Le président ivoirien Alassane Ouattara a reçu ce mardi 7 mai 2024, en audience son homologue sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, présent en Côte d’Ivoire, pour une visite officielle, le quatrième pays visité depuis son élection le 24 mars dernier.
Ci dessous les propos des deux chefs d’Etat
Les propos du président Alassane Ouattara
Monsieur le Président de la République du Sénégal, nouvellement élu. Monsieur le Président, je suis heureux de vous accueillir, de vous recevoir et de vous voir.
Je dois vous dire que cette visite d’amitié était attendue. Merci de nous avoir choisis pour ce contact fraternel. Après avoir visité les pays voisins du Sénégal, je peux vous dire que même si nous ne sommes pas voisins géographiquement du Sénégal, nous sommes vraiment de tout cœur avec le Sénégal et les Sénégalais. Comme vous le savez, j’ai dit moi-même que je suis sénégalais, car j’ai vécu longtemps dans votre pays. J’y ai reçu une hospitalité vraiment particulière. Nous avons de nombreux hauts cadres ivoiriens qui ont fait leurs études au Sénégal, mais aussi de nombreux fonctionnaires sénégalais qui ont travaillé en Côte d’Ivoire. Les peuples ont vécu ensemble, que ce soit au Sénégal, en Côte d’Ivoire ou ailleurs. Vous êtes donc chez vous ici. Merci d’être là. Je voudrais aussi saluer votre forte délégation qui vous accompagne et vous dire que vous êtes les bienvenus. Nous disons Akwaba, bienvenue!
Monsieur le Président, je tiens à vous adresser mes chaleureuses félicitations pour votre brillante élection. Nous sommes très heureux. C’était le 24 mars, et je vous adresse mes vœux de plein succès dans l’exercice de cette haute fonction. Je voudrais ajouter que je salue également le bon déroulement du scrutin, ce qui démontre une fois de plus le sens démocratique reconnu du peuple sénégalais. Il faut dire à quel point nous sommes fiers de nos frères sénégalais d’avoir contribué à faire aboutir ce processus et de démontrer à nouveau leur attachement à la démocratie.
La Côte d’Ivoire et le Sénégal entretiennent d’excellentes relations depuis bien avant l’indépendance. J’ai mentionné que le Président Houphouët-Boigny a vécu au Sénégal, et moi-même également. Nous avons établi des relations de coopération, d’amitié, de vraies relations fraternelles, mais également des relations diplomatiques. Ces relations nous ont permis d’accueillir une forte communauté sénégalaise en Côte d’Ivoire, comme des Ivoiriens au Sénégal, notamment avec la présence du siège de la BCEAO à Dakar. Je ne voudrais pas faire de jaloux, je ne suis pas le seul « Sénégalais » ici. Nous avons l’ancien gouverneur et vice-président de la République, qui est autant sénégalais que moi. Il a fait 12 ans au Sénégal, un peu plus que moi. Nous avons apprécié l’hospitalité du peuple sénégalais, et je voudrais vous réitérer toute notre gratitude.
Au cours de nos entretiens, nous avons passé en revue la situation dans chacun de nos pays, les efforts que nous faisons, et nous nous sommes félicités du dynamisme de notre coopération et du renforcement des relations qui ont toujours marqué l’évolution de nos deux pays. Nous sommes parvenus à une convergence totale de nos points de vue, ce dont je me félicite. Que ce soit sur les questions de démocratie, de coopération régionale ou de situation internationale, nous sommes totalement en phase. Nous avons également souhaité que nos ministres fassent plus d’efforts pour essayer de développer davantage le commerce entre nos deux pays. Bien que le commerce ait légèrement augmenté, je crois qu’il n’est pas encore à la hauteur des attentes du secteur privé, mais je sais que nous pouvons faire plus. Nous avons beaucoup de choses à échanger et nous sommes optimistes. Avec les découvertes récentes faites au Sénégal dans le domaine du gaz et en Côte d’Ivoire dans le domaine du gaz, du pétrole et de l’or, nos économies auront probablement des taux de croissance à deux chiffres dans deux ou trois ans, ce qui permettra d’améliorer le quotidien de nos concitoyens dans les deux pays. Nous avons considéré qu’en matière économique, il était important de mettre l’accent sur le social et sur la jeunesse. C’est ce que nous faisons en Côte d’Ivoire, ce qui a permis de réduire de manière importante le taux de pauvreté au cours des 10 dernières années.
Monsieur le Président, je ne voudrais pas être trop long. Je voudrais vous dire toute notre fierté de voir le Sénégal surmonter ce qui semblait être une épreuve dans des conditions remarquables et vous avoir à la tête de ce grand pays. Vous avez tout notre soutien. Nous veillerons à ce que les excellentes relations entre le Sénégal et la Côte d’Ivoire continuent de se renforcer, et nous pourrons continuer de nous concerter comme cela se faisait auparavant. Bonne arrivée et plein succès. Félicitations!
Les propos du Président Sénégalais
Bonjour, Monsieur le Président. Je tiens, à mon tour, à vous renouveler mes remerciements pour l’accueil fraternel et l’hospitalité généreuse qui ont été réservés à moi et à ma délégation.
Sachez, Monsieur le Président, que je suis venu d’abord rendre visite à un aîné, le Président Ouattara, et ensuite pour renouveler nos relations d’amitié fraternelle et de coopération conviviale que nos deux pays ont toujours entretenues. Ces relations ont été fondées par les pères fondateurs des deux républiques sœurs, Léopold Sédar Senghor et feu Félix Houphouët-Boigny. D’ailleurs, je saisis cette occasion pour saluer votre leadership et les efforts considérables que vous déployez dans le renforcement de la stabilité, de la démocratie, ainsi que dans la promotion du développement en Côte d’Ivoire. Vous suivez les traces de ce grand homme que je viens de mentionner, le Président Félix Houphouët-Boigny.
Sur le plan bilatéral, notre coopération est excellente et fondée sur des piliers solides. Cependant, comme vous l’avez fait remarquer, elle n’est pas encore à la hauteur de l’historicité des relations entre les deux peuples et entre les présidents qui ont dirigé nos deux pays. Nous pouvons encore faire plus, notamment dans des secteurs prioritaires. Nous avons parlé, entre autres, du secteur de l’agriculture avec le développement des coopératives en Côte d’Ivoire, dont nous voulons largement nous inspirer, et d’autres domaines comme l’élevage, la défense, la sécurité, l’éducation et l’énergie. Vous avez mentionné les découvertes de ressources faites au Sénégal. C’est l’occasion de mutualiser les connaissances, les efforts et les stratégies pour tirer le meilleur profit de ces ressources.
Comme vous l’avez dit, cela peut conduire à une grande satisfaction sur le plan de la croissance économique. Ensemble, nous pouvons exploiter le potentiel existant dans nos deux pays et renforcer cette coopération économique et commerciale que nous avons toujours entretenue. Il faut que chaque régime qui vient, quel que soit le contexte, trouve dans l’autre pays un partenaire pour que cette relation continue de croître. Si nous mettons en synergie nos capacités, comme je le souhaite, nous pouvons également faire face à de nombreux défis, y compris ceux liés au contexte de crise économique mondiale que nous traversons actuellement.
C’est pourquoi, dans nos échanges, j’ai proposé au Président Ouattara que nous convoquions une nouvelle session de la grande commission mixte. Vous savez que depuis 2014, elle ne s’est pas réunie. Cela fait déjà 10 ans, et je crois que pour un renforcement systématique des axes de coopération, il est important que cette grande commission mixte soit de nouveau convoquée. En tout cas, je peux vous dire que de mon côté, je ferai tout pour renforcer les relations entre nos deux pays afin de mieux aborder les priorités africaines, qu’il s’agisse de la réforme de la gouvernance politique, économique, du développement durable, des changements climatiques, de la paix ou de la sécurité internationale. Vous avez mentionné que les défis au niveau sous-régional sont complexes et énormes. Nous sommes à un tournant où nous devons mesurer la gravité des menaces réelles, y compris la déliquescence des États et les risques de désintégration de notre union.
Je sais pouvoir compter sur votre sagesse pour, à vos côtés, continuer à agir, surtout en renforçant les actions préventives. Il est toujours préférable de prévenir une crise plutôt que de chercher à la résoudre. Mais lorsqu’une crise est déjà là, il faut la prendre à bras-le-corps. Qu’elles soient politiques, démocratiques ou économiques, ces crises restent des sources majeures d’instabilité et même de déstabilisation. Elles peuvent aussi favoriser l’émergence d’extrémisme, notamment l’extrémisme violent et le terrorisme, qui sapent les fondements du développement.
Monsieur le Président, ensemble, le Sénégal et la Côte d’Ivoire ont un rôle important à jouer. Comme je l’ai mentionné, dans la consolidation des acquis en matière d’intégration de notre espace, malgré les turbulences actuelles, nous avons besoin de votre leadership et de vos conseils avisés pour explorer des pistes de solutions qui permettent de renforcer l’unité dans les grands ensembles régionaux et sous-régionaux que nous partageons.
Je m’engage à œuvrer avec vous pour le renforcement de nos espaces communs, notamment au sein de l’UEMOA, de la CEDEAO et de l’Union africaine. Car c’est en renforçant ces ensembles que nos pays respectifs deviennent également plus forts. Je suis convaincu que nous devons continuer à agir dans un esprit de solidarité au sein de l’espace CEDEAO, entreprendre les réformes nécessaires et dissiper les incompréhensions qui peuvent survenir. Mais je pense que les ressources et la volonté politique sont là, ce qui contribuera au renforcement de l’unité, de la cohésion et de la souveraineté de la CEDEAO, qui a toujours été un exemple d’intégration à préserver.
Je sais votre engagement pour avancer dans cette direction. Après tout, nous avons l’obligation de préserver l’héritage de nos pères fondateurs, comme vous l’avez souligné. Monsieur le Président, je voudrais pour terminer vous remercier à nouveau pour l’accueil et l’hospitalité et vous réitérer mon invitation à effectuer une visite officielle au Sénégal, au cours de laquelle nous pourrons approfondir davantage les sujets de coopération et d’intégration africaine, ainsi que d’autres questions qui intéressent le monde, dont nous avons discuté plus tôt.
Je vous remercie. Merci.
Fulbert Yao depuis le Palais de la présidence