L’OPPOSITION EST-ELLE EN PANNE ?
Que se passe-t-il au sein de l’opposition ? Récriminations, palabres, dissensions, accusations fusent de toutes et font craquer le bateau. L’opposition ivoirienne est aujourd’hui éparpillée, en compétition avec elle-même. Aphone depuis les élections législatives, la voilà qui donne de la voix pour nous servir une cacophonie dont doit se délecter, avec raison, le parti au pouvoir. Alors que nous devrions être vent debout contre la consolidation d’un pouvoir autoritaire, contre les tentations de tripatouillages constitutionnels ou face à un dialogue politique bloqué, nous voilà absorbés dans des compétitions d’égo qui nous affaiblissent.
Dans une actualité abondante, Laurent Gbagbo reste le plat de résistance d’un certain nombre de médisances et de critiques mais ne sont pas en reste, Simone Gbagbo, Affi N’guessan, Guillaume Soro et Charles Blé Goudé. Il n’est pas question ici de distribuer des bons points ou des cartons rouges ou d’avancer de quelconques assertions. Tant qu’Affi N’guessan n’aura pas rejoint le Rhdp, il serait bon de considérer qu’il appartient à l’opposition. Tant que Charles Blé Goudé n’a pas obtenu son passeport et qu’il grogne, au lieu de le soupçonner de manœuvres souterraines, aidons-le à l’obtenir. En fait, je ne fais que manifester les inquiétudes de mon parti, l’Urd et tracer un sillon pour souhaiter les retrouvailles de toutes les forces qui font qu’une opposition est crédible aux yeux des citoyens.
Laurent Gbagbo a créé son parti panafricaniste. Nous avons assisté à cette naissance et saluons ce nouveau parti qui saura, nous l’espérons, regrouper toutes les gauches africaines. Laurent Gbagbo est-il panafricaniste ou pas ? Soyons un tout petit peu patients, seule l’histoire nous le dira et sur notre continent, l’histoire s’écrit à la vitesse grand V. Il n’est que de constater la prolifération des coups d’état qui entachent de distorsion le cours normal du temps et de l’histoire contemporaine d’un pays. Mais à qui la faute ? Essentiellement à ceux qui nous dirigent parce qu’ils le font mal.
La seule inquiétude qui doit nous tarauder à l’échelle de la Côte d’Ivoire, c’est la dispersion des forces de l’opposition. Le Fpi a été l’un des 3 grands partis à diriger la Côte d’Ivoire. Il est divisé aujourd’hui en 3 tendances rivales, le Ppa-Ci
de Laurent Gbagbo, le Fpi d’Affi N’guessan et le mouvement de Simone Gbqgbo qui a vocation, à mon humble avis, de devenir à tout moment un parti politique. Le Pdci est lui aussi soumis à des courants contraires qui ne s’étalent pas au grand jour mais le fragilisent de l’intérieur. La guerre générationnelle fait rage et il est regrettable de vouloir mettre sous le boisseau des jeunes qui s’impatientent. Ne serait-il pas plus sain de les laisser s’exprimer, de leur donner l’occasion de se faire connaître non par leur patronyme mais par les actes qu’ils vont poser sur le terrain. Nous avons hâte de savoir quels sont les changements qu’ils préconisent. Comment combattre la corruption, la tricherie, l’indiscipline, quelles propositions pour lutter contre le chômage des jeunes, comment régler les conflits fonciers qui altèrent l’unité nationale, comment s’attaquer à la pauvreté et redonner vie à une école naufragée etc. Je salue d’avance les Jean-Louis Billon, les Tidjiane Thiam, Thierry Tanoh, Guillaume Soro, Charles Blé Goudé, pour ne citer que ceux-là, qui je l’espère, seront en mesure de prendre part à cette compétiton électorale dans de bonnes conditions parce que la vieille garde que nous sommes sera en mesure en 2025 d’organiser pour la 1ère fois en Côte d’Ivoire, depuis le multipartisme, des élections aux résultats incontestables.
Cela relève de notre devoir et de nos responsabilités de ne plus tolérer la manipulation des résultats électoraux. Le relais générationnel passe par l’organisation d’élections sans violences, justes et transparentes. Pour se faire, il nous faut abandonner nos postures querelleuses et nous unir.
Dans son rôle de contre-pouvoir, l’opposition au Parlement est au cœur du jeu démocratique. Même si elle est minoritaire, elle offre, par sa seule présence, une alternative en vue d’inverser le rapport de force pour accéder au pouvoir. Mais il existe aussi une opposition extraparlementaire dont fait partie l’Urd et que l’on aurait tort de négliger. Elle aussi est encore dispersée et bourrée de frustrations. Mais elle est entrain de prendre conscience qu’elle constitue une force complémentaire aux grands partis qui auraient tort de la marginaliser. Comparaison n’est pas raison mais l’histoire nous montre que ce sont souvent les petits partis qui font les rois. Il n’est que de regarder vers l’Allemagne.
Reconstruire notre unité est devenue une nécessité. Ne dit-on pas que les mariages de raison peuvent être très solides. C’est en effet, en s’alliant et en associant nos forces que l’on peut mieux vaincre. « Seul, on va certes plus vite mais à deux, donc a fortiori à plusieurs, on va plus loin ».
Danièle Boni-Claverie
Présidente de l’URD.