Pédiatre de formation, Professeur Fassinou Crespin se positionne comme un des meneurs de la lutte contre la Françafrique. Dans cette interview, cet ivoirien d’origine béninoise partage sa vision et ses ambitions politiques pour son Bénin natal.
Lors des précédentes élections présidentielles, vous avez désisté pour le candidat Patrice Talon, actuel président du Benin. Quels sont vos rapports à ce jour ?
A la première mandature, le président Patrice Talon avait dit qu’il n’allait pas être candidat pour un second mandat. Quand j’ai su qu’il se présentait pour un second mandat en 2021, bien qu’étant candidat à cette élection, j’ai désisté parce que je ne pouvais être candidat contre Talon.
Quelle lecture faites-vous de sa gestion ?
La politique béninoise est très bien conduite avec Patrice Talon à la tête. Il a fait ce qu’aucun président béninois, depuis l’indépendance, ne l’a fait. Il a fini ses deux mandats, il s’en va. Cela doit se faire dans la continuité et dans le changement avec l’implication des jeunes.
Vous parlez de continuité dans le changement, avec l’implication de la jeunesse. Seriez-vous en train de préparer les béninois à votre candidature aux élections présidentielles de 2026 ?
Je suis intéressé à la présidentielle béninoise en 2026. Cette fois-ci, j’irai jusqu’au bout. Je suis prêt déjà à m’en aller, à m’aventurer.
Avez-vous les moyens et les hommes qu’il faut pour ce challenge, étant de la diaspora ?
Bien sûre ! J’ai les moyens et les hommes qu’il faut.
Quels sont vos rapports avec les populations béninoises, en termes de popularité ?
Il n’y a pas de problème à ce niveau. Le Bénin peut compter sur moi. Le Benin a déjà compté sur moi dans les années 1989 où j’avais appelé à la grève générale qui a renversé le pouvoir révolutionnaire du général Mathieu Kérékou dans les années 90, ayant amené à la Conférence nationale des forces vives de la Nation, qui a donné naissance à la primature de Nicéphore Dieudonné Soglo. Ce processus démocratique lancé, est en marche à ce jour.
Beaucoup a été fait mais beaucoup reste à faire selon l’actualité béninoise et des aspirations des populations qui nous reviennent. Quels changements positifs envisagez-vous apporter à cet effet, dans ce contexte panafricaniste?
Le changement positif que nous voulons apporter, c’est mettre fin à la Françafrique. Nous ne pouvons plus reculer. Nous avons décidé. Nous marcherons. Nous lutterons, oui, pour nous libérer des dominations étrangères parce que, nous ne sommes pas indépendants. Il y a une nouvelle forme de colonisation qui est là, et qui a toujours été là. Il faut que cela prenne fin.
Seriez-vous en train de remettre en cause la souveraineté des Etats africains notamment le Benin ?
Nous n’avons pas d’indépendance économique. Je vous donne un petit exemple, celui de notre monnaie d’ailleurs que nous utilisons. Je veux parler du Franc Cfa. Il est fabriqué en France, alors que nous avons la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), un établissement public international regroupant huit pays de l’Afrique de l’ouest membre de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Pis, le nom CFA qui signifie Colonie française d’Afrique, une telle dénomination pour notre propre monnaie est inacceptable. Ça ne peut plus marcher ! Que cela s’arrête ! Cette histoire de Françafrique, c’est fini ! Il faut qu’on en sorte pour de bon.
Qu’est-ce qui révolte tant la diaspora africaine ?
La diaspora, j’y fais partie. On est dehors. On a étudié. On sait ce qu’est la Françafrique. Ceux qui sont dans le pays, on leur vend du n’importe quoi. Aujourd’hui nous on a compris que cette histoire de Francafrique est fini. Il faut qu’on en sorte une fois pour de bon. Pour revenir à l’histoire de notre monnaie : le Franc Cfa, au niveau de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) les Etats africains membres peuvent s’entendre pour créer une monnaie à eux : l’Eco annoncé dans le temps. L’Eco est le nom d’un projet de monnaie unique des quinze pays de la CEDEAO, datant des années 1960. La création de cette monnaie serait une force pour nos Etats. Dans le cas contraire, le Benin va créer sa propre monnaie comme la Sierra Leone, entre autres. Il faut que nous consommons africain. Il faut que l’Afrique produise et d’autonourrisse… Nous y arriverons.
Pour bâtir une Nation forte, il faut des jeunes, une économie solide, et des infrastructures performants. Qu’en est-il pour le Benin ?
Le Benin a d’énormes potentialités. Certes, il a une jeunesse très bien éduquée et très bien élevée. On nous a élevé dans la discipline et la rigueur.
Qu’avez-vous d’autres en dehors de ces valeurs ?
Nous avons le coton. Nous sommes premier producteur mondial. On peut utiliser nos propres déchets pour produire de l’engrais pour la rentabilité agricole, et réduire les importations des engrais et les dépenses de l’Etat. Nous avons le barrage hydroélectrique Nangbéto. Dans son fonctionnement, le barrage de Nangbéto stocke l’eau du fleuve Mono, aux fins de la production de l’énergie électrique au profit du Bénin et du Togo. La quantité d’eau stockée est répartie sur toute l’année à travers les déversoirs de l’installation, aidant par ailleurs les populations riveraines à traverser la période de sècheresse. Il y a le soleil pour produire l’énergie solaire. Le Sénégal nous l’a prouvé en produisant l’énergie solaire.
Un Etat peut-il vivre en autarcie dans ce système de mondialisation ?
Vous savez, il y a fort longtemps qu’un de mes admirateurs politiques, feu Thomas Sankara, ex président de la République du Burkina Faso obligeait sa population à produire le coton et porter des habits faits chez eux. La cravate, n’est pas de chez nous. Le blanc vient acheter le coton et impose son prix. Allez-y dans un super marché, le coton tige produit fini est vendent chers les produits finis. Rien qu’à voir le prix du coton tige, vous êtres scandalisez. Pour la transformation, le président talon a établir des industries de transformation du coton au Benin.
Vous sembler très motivez pour le changement. Alors des Etats Africains sont encore réticents
Nous y arrivons. Cela va arriver un jour. Que chaque pays décide. Cette révolution va se faire par vague. Regardez ce qui se passe au Burkina Faso, Mali et au Burkina. Le Sénégal est en chemin. Quand l’Afrique de l’ouest va commencer les autres vont suivre.
Comment appréciation faites-vous de la libre circulation des personnes et des biens dans nos Etats ?
Le Benin fait partie des rares Etats où un africain n’a pas besoin de visa pour y aller. Ça commence déjà bien. Il faut qu’on interdise le visa entre nous, Etats africains. C’est le début de la révolution. Rejoignez la révolution !
La guerre des intérêts et des profits ne constitueraient-il pas une entrave à ce combat ?
Les années 60 c’est plus 2024. Nous avons grandi. Nous sommes arrivez à la maturité. Nous ne sommes plus et serons plus esclaves de personne et d’une quelconque puissance. Les temps sont révolus ! Laissez la jeunesse allez à la révolution. Le temps est venu pour que l’Afrique change, le meilleur est à venir : ‘’ The time as come for Africa to change and the best it’s yet to come’’.
Fulbert Yao