Comment corriger les inconvénients occasionnés par une pratique masturbatoire gênante?
Le sujet est tabou, mais la pratique n’est pas rare en Côte d’Ivoire. Mieux, la masturbation est une réalité, prisée tant par les hommes que les femmes. Pourquoi cette situation ? Cette pratique est-elle sans danger ? Si non, comment corriger les inconvénients occasionnés par ladite pratique ? Dossier
La vingtaine révolue, teint clair, belle avec des rondeurs, K. Hermine, employée dans une pharmacie, a déjà expérimenté cette pratique. Un soir, alors qu’elle se trouvait seule dans sa chambre, elle eut envie de faire l’amour. L’excitation était intense, mais elle n’avait pas de partenaire. Sans se poser la moindre question, elle a opté de vivre son fantasme à l’aide de ses doigts. «J’ai voulu atteindre l’orgasme et je l’ai fait avec la main, seule dans ma chambre. Parfois, Quand je regarde un film pornographique, je me masturbe aussi», nous confie t-elle, un peu gênée.
Bernard Y, un informaticien, témoigne aussi que son oncle est accroc à la masturbation, malgré qu’il ait deux femmes. «Régulièrement, il se masturbe dans les toilettes. Ses femmes l’ont surpris à plusieurs reprises, mais il ne parvient pas à y mettre fin», explique Bernard. Ces exemples sont légions. Nombreuses sont les personnes qui pratiquent la masturbation, avec de l’huile, du savon, de la salive, des produits parfumés, du beurre de karité, de l’eau, du dentifrice etc… Comment définir cette pratique ? Pourquoi certaines personnes l’ont-elles choisie pour se satisfaire sexuellement ?
La masturbation est un mot latin composé de Manus (main) et stupa (souillé). Elle est étymologiquement l’acte de souiller par la main, une autosatisfaction. Et plusieurs éléments contribuent à la montée en puissance de cette pratique : l’internet, les catalogues, les publicités, les clips vidéo, les people mettant fréquemment en scène les plaisirs solitaires, mais aussi la causerie entre amis.
Le généraliste Marc Eloi, identifie plusieurs causes à la masturbation: « l’appétit sexuel insatiable, recherche d’un équilibre sexuel (cas des soldats séparés de leur épouse et des prisonniers) , impossibilité de vivre une sexualité épanouie (abstinence forcée pour des raisons religieuses, économiques et sociales ) puis la dépendance.
Jean Paul Kouamé, sexologue clinicien et médiateur familial, identifie deux groupes de masturbation : la masturbation en solitaire qui consiste à rechercher l’orgasme en se tripotant les fesses, les seins, le sexe, l’anus… Et il y a la masturbation en couple, ou le rôle de l’autre partenaire sera de s’exhiber pour produire de la sensualité et permettre à son partenaire d’atteindre l’orgasme.
Il estime qu’en Côte d’Ivoire, ‘’65% des jeunes collégiens, des jeunes qui fréquent les bars et maquis, sexuellement actifs sont plongés dans la masturbation’’. «La tranche d’âge la plus exposée est comprise entre 14 et 35 ans, mais de grandes personnalités y sont aussi plongées», souligne-t-il. Michelle LORA, psychologue/ sexologue-comportementaliste, et Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody soutient quant à elle qu’il n’y a pas d’âge pour commencer la masturbation et qu’il existe très peu de statistiques sur les pratiques masturbatoires en Côte d’Ivoire. Au dire de la spécialiste, « chacun a un parcours particulier et la sexualité est un champ aussi bien complexe que délicat : on ne peut pas présumer de la sexualité des gens, vu le caractère intime du sujet. Déjà in utéro le fœtus vit une expérience sexuelle: l’enfant connaît aussi une phase de sexualité orale de zéro à trois ans. Ce sont les éléments structurants tels que l’éducation, l’écoute et la socialisation qui vont canaliser ces pulsions masturbatoires chez l’individu », a-t-elle indiqué, dans un entretien à l’expressionci.com.
Un moyen de se connaître
Pour le sexologue Jean Paul Kouamé, la pratique masturbatoire permet une meilleure connaissance de son corps et une meilleure guidance du partenaire dans l’espace intime. « Elle permet un dialogue avec soi-même. Elle permet d’initier les premières sensations, permet d’explorer son corps à la recherche des premières émotions sexuelles, des premiers orgasmes», explique-t-il avant d’ajouter que « Bon nombre d’individus se sont découverts sexuellement, en se masturbant. Il y a des femmes qui ne savent pas que sur la nuque on peut prendre du plaisir. Beaucoup ne savent pas par exemple qu’en se masturbant, on pourrait découvrir que le bas ventre, chez certaines personnes est hyper sensible, le creux du Coude, les cheveux, les orteils, les lèvres. Il y a des parties ou tu peux te donner la chance de découvrir », soutient le sexologue.
Elle est aussi un remède contre l’insomnie et le stresse car libéré des hormones du sommeil (sérotonine) et l’humeur (cathecolamines), précise Marc Eloi.
Malheureusement, cette pratique a des inconvénients.
…a des inconvénients…
Dr Michelle LORA explique que « l’addiction à cette pratique désocialise les individus qui y sont addicts et peu augmenter l’insatisfaction sexuelle lors de relation de couple étant donné que les zones érogènes et les récepteurs sensoriels ne sont pas stimulés ni sollicités de la même manière pendant la masturbation que pendant l’accouplement. ». Au niveau physique, le sexologue Jean Paul Kouamé fait savoir que pour les addicts, les risques sont nombreux. «Les os vont s’appauvrir, en fer, en vitamine B12, en Magnésium avec l’âge. Si ces personnes sont sportives, elles vont avoir des fractures à tout moment. A force de maltraiter la partie sexuelle, pour les hommes à un moment, on va retrouver difficilement l’érection. Pour les femmes le désir, la jouissance ne vient plus, comme dans le début de la vie sexuelle, on va l’obtenir difficilement. Chez la femme contrairement à l’homme, l’utilisation des produits tels que des pates dentifrice, des lubrifiants, des savons parfumés peut créer des problèmes dans l’utérus. Au niveau de l’épiderme il n’y a pas de problème». Dans les cas de masturbations masculines accompagnées de supports visuels pornographiques, l’homme peut être conditionné à fantasmer sur plusieurs femmes durant sa masturbation », fait savoir le sexologue. «Ce qui peut l’inciter à multiplier réellement les partenaires ou conduire à des troubles du désir et/ou de l’orgasme. La satisfaction de l’adolescent dans l’imaginaire de la masturbation peut parfois se transformer en un piège qui l’empêche d’affronter la réalité », précise t-il.
« la masturbation peut entraîner l’hyper-excitabilité des nerfs, une vision purement sexuel de la femme (voir toutes femme une proie sexuelles)», renchérit Marc Eloi.
Encadré 1 : Une pratique mal perçue par la religion
D’Après le pasteur Pascal Kouamé, le christianisme culpabilise la masturbation, car elle ne permet pas la reproduction. Au dire de l’homme de Dieu, la masturbation est «un péché» car en le faisant, la femme ou l’homme s’imagine « avoir des rapports» avec un partenaire.
«Celui qui se masturbe en convoitant une femme ou un homme marié, commet l’adultère. Celui qui le fait en convoitant une femme mariée ou pas commet l’impudicité et la Bible dit ni les impudiques, ni les adultères n’hériteront du royaume des cieux. Galates 5v19-22», soutient le pasteur.
Pour l’islam selon le vice-iman de la mosquée Diallo du CHU de Cocody Oumar Diallo, cette pratique affaiblit la foi. « Dès lors qu’on s’adonne à cette pratique, spirituellement on est affaibli. On a du mal à se consacrer aux actes spirituels. On est déséquilibré sur le plan spirituel et moral », soutient l’imam. Et la conséquence, c’est que ‘’ l’individu finira par être l’otage de cette pratique. Et donc sa foi va régresser’’.
Fulbert Yao
Encadré 2 : Comment traiter le mal
Du point de vue psychologique Dr Michelle LORA propose d’identifier les éléments et la manifestation des inconvénients et les traiter au cas par cas, éventuellement avec l’aide d’un spécialiste dans un projet thérapeutique volontaire. Au niveau spirituel, le pasteur Pascal Kouamé, propose le mariage ou une prière de délivrance de l’emprise du démon de cette pratique. « L’histoire d’Onan en Genèse 38v7-11 qui selon la tradition juive prit pour femme, celle de son frère décédée ne voulant lui donner d’héritier se masturbait et jouissait par terre lorsqu’il allait avec elle. Alors l’Eternel le frappa et il mourut », soutient le pasteur. Quant au vice-iman de la mosquée Diallo du CHU de Cocody Oumar Diallo, il conseille le mariage et le jeûne. «Le premier élément, les jeunes doivent penser au mariage le plus tôt possible. il ne faut pas attendre forcement d’avoir un statut social élevé avant de penser au mariage. Et puis on construit l’avenir. Celui qui n’a pas les moyens de se marier, qu’il jeûne car le jeûne va l’aider à ne pas se masturber. On peut jeûner deux jours dans la semaine. Lundi et jeudi. On peut ajouter aussi, les jeûnes de trois jours d’affilée, chaque mois. A côté de cela, on va leur demander de faire beaucoup de prières, les jeunes doivent s’adonner à la spiritualité, à l’adoration, en évitant certaines images, certains films, livres, messages, des revues pornographiques qui incitent à la masturbation. Il faut reconnaître que ce qu’on fait n’est pas bien et reprouver par Dieu. », a-t-il confié.
Fulbert Yao (herrwall2007@yahoo.fr)