Leur métier est certes passionnant selon leurs dires, mais ils sont confrontés parfois à l’incompréhension des populations. Comment procèdent-ils lors des interventions sur le terrain et comment se déroule leur vie en caserne. L’Expression a fait une incursion dans l’univers des sapeurs-pompiers militaires du GSPM de l’Indénié.
Silué Kigbafori, sapeur-pompier depuis 2010, palpe délicatement un motocycliste blessé, adossé contre le pavillon de l’Hôtel Ivoire, ce mercredi 2 août 2017, aux environs de 15h. Aidé du Sergent Aboudramane, ils lui disent des paroles apaisantes avant de demander au blessé s’il peut se tenir debout. Celui-ci acquiesce et les deux sauveteurs l’aident à se tenir debout avant de le conduire au véhicule de secours d’urgence (Vsu) où il reçoit les premiers soins. Ensuite, les Sergents Aboudramane et Koffi Théodore s’attèlent à écrire sur le bitume en grands caractères ‘’AVANT (AVT)’’ et déplacent la mobylette afin de faciliter la circulation qui était ralentie à cause de l’accident. Ils en font de même pour la voiture dont le propriétaire ne cache pas sa panique et son inquiétude. Ils sont interrompus dans leur tâche par la police qui fait son arrivée sur les lieux et prend le relais. Il est 15h35 minutes. Ils rejoignent Silué Kigbafori qui a fini de donner les premiers soins au blessé qui sera conduit dans une clinique à Adjamé puisqu’il bénéficie d’une assurance.
Tout en pratiquant leur intervention, ces sapeurs-pompiers ne cessent de rendre compte à la base afin de l’informer de tout ce qui se passe sur le terrain. Le sergent Silué Kigbafori nous explique qu’il est pompier depuis 2010 et qu’il est titulaire du Brevet national de Secourisme option Réanimation et Secours Routier. Alors que notre équipe de reportage fait son retour à la caserne de l’Indénié, elle n’a pas le temps de mettre le pied à terre, qu’une autre intervention doit se signale à Bingerville à M’Batto-Bouaké. Il s’agit d’un accident de la circulation. Il est 17h15 minutes et cette fois, c’est l’Ambulance de réanimation (AR) qui est mise à contribution avec cinq personnes à son bord dont un médecin, un infirmier, le chef d’agrès qui supervise les opérations, le servant et le conducteur.
Cap est mis sur Bingerville mais malheureusement, un embouteillage monstre au niveau de ’’Faya’’ (NDLR un quartier de la commune de Cocody) vient contrarier les sapeurs-pompiers. Ceux-ci activent aussitôt la « Corne de feu » (le Gyrophare) et décident de rouler en sens inverse. Des automobilistes se rangent sur le côté pour les laisser passer tandis que d’autres font la sourde oreille à la « Corne de feu » qui signale l’urgence de la situation.
Toujours prêts à intervenir…
Un des ’’sauveteurs’’, explique que c’est l’urgence de la situation qui justifie cette conduite en sens inverse. « Souvent, lors de nos interventions, les requérants ne comprennent pas pourquoi nous arrivons en retard. Nous rencontrons des imprévus en route comme les embouteillages. Et, compte tenu de l’urgence de la situation, nous sommes obligés de rouler en sens inverse mais comme vous le voyez, certains ne sont pas prêts à nous céder le passage », déplore-t-il. Fort heureusement, l’équipe d’intervention arrive à temps sur les lieux où un véhicule de transport faisant la navette entre M’Batto-Bouaké et Bingerville a fait une sortie de route. Bilan : trois blessés dont un cas grave souffrant de traumatisme crânien. Sous une fine pluie, ce dernier est évacué à bord du véhicule où le médecin s’occupe de lui et lui pose une perfusion. Cette intervention se passe sous le regard de nombreux badauds qui se délectent du spectacle. Cap est ensuite mis sur l’hôpital de Bingerville car le blessé ne bénéficie d’aucune police d’assurance. A quelques encablures de l’hôpital, la « Corne de feu » est éteinte. C’est la règle. Il faut noter au passage que les sapeurs-pompiers ne sont autorisés à allumer la « corne de feu » que de 7h du matin à 21heures le soir.
L’accidenté est ensuite conduit aux urgences de Chirurgie où les sapeurs-pompiers font une décharge avant de quitter les lieux. Ici encore, la base est informée en temps réel de tout ce qui se passe sur le terrain. De retour à la base, une autre urgence se signale du côté de Williamsville où un incendie s’est déclaré. Il est plus de 18heures et il faut faire vite car l’équipe d’intervention est déjà en route. En effet, dès la sonnerie ‘’du coup long ou court’’, car à chaque engin d’intervention, correspond une sonnerie longue ou courte, l’équipe a trois minutes pour quitter la caserne. Et, celle qui doit intervenir à Williamsville est déjà en route. Nous réussissons à la rattraper au feu de la Gendarmerie d’Agban où un embouteillage ralentit la circulation. Le chef de garde descend du ‘’fourgon pompe tonne de 4.000 litres’’ pour échanger avec les policiers en charge de la circulation car la situation urge.
La situation se décante en faveur des ’’soldats du feu’’ et nous continuons notre chemin. Notre guide explique qu’en cas d’incendie dans cette zone, bien souvent le personnel du Groupement des sapeurs-pompiers militaires est pris à partie par les populations qui n’hésitent pas à les lapider car, elles estiment qu’ils ne sont pas arrivés à temps. Sur les lieux, les enfants enthousiastes sortent pour admirer le camion et les pompiers. L’incendie est ensuite circonscrit et nous retournons à la caserne. Notre guide du jour, le commandant Oulaï, nous explique que c’est ainsi que la vie d’un sapeur-pompier est rythmée. Elle n’est pas de tout repos. Toute chose que nous constatons. Déjà le matin, à 7h30, il y a le rassemblement, ensuite le sport et les manœuvres de garde. La garde commence à 8h et les sapeurs-pompiers ont 15 jours de garde et 15 jours de repos dans le mois.
…Malgré les nombreuses embûches et l’incivisme des populations
Ce mercredi 2 août, d’ailleurs, les sapeurs-pompiers reçoivent une vingtaine d’enfants. Ils leur enseignent comment éteindre les feux dont ceux d’hydrocarbures, dont le feu couve toujours même si les flammes ont été supprimées. Il faut retenir de cet enseignement que c’est la mousse qui éteint ce type de feux. Ils sont édifiés sur les matériels de sauvetage présentés par le Sergent-chef Zéhé Elysée, qui se présente avec humour comme le pompier qui a descendu le fou perché sur le toit de la RTI. Une aubaine pour notre équipe de reportage qui bénéficie de cet enseignement et en profite pour visiter ’’tous les coins et recoins’’ du Groupement des sapeurs-pompiers militaires (Gspm) de l’Indénié.
Ainsi, les différentes administrations des compagnies, leurs Ressources humaines, leurs Bureaux d’instructions et d’opérations, le Bureau de transmission des coordinations, le Bureau sport du Gspm, les chambres de garde, le foyer où le personnel se détend et les engins de la caserne sont visités. Nous pouvons ainsi compter deux fourgons pompes tonnes, un camion citerne, deux véhicules de secours d’urgences et deux véhicules de commandements mobiles. Au foyer, nous sommes agréablement surpris et bien accueillis par les militaires assis sous des arbres buvant de la sucrerie ou dégustant un plat de pâtes pour certains et d’autres devisant à l’intérieur de la bâtisse tout en jouant à des jeux de société ou regardant la télévision. Nous faisons ensuite une escale au Centre de coordination des opérations de transmissions (Ccot).
A la salle radio qui est le centre de traitement des appels au 180. Notre guide nous explique que la radio leur permet d’être en contact avec les populations et de communiquer avec tous leurs services à Abidjan. Le premier appel sur le 180 auquel nous assistons, montre l’incivisme des populations. Lorsque le militaire décroche, c’est un éclat de rire enfantin suivi d’un long silence qui l’accueille. Mais le sapeur-pompier ne perd pas son sang-froid et raccroche. Il n’est pas mieux loti avec le coup de fil suivant. Cette fois-ci, l’interlocuteur lui demande comment réparer sa puce de téléphone qui est bloquée. Encore une fois, le militaire reste calme. Il demande à son interlocuteur de se présenter mais ce dernier part dans un long éclat de rire avant de raccrocher. Notre guide, le commandant Oulaï, nous explique que c’est leur lot quotidien.
«Des gens nous appellent par jeu. Parmi tous ces appels, nous sommes obligés de faire le tri ou nous appelons une unité proche du lieu indiqué », dévoile-t-il avant de nous expliquer le fonctionnement de ce service qui compte trois équipes. «Ils montent jusqu’à 12h et après 12h, ce sont les veillées. Il faut aussi noter que notre capacité d’intervention a augmenté car l’activité au niveau de la ville d’Abidjan a connu une hausse. 60% de nos interventions sont des accidents de la circulation et Yopougon est la commune où il y a le plus d’interventions », éclaire le commandant. Il ajoute que chaque Compagnie a son secteur de compétence mais, une Compagnie peut envoyer son personnel en soutien à une autre si celle-ci est débordée. Le secteur de compétence de l’Indénié est par ailleurs Abobo, Adjamé, Plateau, la voie express du Banco et Cocody.
« On n’engage pas tous les sapeurs-pompiers sur une intervention. Quand l’intervention est assez importante, et qu’elle prendra du temps et que tous les moyens sont engagés, il faut un officier sur le terrain car cela nécessitera un gros travail de réflexion et d’analyse. Ils ont suivi des formations pour savoir quoi faire dans ces cas », confie l’officier. Tout au long de ce reportage, une chose retient notre attention. La présence remarquée de femmes tant au CCOT que sur le terrain. Et elles sont au nombre de 26 dans cette compagnie. L’une d’elles, le Caporal Fatou Coulibaly, qui officie au 180, nous révèle que contrairement à ce qu’on pourrait penser, il ne lui est pas difficile d’être l’une des rares femmes de cette compagnie. «J’ai toujours voulu être un sapeur-pompier. Après la Terminale G et des études au Cours Loko, je n’ai pas hésité un seul instant lorsqu’il y a eu un recrutement militaire.
Cela fait six ans que je suis ici et il n’y a aucun problème avec mes collègues. Ce que je déplore, ce sont les enfants qui appellent sur le 180 seulement pour jouer », déplore-t-elle. Cette passion pour le métier est partagée également par un autre, O. Serge. Son premier choix était d’abord le bataillon blindé à la cavalerie mais l’obtention du Brevet national de secourisme à Bouaké change ses ambitions. Et, il n’hésite pas une seconde fois lorsque l’occasion se présente de tenter sa chance afin de mettre en application la devise des sapeurs-pompiers : « Sauver ou périr ». Sa Licence de Chimie en poche, il s’oriente vers l’Ecole des Forces armées. Et depuis 2001, il est sapeur-pompier au Gspm. Il poursuit en indiquant que c’est un métier passionnant qui requiert beaucoup de sacrifices car il faut mettre sa vie en danger pour sauver celles des autres tout en étant prêt à intervenir à n’importe quel moment, à n’importe quelle heure de la nuit.
Napargalé Marie