Elle tue à bas bruit. Et pourtant l’hépatite virale, dans ses symptômes, s’apparente au paludisme. Comment reconnaître cette maladie ? Comment se contracte-t-elle et surtout comment l’éviter ? Dossier.
Fièvre, anorexie, vertige, …Ce sont entre autres les premiers signes que Y. Yamissa avait remarqués. Et au lieu de se rendre dans un hôpital pour une consultation, elle avait choisi de s’orienter vers une pharmacie, il y a deux ans. Pour cette jeune dame, elle souffrait du paludisme. Après quelques semaines de répit, la maladie ressurgissait. « J’étais quasiment à mon troisième traitement de paludisme quand le médecin, a souhaité que je fasse des examens complémentaires. Au départ, j’étais sceptique, vu que mon mari avait opté pour la médecine traditionnelle. Mais sur insistance du médecin, il m’a donné de l’argent pour que je fasse ces examens qui se sont avérés positifs. Et c’est à ce moment que nous avons su qu’il ne s’agissait pas d’un paludisme, mais plutôt d’une hépatite virale», raconte Mme Yéo qui a dû être internée pendant deux semaines au 11e étage du Chu de Cocody. Combien sont-elles ces personnes qui ont trépassé ou frôlé la mort par simple ignorance, pensant qu’elles souffraient de paludisme ? Quelle est cette pathologie qui a de nombreux points de similitude avec le paludisme ? Selon les spécialistes de la santé, l’hépatite virale ou les hépatites virales (si l’on se réfère aux virus) se définissent comme une atteinte inflammatoire ou aiguë du foie, due au virus de l’hépatite.
Les cadres supérieurs de la santé précisent que ‘’tite’’ en médecine, signifie inflammation et ‘’hépatos’’ en grec signifie foie. Mais l’on doit savoir qu’il existe 5 types de virus : celui de l’hépatite A (VHA), de l’hépatite B (VHB), de l’hépatite C (VHC), de l’hépatite D (VHD), et de l’hépatite E (VHE). Et ce sont tous ces virus qui définissent les hépatites virales. Au dire d’un gastro-entérologue du Chu de Yopougon qui a requis l’anonymat, les virus, une fois inoculés à l’organisme, infectent les cellules du foie. «Dès que les virus atteignent le foie, ils pénètrent dans ses cellules, les hépatocytes, et s’y multiplient. Le système immunitaire qui assure les défenses de l’organisme détruit alors les cellules infectées, ce qui provoque l’inflammation du foie», explique le spécialiste. Si les données au niveau des Hépatites A et E, sont rares, certaines statistiques permettent de jauger l’ampleur de cette pathologie. Selon l’Organisation mondiale de la santé (Oms), 2 milliards de personnes sont infectées par le virus de l’hépatite B. 350 millions de personnes sont atteintes d’une hépatite chronique B. Un million et demi de personnes meurent chaque année d’hépatite dans le monde et 170 millions de personnes sont porteuses du virus de l’hépatite C.
La Côte d’Ivoire, selon les hépato gastro-entérologues (spécialistes de l’hépatite), est un pays à forte endémicité. Le taux de prévalence des hépatites est de 13% pour les hépatites B et 1 à 3% pour les hépatites C. Pour les hépatites A et E (dont la transmission se fait par voie oro-fécale), il n’y a pas de chiffres. Mais les experts notent que les hépatites B, C et D sont celles qui causent beaucoup plus de soucis à la population ivoirienne. Et les modes de transmission les plus fréquents sont la transmission verticale, c’est-à-dire d’une mère infectée à son enfant à l’accouchement. Ce type de transmission est de 33 %, soit une femme sur 3 infectée, transmet le virus à son enfant à la naissance.
Spécificité des hépatites et mode de transmission
Les hépatites A et E
Les virus des hépatites A et E se transmettent surtout par voie orale et/ou fécale (Si par exemple on ne se lave pas les mains après les selles alors qu’on est infecté), par contact humain, par des aliments crus ou insuffisamment cuits (crustacés, fruits et légumes), et par de l’eau contaminée. «C’est pour cette raison que le risque de contracter les hépatites A et E est plus grand dans les pays sous-développés, où l’eau est contaminée par des matières fécales et les égouts, contaminant ainsi tout ce avec quoi elle entre en contact», disent en substance les spécialistes.
Les hépatites B, C et D
Les virus des hépatites B et D se transmettent principalement par le sang, le partage de seringues souillées, les relations sexuelles non protégées (vaginale ou anale), et par le biais de certains liquides biologiques. Sans omettre la transmission verticale qui est la transmission de la mère à l’enfant au moment de l’accouchement.
Symptômes
La plupart des personnes qui sont infectées par le virus des hépatites A et E ont des symptômes de la grippe (fatigue, fièvre et maux de tête) alors que d’autres ont des maux de ventre, de la diarrhée et une jaunisse (la peau ou les yeux jaunes) environ un mois après que le virus a pénétré l’organisme. L’infection suit son cours. En plus de la jaunisse (aussi appelée « ictère »), l’urine peut devenir très foncée et les selles très pâles (comme de l’argile). Habituellement, l’hépatite A se résorbe complètement en 2 mois. Alors que les résultats sont généralement favorables, parfois un patient peut mourir durant la phase aiguë de l’infection. Les personnes sont considérées contagieuses jusqu’à une semaine après qu’on a observé la jaunisse. Quant aux virus des hépatites B, C et D, ils se transmettent exactement comme ceux du Vih/Sida. C’est-à-dire, par le sang, la salive, certains liquides biologiques de l’organisme, le sperme, les secrétions vaginales donc par les rapports sexuels non protégés ; et la transmission verticale, qui est celle d’une mère infectée à son enfant à la naissance. Ces hépatites B, C et D peuvent évoluer au-delà de 6 mois. Il y a des cas où l’organisme ne parvient pas à se débarrasser du virus au-delà de 6 mois, et ce virus va persister dans le foie et dans le sang. On parle alors d’hépatite chronique.
Manifestations de l’hépatite et complications
L’hépatite étant une infection du foie, il y a la phase aiguë et la phase chronique. Lorsque le virus entre en contact avec l’organisme, après une période d’incubation, les signes vont apparaître. C’est la phase aiguë. Cette phase est parlante. Le malade va manifester des symptômes qui ressemblent étrangement à ceux du paludisme et de la grippe. C’est pourquoi à la phase aiguë, on parle de syndrome pseudo-grippal ou pseudo-palustre. Le malade se plaindra de maux de tête qu’on appelle céphalée, il fera de la fièvre, sera toujours fatigué, aura des douleurs dans les muscles, parfois les yeux seront jaune. Les urines pourront également changer de couleur et le malade peut se gratter parfois. Selon Dr Assi Constant, hépato gastro-entérologue anciennement au Chu de Cocody, la plupart des patients à ce stade ne pensent pas à l’hépatite virale, mais se disent qu’ils ont le palu. «Ils iront soit faire de l’automédication, soit quand ils iront en consultation, vu que nous sommes en zone endémique par rapport au paludisme, le premier réflexe des médecins sera de traiter un palu. Ils ne chercheront pas à faire les tests qui mettent en évidence l’hépatite.
Et au bout de quelques semaines, les signes vont disparaître. Le malade se sentira mieux, il pensera qu’il est guéri de son paludisme, alors qu’il est infecté par le virus de l’hépatite», soutient le médecin. Selon le médecin, l’évolution va se faire différemment, d’autres vont en guérir sans problème au bout de 6 mois. Et malheureusement, certains ne vont pas en guérir, et feront ce que l’on appelle l’hépatite chronique. Cette dernière est silencieuse, elle ne s’exprime quasiment pas. De temps en temps, le malade peut se sentir fatigué. C’est une phase asymptomatique, et à ce stade, on parle de tueur silencieux. Parce qu’au dire des médecins, le virus, est dans le foie du malade, dans son sang, mais ne s’exprime pas, alors qu’il est en train de créer des lésions qui peuvent être graves par la suite. Le malade peut faire une atteinte massive, le foie va être considérablement détruit, et cela va le plonger dans le coma, et il pourra en mourir. «C’est ce qu’on appelle les formes aigües graves, ou hépatites fulminantes », précise Dr Assi. Quant aux formes chroniques provoquées par les hépatites B, C et D, elles peuvent évoluer vers des complications graves appelées cirrhose du foie et Cancer du foie. Mais avant que le malade n’atteigne ces formes graves, il faut penser aux traitements.
Traitements
La guérison d’une hépatite virale est une réalité actuellement. Avec les traitements actuels de l’hépatite virale B on peut faire disparaître le virus du sang du malade comme pour le vih, mais le traitement doit être poursuivi. Et cela va se faire par le biais des médecins spécialistes appelés hépato-gastroentérologue. Au vu des résultats, lorsque le diagnostic est confirmé, le médecin va demander d’autres examens qui permettront de dire à quel stade d’évolution se trouve la maladie, et quelle est la forme. Et l’un de ces examens est le dosage des transaminases. C’est en fonction des résultats que le traitement sera administré. Ce traitement va des prescriptions médicamenteuses à la greffe de foie. «Mais on n’a pas besoin de traiter l’hépatite A, elle guérit toute seule en moins de six mois. Mieux vaut le prévenir dès l’enfance par la vaccination», poursuit Dr Assi.
Comment se prémunir contre les hépatites
Il faut se faire dépister contre l’hépatite virale B : tout individu en zone d’endémie virale B doit connaître son statut vis-à-vis de l’hépatite virale B particulièrement les femmes enceintes, le personnel de santé. Et lorsque l’on se rend compte qu’il n’est pas contaminé, alors faire le vaccin contre l’hépatite B qui existe et qui protège à la fois contre l’hépatite D. Il faut aussi se protéger avec le préservatif lors de tout rapport sexuel. L’on doit faire attention à l’utilisation de tout matériel potentiellement contaminé par du liquide biologique uniquement à usage unique ou stérile ; l’on doit veiller à avoir ses objets de toilette personnels et exclusifs, (Coupe ongle, lame, brosse à dent) ; etc. C’est dire qu’il faut faire attention aux aiguilles de coiffure, matériel médical (aiguille, matériel de chirurgie, …), piercing, tatouage, circoncision, scarification.
Touré Yelly
Encadré : La politique de lutte mise en place
Au dire du Pr Allah Kouadio Emile, Directeur coordonnateur du Programme national de lutte contre les hépatites virales (PNLHV), face à la menace que constitue ce fléau, aggravée par la paupérisation avancée de la population, une politique nationale de lutte a été mise en place. Elle s’est traduite par la création du Programme national de lutte contre les hépatites virales (Pnlhv) en décembre 2008.Ce programme a pour première mission la prévention primaire, qui passe par l’éducation, la sensibilisation des populations sur le mode de transmission de la maladie, pour susciter le changement de comportement. Ensuite, il y a la surveillance, le dépistage et la prise en charge des patients porteurs d’hépatites virales. Nous faisons la promotion de la vaccination. En Côte d’Ivoire, il existe 3 vaccins sur 5. Nous avons les vaccins contre les hépatites A, B, et E. Il ne reste que le C et le D. Et nous répétons que le vaccin qui combat le B combat également le D. Et le vaccin de l’hépatite B a été introduit dans le programme élargi de vaccination. C’est dire que depuis 2012, tous les enfants qui naissent en Côte d’Ivoire sont systématiquement vaccinés contre l’hépatite B. Pour les adolescents et les adultes, il y a des calendriers de rattrapage. Et cette vaccination est soumise à un dépistage. Et aujourd’hui nous voulons susciter un certain reflexe chez nos collègues médecins, afin qu’ils comprennent que le paludisme ne peut pas tout justifier. Lorsque le diagnostic du paludisme est négatif chez un malade présentant la fièvre, la fatigue, l’anorexie, …il faut penser aux hépatites virales.
T.Y
Encadré 2 : La journée mondiale contre les hépatites virales
La journée mondiale contre l’hépatite virale sera célébrée le 4 août prochain dans la ville de Bingerville. Au cours de cette journée, il y aura une conférence sur les hépatites, une campagne de sensibilisation et une séance de dépistage gratuite.
T.Y