Le ministre des Affaires étrangères de la République islamique d’Iran se prononce sur l’avenir du Mouvement des non-alignés dans un paysage mondial en mutation au moment où se tient une réunion ministérielle à Kampala, en Ouganda.
La 19ᵉ Réunion ministérielle intermédiaire du Mouvement des non-alignés (MNA), se tient actuellement à Kampala. Cette rencontre revêt une importance considérable dans un contexte marqué par la complexité croissante des relations internationales contemporaines.
Placée sous la présidence de l’Ouganda, cette session constitue à la fois un examen du parcours du Mouvement depuis le 19ᵉ Sommet de janvier 2024 et une plateforme substantielle de réévaluation stratégique. Ayant pour thème : « Approfondir la coopération pour une prospérité mondiale partagée », elle offre l’occasion d’évaluer la mise en œuvre des résolutions précédemment adoptées et de débattre des questions urgentes liées à la réforme institutionnelle des Nations unies, au terrorisme, aux enjeux régionaux et sous-régionaux, aux droits humains, au changement climatique, au commerce, au développement et à l’architecture de la paix internationale.
Pour la République islamique d’Iran, le Mouvement des non-alignés demeure le symbole vivant des principes fondamentaux de la souveraineté nationale et de la résistance de principe aux structures hégémoniques, en parfaite cohérence avec notre politique étrangère fondée sur la dignité, l’engagement constructif et la solidarité indéfectible avec le Sud global.
Né de la résistance à la division
La genèse du Mouvement des non-alignés dans les années 1950 et 1960 a constitué une réponse délibérée et de principe aux héritages du colonialisme comme à la bipolarité de la guerre froide. La Conférence historique de Bandung, tenue en 1955, rassembla les nations d’Asie et d’Afrique dans un rejet catégorique de l’impérialisme, jetant les bases normatives de principes tels que la non-ingérence dans les affaires intérieures, le respect mutuel de la souveraineté et la coexistence pacifique.
Ce consensus fondateur trouva son aboutissement lors du Sommet de Belgrade en 1961, événement fondateur où 25 membres d’origine formalisèrent le non-alignement comme une stratégie cohérente pour une diplomatie autonome face aux rigidités de la rivalité entre superpuissances.
L’adhésion substantielle de l’Iran à ce Mouvement s’est approfondie après la Révolution islamique de 1979, son adhésion formelle ayant eu lieu au Sommet de La Havane la même année. Notre éthique révolutionnaire — fondamentalement enracinée dans les principes anti-impérialistes et l’aspiration à une véritable indépendance — entra profondément en résonance avec la mission globale du MNA, permettant à la République islamique de défendre des causes transformatrices telles que la libération de la Palestine et la démocratisation des structures de gouvernance mondiale.
Adaptation aux réalités multipolaires
Au fil des décennies, le Mouvement des non-alignés a fait preuve d’une remarquable résilience institutionnelle, passant de son plaidoyer initial contre les blocs durant la guerre froide à une prise en compte des défis multiformes de la mondialisation post-1991. Les préoccupations premières — décolonisation et défense d’un Nouvel ordre économique international — ont évolué vers des priorités contemporaines telles que la résilience climatique, l’équité numérique, la coopération antiterroriste et les mécanismes de réponse aux pandémies.
Regroupant aujourd’hui 120 États membres, le Mouvement représente plus de la moitié de la population mondiale, constituant ainsi le plus grand forum multilatéral en dehors des Nations unies.
L’Iran a joué un rôle proactif et décisif dans ce cadre, notamment en accueillant le Sommet de Téhéran en 2012, consacré à l’avancement de discussions substantielles sur le désarmement nucléaire, la Palestine et la résistance collective à l’unilatéralisme. Nos positions demeurent de principe et constantes : un soutien indéfectible à la cause palestinienne, et une opposition catégorique aux sanctions coercitives qui violent ouvertement la souveraineté des États et contreviennent au droit international.
Les développements récents confirment cet engagement : tout en accueillant favorablement les initiatives visant à mettre fin au génocide en cours à Gaza, nous soulignons simultanément l’impératif de mécanismes d’imputabilité efficaces et la nécessité d’une cessation définitive de l’occupation. De même, nous condamnons sans équivoque les actes d’agression perpétrés contre notre territoire souverain par les États-Unis et le régime israélien, et considérons comme une violation fondamentale des engagements multilatéraux — ainsi que de l’esprit de coopération internationale — la tentative illégitime de certaines puissances occidentales d’instrumentaliser le Conseil de sécurité pour réimposer des sanctions économiques à l’encontre de la nation iranienne.
Pertinence dans un monde fracturé
Le paysage géopolitique contemporain renforce l’utilité essentielle du Mouvement des non-alignés (MNA) en tant que forum incontournable du monde majoritaire. Au Moyen-Orient, le cessez-le-feu récemment négocié à Gaza offre un répit fragile après des pertes humaines catastrophiques – plus de 67 000 Palestiniens tués dans la campagne génocidaire menée par le régime israélien depuis 2023. Cependant, les tensions structurelles sous-jacentes -notamment les retombées au Liban, en Syrie et dans d’autres pays de la région- soulignent la précarité de la stabilité régionale. L’expansionnisme sioniste, combiné à la possession d’armes de destruction massive par le régime israélien, demeure la source fondamentale de déstabilisation et d’insécurité dans la région.
L’intensification des rivalités économiques entre grandes puissances complique davantage cette mosaïque géopolitique complexe. Les différends commerciaux croissants accélèrent la fragmentation des chaînes d’approvisionnement et le découplage technologique. Des configurations émergentes telles que les BRICS remettent en cause la domination occidentale enracinée en prônant des réformes profondes des institutions de Bretton Woods, s’inscrivant ainsi naturellement dans la longue tradition du MNA en faveur d’une multipolarité authentique et d’une gouvernance mondiale équitable.
Les bouleversements populistes et les contraintes budgétaires croissantes au sein des pays européens ajoutent de nouvelles couches d’imprévisibilité stratégique, tandis que l’administration américaine introduit une volatilité considérable dans les cadres diplomatiques. Les sanctions – que l’on pourrait plus justement qualifier de terrorisme économique – ont entravé de manière significative les trajectoires de développement du Sud global, tout en suscitant paradoxalement une résilience accrue grâce au renforcement des mécanismes de coopération Sud-Sud. Dans ce contexte complexe, l’autorité morale du MNA, fondée sur des principes anti-hégémoniques, permet un plaidoyer collectif fort et cohérent.
La session ministérielle de Kampala s’ouvre dans un climat d’optimisme prudent, tempéré par des risques structurels persistants, le cessez-le-feu de Gaza offrant une fenêtre d’espoir pour mettre fin à un génocide. Son ordre du jour prévoit une évaluation approfondie des résultats du Sommet de Kampala de 2024. Les délibérations porteront sur les tensions géopolitiques actuelles, les impératifs du développement et les moyens de renforcer le rôle institutionnel du MNA dans les arènes multilatérales.
L’Iran attend des échanges ciblés et substantiels pour réaffirmer la solidarité avec la Palestine – y compris la revendication d’un cessez-le-feu durable et la fin définitive de l’occupation -, condamner sans équivoque les mesures coercitives unilatérales comme des violations flagrantes du droit international, et explorer des mécanismes innovants de résilience économique. Sous l’administration du président Pezeshkian, nous abordons cette réunion avec un engagement sincère envers un multilatéralisme constructif, recherchant des résultats concrets qui renforcent effectivement la capacité d’action du Sud global, sans excès rhétorique ni promesse irréaliste de transformation paradigmatique.
Le MNA perdure précisément parce qu’il représente authentiquement la majorité démographique et morale du monde, offrant une alternative véritablement démocratique aux clubs exclusifs et auto-sélectifs tels que le G7. Dans une époque marquée par une succession de chocs systémiques -allant des cybermenaces sophistiquées aux crises humanitaires-, le Mouvement favorise l’autonomie stratégique, permettant à ses membres de naviguer parmi les rivalités des grandes puissances sans tomber dans la dépendance ou la soumission.
Pour l’Iran, il amplifie nos appels de principe à la justice, à l’équité et à une réforme institutionnelle globale. Alors que nous nous réunissons à Kampala, que cette session renforce une solidarité pragmatique fondée sur des intérêts partagés et des défis communs. L’Iran demeure fermement engagé dans la construction d’un ordre mondial authentiquement multipolaire, où la prospérité est équitablement répartie, l’agression systématiquement contenue, et la souveraineté universellement consacrée comme pierre angulaire des relations internationales.