La récente série d’accidents mortels survenus sur les routes ivoiriennes continue de faire réagir les acteurs du monde des transports, surtout ceux engagés, aux côtés du gouvernement, dans la lutte contre l’insécurité routière. Parmi ces réactions figurent celle d’Anne-Lyse Bougha, Directrice Générale de Mayelia Automotive, un opérateur de contrôle technique.
Récemment, plusieurs accidents mortels de la circulation routière ont été enregistrés. Quelles ont été vos impressions lors de la survenue de ces drames ?
Effectivement, depuis le 1er août nous avons appris avec désolation une autre vague d’accidents routiers et je tiens dans un premier temps, à adresser mes sincères condoléances aux familles des victimes, mes vœux de prompt rétablissement aux blessés et une pensée aux entreprises de transport.
Au-delà du chagrin, cette situation suscite des questions. L’année dernière à la même période une vingtaine de décès ont été enregistrés dans un accident du même type. Nous sommes certes dans une période marquée par de nombreux déplacements en raison des vacances scolaires, mais il est possible d’éviter ces incidents, considérant les efforts fournis par l’Etat pour lutter contre l’incivisme sur nos routes.
On sait que les facteurs humains liés aux comportements des conducteurs sont à plus de 90% à l’origine de l’insécurité routière, mais quels sont vos commentaires sur l’état des véhicules poids lourds et des véhicules de transports en commun ?
Ce pourcentage important dû au facteur humain implique la responsabilité de la personne du conducteur dans l’accident, nonobstant l’état défectueux de l’équipement. Aujourd’hui l’on constate que la plupart des accidents font intervenir soit un « Gbaka », soit un autocar ou un véhicule de transport de marchandises. Cela nous emmène à nous poser la question de savoir si c’est l’état des véhicules qui est le seul mis en cause. Ne l’oublions pas, les véhicules de transport public (autocar, gbaka) passent deux (2) fois leur visite technique dans l’année. En réalité, cette fréquence a été communiquée par l’Etat afin de veiller à ce que ces véhicules qui fréquentent beaucoup les routes, puissent être dans un état conforme. Cela nous fait nous pencher sur l’état des conducteurs et la charge des passagers. Ce sont des éléments importants à prendre en compte. Sinon en Côte d’Ivoire, le parc des transports publics refait peau neuve de façon progressive.
« Tous les conducteurs ne sont pas forcément aguerris à la conduite de certains engins »
Qu’en est-il des poids lourds ?
Quand on parle de poids lourds, il est fait référence aux camions de marchandises, etc. La conduite de ces équipements spécifiques est soumise à des connaissances théorique et pratiques ; Ainsi donc après avoir été reçu aux tests et étant usagers de la route, il va falloir se prêt au jeu du recyclage ou des formations de mise à niveau afin d’en avoir la maitrise et pour un usage des plus sécurisés. Notons par ailleurs que ces derniers passent la visite une (1) fois dans l’année. Cette fréquence s’explique par le fait que ces véhicules sont utilisés à la commande. Ils n’ont pas une occupation de l’espace public assez dense. Mais au-delà de la maintenance et du suivi fait par l’entreprise, nous pensons que leur contrôle technique répond aux besoins de ce type d’engins.
Aujourd’hui beaucoup de nos concitoyens déplorent la qualité du freinage de ces poids lourds. Quels sont vos commentaires.
Effectivement ce sont des éléments qui reviennent souvent lorsque l’Oser, la Police de la Sécurité Routière ou la DGTTC font des descentes sur le terrain pour sensibiliser. Mais ces engins sont conçus en fonction de l’utilité du véhicule. Le problème se pose parfois au niveau des techniques de freinage ou de démarrage que les conducteurs improvisent. Cela est dangereux parce qu’au moment de ralentir ou de prendre un tournant, la réponse du véhicule n’est pas toujours immédiate. C’est ce qui provoque généralement les collisions auxquelles nous assistons. Cet aspect soulève la question de la formation des conducteurs. Nous avons déjà adopté cette démarche à travers le prochain lancement de Mayelia Academy, avec l’aide d’experts en conduite. Considérant que ces équipements nécessitent des aptitudes spécifiques, l’Etat a, en plus du circuit de formation et de test dédiés, déployé un programme de formation continue mis en œuvre par l’OSER visant à la mise à niveau et au perfectionnement des conducteurs de gros engins. En sus, nous encourageons les usagers à renouveler leur expertise au moyen de recyclages périodiques afin de conserver les bons réflexes dans l’exercice de leur activité.
En plus du recyclage que vous préconisez, avez-vous d’autres conseils à prodiguer aux conducteurs de ces types d’engins impliqués dans les accidents ?
Les poids lourds et les véhicules de transport de masse sont des engins dont la taille et la masse sont non-négligeables. Quand on s’engage sur la route avec ce genre d’engin, il faut être vigilant et responsable au volant parce que nous transportons des vies humaines et parfois mettons en danger d’autres types de véhicules. C’est pourquoi il faut éviter les surcharges. Au-delà, il faut voir de près la condition physique des conducteurs de transport public de masse qui accumulent plusieurs heures de fatigue. Pourtant une seule seconde de somnolence peut faire perdre le contrôle du véhicule. Il faut donc être reposé et concentré au volant. Nous saisissons cette opportunité pour attirer l’attention du secteur privé des transports afin de mener chacun à son niveau, une campagne de prise en charge de leurs acteurs opérationnels pour une meilleure efficacité et sécurité sur les routes.
Quel est l’état des lieux de l’implication de Mayelia Automotive dans la lutte contre l’insécurité routière en Côte d’Ivoire ?
Notre marche est, en premier lieu, d’être un acteur engagé œuvrant aux côtés de l’Etat pour la sécurité routière. Partant, nous évoluons avec le Ministère des Transports, l’OSER, la PSSR et la DGTTC en vue d’outiller les automobilistes et d’en faire des acteurs de la chaîne de valeur. A cet effet, plusieurs ateliers et campagnes de sensibilisateurs conjoints ont été tenus sur l’étendue du territoire en addition aux actions propres à MAYELIA AUTOMOTIVE sur les bons gestes, l’entretien de son auto et la bonne conduite entre autres. Pour preuve ; le gouvernement a démarré à cet effet, au mois de septembre 2021, la campagne #Stop à l’incivisme sur la route que nous avons accompagnée sur le terrain par la mise sur pied d’une campagne de sensibilisation « Sécurité c’est pas yaya ! » soutenue par des ateliers de sensibilisation à la sécurité routière et la diffusion de messages sur les bons gestes à avoir sur les routes.
Fulbert Yao avec Isaac Krouman