Vendredi dernier à la tribune Chatham House de Londres, le député de Ferkéssédougou, Guillaume Soro, a demandé à ses interlocuteurs d’intervenir ou d’agir pour «sauver la Côte d’Ivoire» qui va immanquablement brûler lors de la prochaine présidentielle d’octobre 2020. Son remède ou sa potion magique pour sauver son pays est que la Commission électorale indépendante (CEI) et le Conseil constitutionnel échappent totalement au contrôle de ceux qui dirigent le pays, en l’occurrence Alassane Ouattara et son gouvernement. Incroyable, mais vrai.
Face à son auditoire, certainement médusé, il a lâché : « Il faut de toute urgence retirer le contrôle absolu du processus électoral des mains du président Ouattara et de l’actuelle Commission électorale soumise à ses partisans». Les Anglais se posaient certainement la question de savoir quel était le régime politique de la Côte d’Ivoire pour qu’un individu, fût-il député, puisse demander la mise sous tutelle de certaines institutions de la République. Est-il besoin de rappeler à Soro que le pays d’où il s’exprimait n’avait pas de Commission électorale indépendante mais un ministère de l’Intérieur pour organiser les élections ? Est-il besoin de lui rappeler qu’au pays de la Reine d’Angleterre, c’est un crime de douter de la bonne moralité des juges et jeter l’opprobre sur leur institution ?
Assurément, dans sa quête effrénée pour le pouvoir, rien que le pouvoir, Guillaume Soro commet trop d’erreurs qui vont le perdre. Au lieu de copier Affi Nguessan qui fait ses critiques sans brûler le fétiche (Gbagbo) Soro, lui, a choisi la politique de la terre brûlée qui consiste à tout balayer sur son chemin, à détruire l’image d’Alassane Ouattara, à nier tout le travail qui a été abattu en neuf ans et dont lui-même est comptable. La logique de Soro ne souffre d’aucune ambiguïté. Si lui, il ne devient pas président, aucun candidat issu de sa famille politique – la seule dans laquelle il peut encore recruter des partisans – ne doit gagner en 2020. C’est facile de comprendre que Soro se bat pour faire échouer le Rhdp et dérouler le tapis rouge à Bédié ou Gbagbo qui l’attendent patiemment au carrefour comme on le dit à Abidjan.
Ce n’est un secret pour personne. Pour le coup d’Etat de 99 qui a été l’œuvre de ses anciens compagnons, le président du Pdci l’attend tranquillement avec le couteau dans le dos. Pour le coup d’Etat de 2002 qui a ôté la vie à Boga Doudou, Dali Oblé et Dagrou Loula et pour la « grande trahison des élections de 2010 », les GOR ruminent une vengeance qui serait imparable pour Soro.
Cette semaine lors d’une émission-débat sur la chaine camerounaise Afrique Media, Le conseiller de Soro, le professeur Nyamsi, a compris que même si Soro se couchait comme un tapis sous les pieds de Gbagbo, jamais, il n’aurait le pardon des «Gbagbo ou Rien ». Au cours de cette émission, Boga Sako et tous les intervenants ont remis sur la table l’affaire des gendarmes égorgés à Bouaké et tous les crimes de la rébellion.
Au cas où Soro et sa cour l’auraient oublié, ils peuvent relire ces propos récemment tenus par Koné Katinan, porte-parole de Gbagbo, qui annonce ce qui les attend : « Quand le pardon n’est pas sincère, quand il est dirigé par une recherche d’intérêt personnel, il devient offensant pour celui à qui il s’adresse. Pourquoi demander pardon quand l’on a raison. Ils ont pris les armes pour, disent-ils, corriger une injustice dont ils étaient victimes, ils ont réussi leur entreprise et ils se partagent les dividendes entre eux, mais pourquoi veulent-ils demander pardon à celui qu’ils continuent de présenter comme le responsable de toute leur misère antérieure au point de lui infliger, à son tour, la pire forme d’humiliation». Allons Soroment ! Mais, on sera se voir.