Depuis plusieurs mois, j’observe avec gravité le fonctionnement de la Commission Électorale Indépendante (CEI). J’observe, je réfléchis, j’analyse. Mais aujourd’hui, je me dois de décider.
La CEI n’est plus ce qu’elle prétend être. Elle n’est plus une institution indépendante. Elle est devenue l’instrument docile d’un pouvoir qui refuse l’alternance, qui refuse la transparence, qui refuse l’inclusion. Un pouvoir qui a peur du verdict du peuple et qui tente, par tous les moyens, de le contourner.
Face à cette situation, j’ai pris la décision de suspendre la participation du Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) à la Commission Électorale Indépendante.
Je le dis avec la plus grande responsabilité: je refuse de me rendre complice de ce qui est en train d’advenir à notre pays. Je refuse de cautionner un processus électoral qui porte déjà les stigmates de l’exclusion, de la fraude et de la manipulation.
La CEI, aujourd’hui, viole ses propres textes pour satisfaire les intérêts du pouvoir. Elle tente d’écarter des leaders de l’opposition de la course présidentielle. Elle refuse d’auditer une liste électorale gangrenée par des irrégularités massives. Elle ne tient aucun compte des réclamations légitimes de l’opposition. Et elle tente d’imposer de nouvelles règles contraires au code électoral pour verrouiller davantage le contentieux.
En 2011, la Côte d’Ivoire a connu le pire. Et cela à cause d’une CEI partiale, soumise, instrumentalisée par l’opposition d’alors, aujourd’hui au pouvoir.
En tant qu’ancien Président de la République, j’ai un devoir. Le devoir de dire non à la forfaiture. Le devoir de tirer la sonnette d’alarme. Le devoir de protéger la Côte d’Ivoire de l’abîme.
Je demande donc, solennellement, à notre représentant au sein de la CEI de suspendre immédiatement toute activité dans cette institution, jusqu’à nouvel ordre.
Cela est nécessaire, car nous ne voulons plus d’un autre 11 avril.
Tout le monde voit la crise monter. Tout le monde sent la tension. Tout le monde, sauf ceux qui dirigent aujourd’hui, aveuglés par leur volonté de conserver le pouvoir, même au prix de la destruction du pays.
Nous n’en serons jamais complices.
Il est encore temps de sauver la Côte d’Ivoire.
Nous demandons donc l’ouverture d’un dialogue politique sincère entre les principaux partis de l’opposition, la société civile et le pouvoir, pour remettre la Côte d’Ivoire sur le chemin d’élections crédibles, inclusives et apaisées.
Cette CEI ne rassure plus. Elle est discréditée. Elle est disqualifiée. Et il faut le dire. Avec fermeté. Avec responsabilité. Avec foi en l’avenir.
La Côte d’Ivoire mérite mieux.
La démocratie mérite mieux.
Et le peuple ivoirien, lui, mérite de pouvoir choisir librement ses dirigeants.
Laurent GBAGBO
Ancien Président de la République de Côte d’Ivoire Président du Parti des Peuples Africains-Côte d’Ivoire