Déclaration commune PDCI -PPA-CI : Une tentative d’unité qui masque mal la fragmentation de l’opposition
Depuis la publication de la déclaration conjointe entre le PDCI-RDA et le PPA-CI, l’opinion publique est invitée à croire à une dynamique de rassemblement au sein de l’opposition. Mais à y regarder de plus près, ce texte, loin de clarifier les positions, soulève davantage de questions politiques stratégiques, ambiguïtés tactiques et non-dits révélateurs. Voici ma lecture critique des enjeux.
1. Une tentative de marginalisation de la CAP-CI
La plateforme CAP-CI (Coalition pour l’Alternance et la Paix en Côte d’Ivoire), initiée par Simone Gbagbo, rassemble le FPI, le COJEP, le PDCI (du moins jusqu’à cette déclaration), et une vingtaine d’autres partis.
Curieusement, la déclaration PDCI – PPA-CI en reprend mot pour mot les revendications essentielles (transparence et inclusion électorale, réforme de la CEI et révision de la liste électorale… .), sans jamais la citer. Une façon diplomatique de l’ignorer, voire de la reléguer au second plan.
Le seul clin d’œil à Charles Blé Goudé et Akossi Bendjo, dans les propos du porte-parole du PDCI, apparaît anecdotique, et symbolique d’un effort minimal de conciliation. Il est notable qu’Akossi Bendjo n’est même pas candidat à la présidentielle, ce qui rend sa mention davantage protocolaire que stratégique.
2. Gbagbo en quête d’un leadership consolidé
Dans une vidéo, le candidat Thiam révèle que cette nouvelle plateforme a été initiée par Laurent Gbagbo lui-même. L’objectif semble clair : apparaître comme l’unique pivot autour duquel doit s’organiser l’opposition, et devenir l’interlocuteur privilégié face au RHDP, mais aussi vis-à-vis des acteurs internationaux (UA, CEDEAO, ONU…).
Cette posture est politiquement compréhensible, mais elle soulève une question centrale : l’unité autour de qui et au service de quoi ? En l’absence d’un accord programmatique clair, le leadership devient un facteur de division plutôt qu’un levier de cohésion.
3. Une opposition de plus en plus éclatée
Au lieu d’unir, cette déclaration acte de fait une fracture nouvelle dans l’opposition. Elle installe deux pôles :
• D’un côté, la CAP-CI, plateforme inclusive, pluraliste, avec une base politique large.
• De l’autre, une coalition informelle PPA-CI – PDCI, dont l’inclusion réelle reste à prouver.
Le PDCI se retrouve ainsi dans une position intenable : membre de deux alliances différentes, poursuivant le même objectif politique. À terme, il lui faudra trancher. Comme en 2021, lors des législatives, où un accord avait été signé avec le FPI d’Affi N’Guessan et au final le PDCI s’est rapproché du camp Gbagbo, au détriment d’autres partenaires, il est probable que l’histoire se répète.
4. Neutraliser toute alternative crédible
L’autre effet de cette plateforme est tactique : maintenir l’illusion d’un front uni pour empêcher l’émergence de plans B. Tant que les principaux leaders prétendent être « dans le combat », les potentiels candidats alternatifs sont mécaniquement neutralisés, accusés de division ou de trahison dès qu’ils voudront exprimer une ambition.
Cette stratégie empêche l’élargissement de l’offre politique dans l’opposition et conforte, en creux, le RHDP dans son positionnement.
5. Une opposition en panne de stratégie face à un RHDP organisé
La vraie question demeure : où va l’opposition ? Car pendant que celle-ci se fragmente, le RHDP reste :
• mobilisé,
• discipliné,
• stratégiquement constant.
En politique, comme en mathématiques, 1 + 1 = 2. Chaque voix compte. Et une opposition divisée contre elle-même ne peut sérieusement espérer battre une machine électorale aussi soudée que celle du RHDP.
6. Le spectre du boycott actif
À défaut de candidatures validées et de plateforme unifiée, on pourrait s’acheminer, comme en 1995, vers un boycott actif. Une stratégie certes légitime, mais risquée. L’expérience de 2020, avec la désobéissance civile mal encadrée, l’a démontré : ce genre de rapport de force favorise le plus souvent le pouvoir en place, mieux préparé sur le terrain.
Le RHDP, par la voix de son Directeur exécutif, semble d’ailleurs anticiper cette éventualité…
En résumé
La déclaration commune PDCI–PPA-CI, sous des airs d’unité, est surtout :
• une manœuvre d’exclusion voilée,
• une affirmation de leadership personnel,
• une fragilisation supplémentaire de l’opposition.
Faut-il continuer à parler d’unité lorsqu’on refuse de parler aux autres et que sa propre stratégie est basée non pas sur l’inclusion mais l’exclusion de sa propre famille politique pour satisfaire des intérêts personnels ?
NB (à l’attention des lecteurs) :
Cette analyse est un point de vue argumenté. Vous êtes libre de ne pas être d’accord. Ce à quoi vous n’avez pas droit, c’est d’insulter ou de tourner en dérision un raisonnement sans y opposer une réplique structurée. La contradiction enrichit le débat. L’invective l’appauvrit. En cas d’abus, la sanction est simple, immédiate et sans appel : blocage.