Les veillées de prières refusent du monde. Les centres de prières sont très prisés par des hommes et des femmes de toutes les couches sociales, désireux de trouver une porte de sortie face aux problèmes qui les accablent. Les miracles qu’ils attendent viennent-ils ? Leurs problèmes trouvent-ils des solutions ?
Reportage.
«Prends ton miracle ma sœur, mon frère. Brise les liens ancestraux, efface toutes les dettes spirituelles, lapide le malin qui cache tes grâces», lance une voix de stentor au mont Horeb à la Riviera Palmeraie, non loin de l’Eglise Notre Dame de l’Incarnation. Aussitôt, dans ce lieu bondé de monde, des cris stridents se font entendre et des jeunes filles, en transe, se roulent au sol et essaient de se griffer le visage ou s’arracher les cheveux. Celles ou ceux qui sont débout font le geste de lancer des pierres en scandant ’’je lapide’’ ou de couper des liens invisibles à l’aide de ciseaux imaginaires.
D’autres psalmodient en faisant des gestes d’autorité. Il est 19h30 un vendredi de décembre 2017 et l’ambiance est électrique. Le groupe musical pendant ce temps, entonne une chanson. La voix de stentor, le berger Mathias Marie, car c’est de lui qu’il s’agit, continue en révélant que des miracles sont en train de s’accomplir et que le ciel est ouvert déversant des torrents de grâce.
Il n’en fallait pas plus pour provoquer l’hystérie des fidèles dont certains commencent à parler en langue comme celui qui a annoncé les miracles. Pour un nouveau venu, cette scène qui s’offre au regard pourrait paraître surréaliste avec toutes ces personnes dans un état second, gesticulant, criant et courant dans tous les sens pour chercher leurs bénédictions. Et pourtant, c’est ainsi qu’il en est tous les vendredis au Mont Horeb qui, à partir de 17h30, est bondé de monde où l’on peut dénombrer des personnes de toutes les couches sociales et de diverses religions.
Quelles sont leurs motivations et pourquoi viennent-elles dans cette école de combat, le ministère du Berger Mathias Marie ? Akabla Ruth, juriste de formation et à la recherche d’emploi depuis peu, confie qu’elle fréquente ce lieu depuis 2016. Un endroit qu’elle a surnommé le ‘’cassé-cassé’’.
« Je viens ici pour casser tous les liens, quand je vois que les choses commencent à devenir bizarres et que mon horizon devient sombre. Je viens alors pour prendre autorité sur mes ennemis, sur les sorciers. J’ai découvert cet endroit par le biais d’une amie qui a été abandonnée par son mari après lui avoir donné trois enfants. Ce sont les prières de Papa Mathias Marie et sa présence ici qui lui ont permis de tenir. Son mari est revenu à de bons sentiments et elle est heureuse aujourd’hui. Je viens prendre mon miracle aussi et je sais que je l’aurai.
Je veux un mari et un emploi très bien payé. Dans ma famille, selon ce qui a été révélé, nos parents ont fait des pactes et tissé des liens, c’est pour cela qu’il est très difficile pour les filles de la famille de se marier», explique la jeune femme qui présente son amie.
Cette dernière, à la question de savoir pourquoi elle continue d’être assidue à cet endroit alors qu’elle a reçu sa ’’bénédiction’’, reste stoïque. «Je veux rester dans la présence de Dieu, le malin guette nos moindres faux pas. Les sorciers rôdent, prêts à arracher les grâces, il ne faut pas dormir spirituellement», conseille la jeune femme qui n’écoute déjà plus car c’est le moment de l’intercession et des révélations. Les cris et les grondements d’il y a un instant, ont disparu et laissé la place à un grand silence.
Le groupe musical distille un chant d’adoration. Le moment est intense, difficile de rester de marbre et neutre dans cette atmosphère. Tout le monde est plongé dans la prière lorsque le prêcheur fait des révélations.
Lieux de miracles, lieux de paix…
Ainsi, une dame dont l’utérus a été enterré par des personnes mal intentionnées dans son village enfantera bientôt. «Tu as presque 40 ans, tu as perdu tout espoir d’enfanter un jour, laisse-moi te dire que ton heure a sonné. Viens je vais prier pour toi », exhorte-t-il. Trois femmes s’approchent et se dirigent vers l’estrade mais le berger les ignore et insiste : «Cette année, tu vas connaître la joie de l’enfantement, viens ma sœur, je vais prier pour toi. N’aie pas peur, ta délivrance est arrivée».
C’est alors qu’une femme en larmes s’avance timidement vers l’estrade, le berger descend pour prier pour elle et lui faire une imposition des mains au grand dam des femmes qui l’ont précédée. Une autre révélation est faite sur une personne qui doit empocher une grosse somme d’argent sous peu. Cette fois-ci, le modérateur donne plus de détails et c’est un jeune cadre d’entreprise qui a besoin d’argent pour démarrer une affaire. Malgré ses précisions, des hommes et des femmes se précipitent sur l’estrade pour prendre leurs ‘’bénédictions’’. En dépit de l’insistance du berger, le concerné ne se montre pas.
Ces scènes courantes au Mont Horeb, étaient légion dans les centres de prières et il y a de cela des mois, à l’Eglise St Ambroise Ma Vigne à Angré. Les séances de prières débutaient alors à 17h et s’achevaient après la messe de 19h. Les témoignages et les miracles tous les dimanches soir après la bénédiction finale, étaient nombreux. Ainsi, une femme qui n’avait pas vu ses menstrues depuis quatre ans, a rendu témoignage. Après les prières intenses du Berger Achija Pacôme Marie, son mal a disparu avec à la clé une grossesse. C’est émue que cette dame, lors de son témoignage, a invité les femmes à se tourner vers le Saint-Sacrement, afin de voir leurs supplications et leurs prières prises en compte. Pour cette dernière, la foi sans les œuvres est vaine.
Un autre cas édifiant, cet enfant âgé de trois ans qui ne marche toujours pas. Juste après les prières du Berger Pacôme Marie, l’enfant dont la grand-mère n’en revient toujours pas, titube en se dirigeant vers l’estrade où l’orateur finit son prêche. A quelques mètres de lui, ses pas deviennent plus sûrs et la foule en liesse pousse des cris de joie. « Mon petit-fils n’a jamais marché. Il est toujours assis sur mes pieds quand on vient à la messe.
Tout à l’heure quand Papa Achija a commencé à parler, il a commencé à se débattre sur mes pieds, il voulait descendre. Moi-même j’étais étonnée de le voir essayer de marcher pour partir. Mon Dieu est vivant et il agit à travers Papa Achija», halète la grand-mère du petit garçon encore sous le coup de l’émotion. Le Berger exhorte les fidèles à prier et à n’avoir confiance qu’en Dieu.
Sous le coup d’une subite inspiration divine, il invite une jeune femme assise au premier rang à s’approcher. Après un instant d’hésitation, elle s’avance vers lui et l’on peut lire la peur dans son regard, mais c’est une bonne nouvelle qui lui est plutôt annoncée. L’orateur lui demande de compter jusqu’à cinq et lui dit que dans exactement cinq mois, elle sera une femme mariée. Le Berger Pâcome Achija lui dit qu’elle a connu plusieurs déceptions et qu’elle a même fait une grande dépression. « Tout cela est terminé. Le Dieu que je sers me dit de te dire qu’un homme viendra et que tout ira très vite. Il te demandera en mariage, il fera ta dot, le mariage civil et religieux. Toutes les célibataires, prenez vos bénédictions », lance-t-il d’une voix forte.
…Et pluies de choses incroyables
Aussitôt un tonnerre d’applaudissements, des hourras se font entendre et toutes les femmes célibataires de la salle lèvent les mains pour prendre le miracle. Et, le Centre d’Excellence du Berger, situé à Angré à quelques encablures de la petite Eglise Saint Ambroise Ma Vigne, ne désemplit pas. Tous les soirs, des femmes, des hommes de toutes les couches sociales prennent d’assaut ce lieu. Mais qu’est-ce qui fait courir ces hommes et ces femmes? Le témoignage de Rosine Yah nous en dit long.
Cette dernière, souffrait, jusqu’à son passage chez le Berger Achija, de fibromes. Et pis, explique-t-elle, c’est que tous les examens gynécologiques ne révélaient rien. Dans son désir ardent d’avoir un enfant, elle passe de gynécologue en gynécologue. Soit, il lui est révélé des kystes soit les échographies ne montrent rien. «Je ne savais plus quoi penser jusqu’à ce qu’une cousine m’envoie dans ce centre de prières.
Il a été révélé que j’avais des fibromes qui ont été rendus invisibles par l’ennemi. Le Berger et ceux qui étaient présents ont fait des prières et après une autre visite chez le gynécologue, le fibrome caché s’est révélé et une chirurgie s’est avérée nécessaire selon le médecin. Mais après des séances de prières, je peux le témoigner, mon fibrome a disparu, pas besoin de chirurgie, IL m’a libéré, IL a payé ma rançon avec son sang », témoigne la jeune femme.
Mais que dire des veillées de prières. Dans le froid et parfois sous les intempéries, les croyants bravent tout pour ne pas ‘’louper’’ leurs grâces. Des femmes enceintes, des vieilles personnes portant parfois des béquilles, des enfants (nous y avons vu un nourrisson dans les bras de sa mère), accourent pour ces veillées de prières. Les thèmes sont parfois les mêmes. « Libérer des dettes ancestrales », « Pluies de miracles »…Et effectivement, des miracles se réalisent sous les yeux ébahis de l’assistance.
Comme cette vieille dame, lors d’une veillée à l’Eglise Notre Dame de l’Incarnation de la Palmeraie de 20h30 au petit matin, qui a vu la douleur lancinante qu’elle avait aux genoux disparaître. Et un chef d’entreprise dans le creux de la vague, à qui il a été prédit que sa société se relèverait au nom de Jésus. «Il faut avoir la foi. Si tu n’as pas la foi, même si tu es proclamé d’une quelconque maladie, tu peux rechuter», explique un fidèle les yeux brillants et enfiévrés. Nous pouvons le dire, les miracles existent pour les avoir vus et ces lieux sont une sorte de catharsis pour ceux qui y vont.
Napargalé Marie
Encadré : Motus bouche cousue
Grande fut notre frustration lorsque malgré nos tentatives, nous n’avions pas pu parler au Berger Achija Pâcome. Notre élan a été brisé net par notre statut de journaliste. L’un de ses proches, également Berger, nous fait la recommandation suivante : « Nous avons décidé d’arrêter tout et de ne pas parler à la presse pour l’instant. Attendez un peu car il y a certaines situations que nous sommes en train de régler.
Merci de nous comprendre ». Et pourtant, de nombreuses questions fourmillent, se bousculent sur nos lèvres. Comment ces ’’détenteurs de miracles’’, font-ils pour disposer d’une telle logistique ? Des caméras, des écrans géants qui projettent en direct leurs cérémonies et toute la logistique du son. Sans compter qu’ils font également des Directs sur les réseaux, font circuler des prospectus géants dans la ville pour faire la promotion de leurs séances de cultes et de miracles.
Est-ce par le biais des offrandes ou par l’aide de certaines personnes. Comme s’il lisait dans nos pensées, le Berger Pâcome Marie, dans une de ses prêches, a fait savoir à tous les participants que les bénédictions de DIEU, sont signes de prospérité. «Quand DIEU te bénit, il faut partager autour de toi. Je sais que les gens s’interrogent sur l’abondance dont DIEU m’a fait grâce mais quand il me donne, je partage autour de moi.
Je fais dons aux orphelins, je donne à manger à ceux qui n’en ont pas. Je distribue autour de moi, faites en pareil autour de vous », conseille le Berger. Un prêtre que nous avons interrogé et qui a requis l’anonymat nous fait savoir que l’initiative de ces hommes de DIEU est bonne mais le hic, c’est lorsque les fidèles ne jurent que par eux et les substituent aux prêtres.
«Il y a un de mes collègues qui a vécu une situation qui m’a laissé sans voix lorsqu’elle m’a été contée. Au cours d’une réception de baptême, on l’a relégué au second plan pour mettre le Berger à la table d’honneur. Le problème, c’est que le berger n’a pas relevé ce manquement grave. Et c’est au moment de bénir le plat qui doit être fait par le prêtre qu’on le cherche partout », déplore le curé.
Il a appelé tous les fidèles à savoir faire la part des choses tout en soulignant le rôle important que ces communautés nouvelles jouent dans l’Eglise Catholique en ramenant les ouailles au bercail parfois.
N. M.