Ouvert mercredi, le procès d’Amadé Ouérémi, pour crimes, s’est poursuivi le jeudi 25 mars 2021 après-midi, devant le tribunal criminel d’Abidjan-Plateau, présidé par le juge Bini Charles, avec l’interrogatoire de l’accusé et la comparution d’une dizaine de témoins.
Il s’agissait pour le tribunal de rechercher si Amadé Ouérémi a agi seul ou avec des complices. Comme au premier jour, Amadé Ouérémi, s’est présenté à la barre, vêtu d’un tee-shirt, et un pantalon noir. Un peu amaigri, mais l’air serein et parfois offensif, il a souligné qu’il n’a jamais tué et contrairement à ce qui se raconte, il était « un élément » sous les ordres du commandant Fofana Losseni dit Loss et non en tant que « Chef ».
Aux dires de l’ex Patron du Mont Péko, Duekoué carrefour a été attaquée, car des miliciens (guéré et libériens) tenaient des barrages à ce niveau, les empêchant de progresser.
« Nous avons reçu des messages de Loss depuis Man. Il nous a dit que les jeunes miliciens (guéré et libériens) veulent réduire Duékoué en cendres. Il faut donc défendre les populations parce que, eux, ils tuent les dioula et tout le monde. Il a donc envoyé ses hommes pour protéger les populations », fait-il savoir. « Quel ordre Loss vous a-t-il donné ? « , interroge le juge.
« Il a dit de défendre les populations « , répond Amadé. Et le juge d’enchaîner : « Les vieillards de 80 ans et les bébés étaient-ils aussi une menace ? ». Cette question du juge confond l’accusé qui reste tout de même serein sur sa ligne de défense avec souvent à sa rescousse, son avocate.
Amadé Ouérémi, a aussi nié être connu par les témoins qui se sont succédé. Se montrant parfois menaçant, Il a même reproché au juge de ne pas lui laisser la parole pour s’exprimer.
A la barre, le premier témoin, Une dame venue dans une chaise roulante, a témoigné être devenue handicapée, après avoir reçu des balles dans ses jambes, au moment où elle fuyait les attaques.
Si cette dernière a avoué ne pas connaître ses bourreaux, elle a toutefois pointé du doigt la responsabilité d’Amadé Ouérémi dans les exactions. Comme dommage et intérêt, elle a réclamé la somme de 300.000 FCFA.
Le témoin Gbohou Gnomblé planteur à Bapleu et résident à Duekoué quartier résidentiel a affirmé que son petit frère a été enlevé par des individus qui étaient dans un véhicule 4×4, en bordure de route au moment où il allaient chercher de quoi à manger après avoir passé trois jours enfermés dans la maison suite à l’attaque de la ville de Duekoué.
Selon lui, son frère a été ensuite abattu en face du lycée. Il a révélé outre que ceux qui ont exécuté son frangin lui ont pris la somme de 10 mille avant de lui restituer le corps et il a ensuite procédé le lendemain à l’inhumation.
« Ils m’ont demandé 10.000 FCFA pour me remettre le corps », a-t-il dit écrasant des larmes, accusant par ailleurs, les meurtriers de son frère d’avoir un accent de ressortissant du Burkina Faso.
Au delà de son frère tué, il dit avoir aussi été témoin d’autres exactions. « Il y a eu des charniers », a-t-il dit, réclamant la somme de 10 millions FCFA, comme dommage et intérêt.
Le troisième témoin, nommé Yahé Edgar, est un planteur à carrefour Duekoue. Il dit connaître Amadé Ouérémi, avant la guerre. Selon lui, à l’origine, Amadé était un mécanicien qui reparait les vélos, il est devenu subitement un vendeur de cacao, un grand vendeur et il vivait avec trois femmes.
Dans la guerre, Yahé Edgar dit avoir perdu son oncle, un commissaire de police. Ce dernier aurait été tué après que les hommes d’Amadé Ouérémi ait tiré une roquette sur la maison dans laquelle, il y était . « La maison a pris feu. Il y est mort. Nous avons ramassé ses os après ».
Outre son oncle tué dans les représailles, le témoin dit avoir aussi perdu son fils adoptif « mort fusillé ». « Nous avons retrouvé son corps, après une semaine, en décomposition ».
Le témoin dit n’avoir pas reçu de balles, mais a été ligoté par des éléments d’Amadé Ouérémi, après avoir été appréhendé dans sa fuite.
Le témoin a présenté des vues de photographies réalisées par lui, au moment des faits. Il s’agit essentiellement de reste d’incendie, la fumée, les effets personnels avec l’attroupement de personnes autour. Il réclame 6 millions FCFA comme dommage et intérêts.
Yohou Jullien, élève en classe de terminale au moment des faits et agent administratif, a confié à la barre qu’il n’a jamais vu Amadé Ouérémi sur le théâtre des opérations.
Il a déploré la mort de son jeune frère, malade qui n’a pu fuir lors de l’attaque du domicile de son oncle au quartier carrefour. Il réclame la somme de 2 millions FCFA.
Lors de son passage, Yahé Maurice, a présenté Amadé Ouérémi comme un seigneur de guerre qui avait des milliers d’éléments sous ses ordres.
« C’est lui, qui a créé la guerre à Duekoué. Il a attaqué, lui et son groupe, les Burkinabé (…) Ils ont tué ma mère. Ils ont éventré ma mère née en 1931 vivante. Mon fils a aussi été brûlé entre le collège Saint Pierre. Ils l’ont mis dans un pneu. Mon petit frère aussi est mort en brousse. Son corps a disparu », a indiqué le concerné.
En dépit de tout ce qu’il a subi, le vieillard a refusé de se constituer partie civile et n’a pas souhaité qu’on l’indemnise.
Ezekiel, se présentant comme Pasteur, a indiqué à la barre qu’il connaît Amadé Ouérémi en tant que chef de guerre à Bagohouo et il détenait une armée équipée.
Selon lui, son fils, en classe de quatrième a été abattu par des éléments d’Amadé sous ses yeux. Quant à sa sœur, elle a été violée, avant d’être jeté dans un puits par les hommes d’Amadé Ouérémi. Le témoin réclame 5 millions FCFA comme dommage et intérêt.
Le procès s’est poursuit dans la soirée avec d’autres témoins, qui accusent Amadé Ouérémi et ses hommes d’avoir tué leurs proches.
Dans l’attaque de Duekoué, ce sont quelques 800 personnes qui ont été tuées en deux journées. Le procès reprendra le mercredi 1er avril.
Fulbert Yao