Précisions apportées à la publication du Garde des Sceaux,
le 24 décembre 2024, relative à l’article 48 du code de
la nationalité.
Dans le cadre de la rubrique « Les jeudis du Garde des Sceaux », publiée le 24 décembre 2024, le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Monsieur Jean Sansan Kambilé, a apporté une réponse aux préoccupations d’internautes qui l’avaient saisi au sujet de la contestation de leur nationalité par certaines administrations. Cette réponse, destinée à éclairer les administrations concernées, est malheureusement aujourd’hui utilisée de manière abusive, dans une tentative de la mettre en contradiction avec une décision de justice rendue dans le cadre du contentieux électoral.
Dans sa déclaration, le Garde des Sceaux rappelait les dispositions du Code de la nationalité relatives à la contestation de la nationalité ivoirienne. Il précisait que la preuve contraire à un certificat de nationalité délivré par un juge ne peut être apportée que par la voie d’une procédure spécifique, régie par l’article 77 nouveau du Code de la nationalité, lequel stipule que seule la juridiction civile de droit commun est compétente pour connaître des contestations sur la nationalité. En ce sens, l’article 83 du même code dispose que seul le procureur de la République peut engager une action visant à établir si une personne possède ou non la nationalité ivoirienne.
Ainsi, lorsqu’une administration publique ou privée estime qu’un certificat de nationalité a été délivré à tort, elle ne peut se substituer à l’autorité judiciaire. Elle est tenue de saisir le procureur de la République du lieu de naissance de l’intéressé, ou, si celui-ci n’est pas né en Côte d’Ivoire, le procureur près le Tribunal de première instance d’Abidjan. C’est à ce dernier qu’il revient d’engager l’action en contestation de nationalité devant la juridiction civile compétente, sur la base des preuves fournies par l’administration requérante. Le Ministre avait, à ce titre, invité les administrations à suivre cette voie légale afin d’éviter toute décision qui pourrait être perçue comme arbitraire.
Malgré cette clarification, une confusion persiste dans l’opinion publique, entre la procédure de contestation de nationalité et celle du contentieux électoral. Il est donc nécessaire de bien distinguer les objets respectifs de ces deux mécanismes juridiques. L’action en contestation de la nationalité, intentée par le procureur de la République, a pour but exclusif d’établir si un individu a ou non la nationalité ivoirienne, conformément aux règles du Code de la nationalité. En revanche, le contentieux électoral, tel que défini à l’article 12 du Code électoral, a un objet tout autre. Il permet, dans un cadre spécifique et selon une procédure brève et définitive, de réclamer l’inscription d’une personne omise, ou la radiation d’une personne décédée, d’un individu ayant perdu sa qualité d’électeur, ou encore de toute personne indûment inscrite sur la liste électorale.
Ces deux types de contentieux répondent donc à des logiques juridiques différentes. Le juge civil, saisi dans le cadre de la contestation de nationalité, statue exclusivement sur l’existence ou non de la nationalité ivoirienne d’une personne. À l’inverse, le juge électoral se prononce uniquement sur la régularité de l’inscription d’un citoyen sur la liste électorale, en fonction des conditions d’éligibilité définies par le Code électoral. Comme le rappelle d’ailleurs la décision du Conseil constitutionnel de 2011, le juge électoral ne traite pas la question de la nationalité comme une question préjudicielle ; il se limite à constater si, oui ou non, la personne concernée a perdu sa nationalité ivoirienne, notamment suite à l’acquisition d’une nationalité étrangère.
Au regard de cette distinction claire entre l’action en contestation de nationalité et le contentieux électoral, la polémique actuelle n’a pas lieu d’être. Elle repose sur une confusion juridique et une lecture erronée des textes en vigueur. Il est donc essentiel de recentrer le débat sur les fondements du droit, afin de préserver la clarté et la cohérence de l’État de droit en Côte d’Ivoire.