit qu’aux voies normales habituelles. La médiation togolaise a remporté l’assentiment du régime militaire malien parce que murmure-t-on, un des proches du président Faure Gnassingbé serait un frère d’armes du président de la transition malienne avec qui celui-ci a fait la même école de formation militaire.
Au total, il ressort de cet épisode ivoiro-malien que la divergence observée était fondamentalement d’ordre principiel et structurel, loin d’un réel conflit entre les deux pays. Les modes de pensée et d’action étaient diamétralement aux antipodes. C’est pourquoi, il est essentiel que nos États soient gouvernés par des régimes normalement élus pour que les normes admises de gestion, de coopération et de négociation soient celles qui régulent la vie de chaque État et au niveau sous-régional.
NURUDINE OYEWOLE. Expert-consultant en communication, Analyste politique