La reconnaissance de l’Etat de Palestine par la France et d’autres pays aura un impact positif sur la question de la création de deux Etats, reste convaincu le représentant de Mahmoud Abbas sur les bords de la lagune Ebrié.
Le président Emmanuel Macron a annoncé que la France reconnaîtrait l’État de Palestine en septembre lors de l’Assemblée générale des Nations Unies. Quelle réaction face à cette décision historique même si Certains affirment que la décision du président Macron ne changera rien à la question palestinienne, car 143 pays ont déjà reconnu l’État de Palestine, et que cette décision récompense le terrorisme ?
La décision de la France est considérée comme une étape politique symbolique et historique majeure, car elle est considérée comme un pays puissant sur la scène internationale et occupe un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Son impact pratique pourrait être limité à l’heure actuelle, compte tenu de la poursuite de l’occupation israélienne et du rejet de telles résolutions par les États-Unis et Israël. Cependant, elle demeure une étape cruciale vers la réalisation de l’objectif palestinien d’obtenir une adhésion pleine et entière aux Nations Unies et de consolider et renforcer la légitimité de la présence palestinienne dans les enceintes internationales. À ce jour, 149 pays ont reconnu l’État de Palestine. Ainsi, la reconnaissance par la France, le Royaume-Uni et d’autres pays ayant annoncé leur intention de le faire en septembre prochain, accentuera sans aucun doute la pression sur l’occupation israélienne. Par exemple, ces pays pourraient exercer une pression économique sur Israël et lui imposer des sanctions, individuellement ou collectivement. Quant à l’accusation selon laquelle la résolution « récompense le terrorisme », elle reflète le récit israélien et américain. Cependant, les Palestiniens, les Arabes et la plupart des pays du monde y voient un soutien à la justice et aux droits inaliénables du peuple palestinien, notamment son droit à un État. De plus, le Hamas auquel il est fait allusion, s’est toujours opposé à deux Etats et la reconnaissance des pays qui participent à cette initiative ont demandé au Hamas et aux groupes armés de renoncer au pouvoir et à leurs armes. Il s’agit également d’une tentative de préserver la seule solution possible à la question palestinienne : la solution à deux États.
Quelle influence le rejet des États-Unis, allié fort d’Israël, aura-t-elle sur la décision de Macron Sachant que seuls les États-Unis peuvent exercer une quelconque pression sur Israël. Peut-on être optimiste quant à la naissance d’un État palestinien ?
Les États-Unis demeurent le principal allié d’Israël, et leur rejet de toute résolution internationale signifie qu’il n’existe aucun mécanisme exécutif pour contraindre Israël à se retirer. Il ne fait aucun doute qu’un État palestinien requiert plus qu’une reconnaissance diplomatique : une réelle pression économique et politique sur Israël, une position palestinienne unifiée et un soutien arabe et islamique unifié (notamment par le biais de relations avec l’Occident). L’Arabie saoudite joue également un rôle important à différents niveaux et dans toutes les enceintes, elle a présidé le comité ministériel issu de la Conférence arabo-islamique tenue à Djeddah fin 2023, et parcouru le monde pour mobiliser le soutien à la cause palestinienne et mettre fin à la guerre d’extermination menée par Israël. Tous ces mouvements contribueront à un changement de position américaine et à des progrès tangibles.
Fin juillet, nous avons assisté à la tenue à New York de la conférence internationale pour la mise en œuvre de la solution à deux États. Quelle a été l’importance de cette conférence et quels résultats a-t-elle obtenus ?
Il convient tout d’abord de saluer le rôle essentiel du Royaume d’Arabie saoudite dans l’organisation de cette conférence, ainsi que le rôle important joué par la France. La Conférence sur la solution à deux États s’est tenue à New York les 27 et 28 juillet 2024, sous l’égide des Nations Unies et sous une présidence conjointe saoudo-française. Elle a bénéficié d’une large participation internationale, notamment de représentants des Nations Unies, de l’Union européenne, des pays arabes, de la Jordanie et de l’Égypte, ainsi que d’une délégation palestinienne conduite par le Premier ministre palestinien, Dr. Mohammad Mustafa, et la ministre des Affaires étrangères et des Expatriés, Dr. Varsen Aghabekian Shahin. L’importance de la conférence et de ses principaux résultats réside dans la relance de l’idée de la solution à deux États. Elle s’est tenue à un moment où l’idée d’un État palestinien était durement troublée par l’expansion des colonies israéliennes, ce qui en faisait une tentative de relancer la solution qu’Israël rejette actuellement. Il a été souligné que la solution à deux États est la seule voie pour parvenir à une paix durable, conformément à la légitimité internationale (résolutions de l’ONU telles que les résolutions 242, 338 et 191, principe « territoire contre paix » et initiative de paix arabe, adoptée par l’Organisation de la coopération islamique et devenue initiative arabo-islamique. Cette conférence constitue une pression internationale sur Israël et les États-Unis. Malgré l’absence de Washington et de Tel-Aviv, la conférence est considérée comme un message de pression politique à leur égard, en particulier après la reconnaissance de l’État de Palestine par certains pays européens (comme l’Espagne, la Norvège et l’Irlande). Certains pays européens ont également envisagé d’imposer des sanctions aux colonies israéliennes si la politique d’annexion se poursuivait. Le soutien arabe et international a également été renouvelé. Les pays arabes, en particulier l’Arabie saoudite, ont souligné que la normalisation avec Israël ne constituerait pas une alternative à la solution à deux États et qu’elle ne se ferait pas sans un État palestinien indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale, une approche qui diffère de la politique israélienne actuelle. La conférence a également condamné la guerre à Gaza et appelé à un cessez-le-feu. La crise humanitaire à Gaza a été évoquée et il a été souligné que la reconstruction doit être liée à une solution politique et non à une simple trêve temporaire. Je crois que la question que beaucoup se posent est de savoir si la conférence changera la réalité sur le terrain. Je dis ici que cette conférence a remis la question palestinienne au premier plan international, notamment avec la reconnaissance croissante de l’État de Palestine. Elle pourrait ouvrir la voie à de nouvelles sanctions européennes contre Israël si ce dernier continue d’ignorer les demandes internationales. Cela accroîtra la pression et, à terme, entraînera un changement de la réalité sur le terrain. Cette conférence demeure une étape diplomatique importante pour maintenir la solution à deux États, car elle permettra d’exercer une réelle pression économique et politique sur Israël (par exemple, en gelant les accords commerciaux européens avec ce pays). Cependant, au cours de la période à venir, la véritable bataille se déroulera dans la rue et sur les scènes politiques et internationales.
Croyez-vous toujours à la création d’un État palestinien alors que nous voyons la situation actuelle (Gaza détruite et la Cisjordanie annexée) ?
La situation à Gaza et en Cisjordanie témoigne d’une politique israélienne visant à rendre impossible la création d’un État palestinien (par la poursuite de l’expansion des colonies) et à diviser les Palestiniens géographiquement et politiquement. Cependant, l’histoire montre que l’impossible peut devenir réalité sous la pression internationale (comme ce fut le cas avec l’Afrique du Sud). Un soutien international concret (comme des sanctions contre Israël) et un changement de position américaine (comme l’effondrement du lobby sioniste à Washington) pourraient rendre les choses plus possibles. La décision française, par exemple, est une avancée positive, et l’adhésion d’autres pays comme la Grande-Bretagne et le Canada conduira certainement à la reconnaissance d’autres pays, et ensuite à la naissance d’un État palestinien. Cependant, cela nécessite une bataille politique et internationale plus large, et peut-être des changements géopolitiques majeurs, notamment dans la position américaine. La réalité actuelle est sombre, mais les droits des peuples sont imprescriptibles. Les Palestiniens sont pleins d’espoir et confiants dans la réalisation de leur objectif, et la diplomatie palestinienne travaille sans relâche avec ses frères et amis pour faire d’un État palestinien une réalité, et je n’en doute pas.
Nomel Essis