En marge de la cérémonie de présentation et de dédicace de l’œuvre «Le poids de la faute» de Charles Nokan, parue chez L’Encre Bleue, hier à l’Académie des sciences, des arts, des cultures d’Afrique et des diasporas africaines (Ascad), nous avons échangé avec le célèbre auteur de «Violent était le vent». L’occasion de revenir sur sa riche carrière d’écrivain, ses relations avec Félix Houphouët Boigny et son regard sur la nouvelle génération d’auteur…
«Je continuerai d’écrire tant que je vivrai». Charles Nokan prévient ses lecteurs. Malgré le poids de l’âge, 82 ans bientôt, il ne compte pas ranger la plume et prendre une retraite bien méritée. D’ailleurs, l’auteur sera dans quelques jours à l’honneur à la faveur de la tenue de l’édition 2018 du Salon international du livre d’Abidjan (Sila). Charles Zégoua Gbessi Nokan ou Charles Nokan est avec Bernard Dadié l’un des pionniers de la littérature ivoirienne. Auteur prolixe, il a touché à toutes les formes de littératures. Et lorsque vous lui demandez laquelle de ses œuvres a le plus marqué sa carrière, il n’hésite pas à citer tout de suite ses premières œuvres poétiques publiées en France. Ensuite, l’ouvrage qui retrace sa vie, son autobiographie, intitulé «Tel que je suis».
«Maintenant, l’ouvrage que je suis en train de boucler avec la maison d’édition Nei-Ceda me semble également un ouvrage de bonne allure», a-t-il précisé. Et lorsqu’on lui rappelle que ses fans et de nombreux amoureux du livre n’ont d’yeux que pour son roman «Violent était le vent», Charles Nokan laisse échapper un petit sourire. «Cette œuvre me plaît aussi. Cela, parce que c’est un ouvrage de combat». Les combats, Charles Nokan en a menés de toutes sortes durant sa riche carrière. L’auteur s’est posé dès ses premières œuvres en défenseur des opprimés. «Le soleil noir point, Récit, Paris 1977», «Les malheurs de Tchako, Théâtre», «Ablaha Pokou, Théâtre», «Johoré, précédé de Njolé, Allangba et Ngo, N’Guessan Lou Siani, Le père, La révolution, c’est l’affaire des masses populaires, Théâtre, Paris, Nubia 1982», «Le matin sera rouge, Roman, 1985», «Les affres de l’existence. 2000»… des œuvres de combat. Les dernières œuvres de l’écrivain, notamment «Le poids de la faute», premier recueil de Nouvelles de Nokan, se démarque pourtant de cette ligne. «Mais, je dis toujours que tant qu’on n’a pas la victoire, on doit continuer la lutte. Les amis que j’ai connus. Qui ont fait la prison comme moi, certains ont tendu la main à ceux qu’ils critiquaient avant.
Certains même sont carrément avec eux maintenant. Cependant, moi je me veux constant. Je n’ai pas voulu changer. C’est cela la différence entre ceux qui avaient dit, pendant que nous étions étudiants, on va lutter. Ils ont tous changé. Ils sont devenus pires que ceux qui gouvernaient avant. Nous nous efforçons de ne même pas leur tendre la main et de jouer à ce jeu. Il y a un certain plaisir de demeurer tel qu’on est. Je suis Tel que je suis», assure-t-il. Charles Nokan est-il donc résigné devant une telle situation, au point de s’éloigner de sa ligne d’auteur engagé ? Non. Ce n’est pas, s’est-il défendu, une forme de résignation. «Cela dans la mesure où je continue d’écrire. Je continue de montrer le chemin à suivre aux autres». Nokan est très heureux d’avoir été choisi pour être l’auteur à l’honneur lors de la prochaine édition du Salon international du livre d’Abidjan, prévue du 16 au 20 mai. Cela, a-t-il justifié, parce que le Sila est une œuvre ivoirienne. L’auteur de «Yassoi refusa l’orange mûre de Nianga» assure avoir eu plusieurs propositions pour des participations à des prix littéraires et des colloques sur la littérature, notamment de la France. J’ai, a-t-il révélé, décliné toutes ces offres. «(…) Je n’ai pas écrit mes œuvres pour les Français. J’ai écrit en français, hélas ! Mais pour les Africains. Je dis hélas, parce que c’est en français».
Mes conseils aux jeunes écrivains…
Et lorsque vous prononcez le nom du premier président de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouët Boigny, Charles Nokan s’enflamme tout de suite. «Lorsque j’écris quelque chose et que je parle d’Houphouët Boigny, je suis obligé de parler de nos relations. Houphouët est plus ou moins un parent à moi. Quand, je parle de lui, je dis ce qui a été vrai quant à nos relations. Je continue d’avoir ma position sur Félix Houphouët Boigny», a-t-il tranché. Que pense Charles Nokan de l’engagement exprimé par les jeunes auteurs ? la relève est-elle assurée ? «Très peu de jeunes écrivains sont véritablement engagés. Il y a quelques jeunes. Mais, ils sont rarissimes.
Ils sont dans une société. Et Evidement, ils portent la couleur de cette société. (…) Si j’ai un conseil pour les jeunes écrivains, c’est qu’ils soient eux-mêmes. Et de ne pas suivre quelqu’un qui aurait ouvert un chemin qui leur permet de s’enrichir», a-t-il conseillé. Avant l’ouverture du Sila 2018, Charles Nokan promet de présenter son nouveau roman intitulé «La fin de l’être humain». Une œuvre pour rappeler les grandes valeurs de l’humanité. L’auteur dit vouloir rappeler la vie, mais aussi la mort de l’homme. «C’est un ouvrage qui pense à l’existence et à l’inexistence avant d’être. Et l’inexistence après l’avoir été», a-t-il terminé.
Fofana Ali