C’est une présence en Côte d’Ivoire qui inquiète. Le virus Ebola a été détecté à Abidjan samedi soir. Il s’agit du premier cas depuis près de 25 ans. Avec cette découverte, quelle est l’ambiance dans les différents hôpitaux et quartiers où la malade venue de Guinée a transité? Le reporter du quotidien l’Expression revient sur les traces de la malade venue de Labé.
Très curieux de revisiter les traces de la malade, c’est donc avec intérêt que nous sautions dans le véhicule de reportage ce mardi 17 août 2021. Après quelques minutes de route, notre équipe arrive à la Clinique privée Nancy de Marcory Résidentiel (sud d’Abidjan). C’est ici, que la malade venue de Guinée a été transportée à bord d’un taxi, avant d’être évacuée aux Urgences de Cocody (nord d’Abidjan). Dame Kadidiatou Diallo, originaire de la région de Labé, arrivée dans ce centre médical, présentait de la fièvre avec des céphalées et un saignement au niveau des gencives et des organes génitaux. Mais, dans cette clinique privée, c’est à croire que le passage de la malade n’inquiète personne.
A l’entrée de l’hôpital, aucun dispositif sanitaire n’est observé. Le vigile, bien qu’ouvrant et fermant une grille, ne dispose d’aucun désinfectant. Dans la salle de réception, le décor est aussi surprenant. Tout est quasi désert, à notre passage. Seuls quelques agents en blouse blanche, sont à leur poste, sans équipement de protection non plus. Cela n’est pas sans conséquence. La psychose de la maladie, semble gagner l’un des agents. «Tout va bien, mais, nous n’avons pas le moral», lance-t-il, sous couvert de l’anonymat. Hésitant au départ, les autres nous apprennent que malgré le cas enregistré, les activités se sont poursuivies depuis samedi sans interruption. «Les malades viennent se soigner, tous les jours nous travaillons», affirment ces derniers. Seulement, précisent-ils, sur instruction du ministre de la Santé Pierre Dimba, qui s’est rendu sur les lieux mardi 17 août, «La clinique restera fermée pendant 24 heures (mercredi) pour désinfection des lieux».
Au bout d’une trentaine de minutes d’observation, nous mettions le cap sur le Centre hospitalier universitaire (Chu) de Cocody (nord d’Abidjan).
Ici les allers et retours des malades et des visiteurs ne dérogent pas à la règle. Au service des urgences, les vigiles sont bien présents. Celui qui nous ouvre le portail menant aux différentes salles, ne porte aucun équipement de protection. Mais, il se veut rassurant tout en confiant son sort à Dieu. «Nous attendons qu’on nous donne des équipements», confie A.G. Ici, 24 heures avant notre passage, des agents de l’Institut national de l’hygiène publique, avec des produits stérilisants, sont passés sur les traces de la malade. Les lits, les murs, les planchers, le hall et les différentes salles d’hospitalisation ont été désinfectés. La chambre où a séjourné la malade était donc interdite d’accès.
La vaccination en marche au Chu et à Alakro
Si les couloirs sont vides, le Hall des urgences grouille de monde. Une trentaine d’agents rassemblés attendent d’être vaccinés. Ces derniers suivent trois étapes, avant de recevoir «le vaccin rVSV-ZEBOV contre Ebola fabriqué par Merck. Ils sont d’abord enregistrés. Puis, ils reçoivent un carnet, avant de se diriger vers l’agent vaccinateur.
En effet, depuis lundi, plusieurs sites accueillent l’opération dont le centre hospitalo-universitaire de Cocody (Nord d’Abidjan), le service des maladies infectieuses et tropicales du Chu de Treichville, et le quartier Alakro situé à Cocody 2 plateaux, puisque c’est dans ce bidonville que la jeune fille de 18 ans, venue de Guinée a séjourné, avant de se rendre à la clinique Nancy à Marcory. Ici, la course est engagée contre la vaccination depuis mardi. Installés sous des bâches, une dizaine d’agents de la santé vaccinent à tour de rôle, chaque habitant. Parmi eux, Salomon Kouadio, qui a reçu sa dose exprime son inquiétude.
«C’est une maladie à craindre. Comme il y a un vaccin qui peut l’empêcher, nous sommes là pour nous faire vacciner», confia-t-il. Sébastien Kouadio Dia, chef du quartier invite pour sa part les populations à se faire vacciner. «J’ai donné l’ordre à mes jeunes, d’annoncer la maladie à la population d’Alakro, de venir se faire vacciner. C’est ce qui a été fait »
La maladie prise très au sérieux par le gouvernement
«Nous avons commencé la vaccination depuis lundi. Nous comptons atteindre d’ici les prochains jours, 2.000 cas contacts, qui sont les gens qui ont voyagé ou qui se sont mis en contact avec d’autres populations», a déclaré Pierre Dimba, au terme d’une visite dans ce quartier mardi.
Concernant le traçage de ces contacts, les enquêtes sont en cours. L’itinéraire de la jeune patiente de 18 ans est aujourd’hui totalement retracé. Il y avait 68 passagers à bord de son autocar au départ. Sur ce nombre 33 sont arrivés à Abidjan avec la malade, le reste étant descendu en chemin pour d’autres destinations. Près de 200 personnels soignants ont aussi été vaccinés. La plupart travaillent dans l’hôpital où dame Kadidiatou Diallo a été soignée et gardée dans l’isolement.
Fulbert Yao