Le communiqué du Conseil stratégique et politique (CSP) du Parti des Peuples Africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), daté du 15 octobre 2025, a tout d’une mise en scène politique.
Après avoir constaté la faible affluence lors de la marche du 11 octobre, c’est un parti qui veut sauver la face, qui a pondu ce texte.
Le communiqué, présenté comme une “séance extraordinaire” sous la présidence effective de Laurent Gbagbo, vise à donner le sentiment d’un parti uni et combatif. Mais le choix des mots trahit l’inquiétude. L’expression “crise pré-électorale grave” renvoie à une situation que le PPA-CI souhaite dramatiser, tandis que la répétition des accusations contre le président sortant, Alassane Ouattara, s’apparente davantage à un rituel qu’à une stratégie.
Le texte reprend les classiques de la communication “résistante” chère à l’ancien président Gbagbo : dénonciation d’un “régime dictatorial”, appel à la “résistance populaire” et mise en avant du “peuple épris de liberté et de justice”.
Mais cette rhétorique semble déconnectée du contexte politique actuel. À la différence des années 2010, le paysage politique ivoirien est désormais marqué par une lassitude des mobilisations de rue et un glissement vers des canaux d’expression plus institutionnels.
En s’accrochant à la symbolique de la rue, le PPA-CI semble ignorer cette évolution et s’enferme dans une logique d’affrontement qui peine à fédérer au-delà de ses cercles militants.
Le communiqué fait longuement référence à la répression des manifestations du 11 octobre, déplorant “deux morts, une trentaine de blessés et plus de 700 interpellations”.
Cependant, aucune analyse n’est proposée sur la faible participation populaire à ces marches. En interne, certains cadres reconnaissent que la consigne de descendre dans la rue n’a pas trouvé d’écho massif, notamment en raison de la peur d’affrontements et du désintérêt d’une partie de la population pour la confrontation politique.
Ce silence du texte sur les causes de cette démobilisation est révélateur. Plutôt que de se remettre en question, le parti préfère invoquer la “terreur du régime RHDP” comme cause unique du fiasco.
Le passage consacré à Laurent Gbagbo est soigneusement calibré : “Il suit de très près les événements”, “il exprime sa fierté”, “il entend les cris d’indignation du peuple”.
Cette triple formule vise à entretenir le mythe du chef proche du peuple et lucide face à la crise. Pourtant, derrière cette mise en récit, se profile une autre réalité : celle d’un leader vieillissant, contraint à réaffirmer son autorité dans un parti où les impatiences internes grandissent.
L’annonce d’une “adresse au peuple dans les prochains jours” cherche à recréer l’attente et la ferveur autour du fondateur. Mais l’effet escompté dépendra de la capacité du discours à dépasser la simple dénonciation pour proposer une voie politique crédible.
Le PPA-CI insiste sur sa coopération avec le PDCI-RDA et le FPI dans le cadre du “Front commun pour des élections inclusives”. Pourtant, ce front est loin d’être homogène.
Les divergences de stratégie, les ambitions présidentielles concurrentes et l’absence d’agenda unifié fragilisent la dynamique.
En mettant en avant ce front dans son communiqué, le PPA-CI cherche à masquer cette fragilité et à donner l’illusion d’une unité d’opposition que les faits contredisent.
En définitive, ce communiqué du 15 octobre traduit moins une ligne stratégique claire qu’un réflexe de communication politique.
Le PPA-CI se pose en victime, sanctifie la figure de Gbagbo et diabolise le pouvoir en place, sans proposer de cap concret. Derrière la rhétorique de la résistance, il s’agit surtout de préserver une base militante démobilisée et de maintenir une visibilité médiatique.
Fulbert Yao