Le président Alassane Ouattara a annoncé ce lundi 16 juillet, à l’Assemblée générale constitutive du RHDP que c’est une nouvelle génération qui sera au pouvoir en 2020. Quelle est la portée d’un tel message d’un pays où tout le monde veut être président ? Décryptage d’un discours à relire pour mieux comprendre.
Pour certains, c’était l’information majeure de l’Assemblée générale constitutive du parti unifié RHDP. Pour d’autres, ce pan du discours du président de la République a mis fin à toutes les supputations sur l’hypothèse d’un troisième mandat. Mais ce qu’il faut retenir, c’est que c’est ce pan du discours du chef de l’Etat qui a été abondement applaudi ce lundi 16 mai à l’hôtel Ivoire. En 2020, c’est une nouvelle génération qui sera au pouvoir, selon le vœu émis par le chef de l’Etat. « Je suis honoré d’assumer la présidence du RHDP. Vous pouvez me faire confiance. Je donnerai le meilleur de moi-même. Je ferai tout pour rassembler tous les enfants d’Houphouët-Boigny. Je ferai tout pour que la Côte d’Ivoire continue dans la stabilité. Le RHDP est une grande force. Le RHDP a gagné déjà toutes les élections depuis 2010. Je peux vous assurer que je ferai tout pour que le RHDP continue de gagner les élections pour nous permettre en 2020 de transférer le pouvoir à une nouvelle génération. C’est important de dire que les générations se renouvellent. La France a aujourd’hui, un président qui a 40 ans. Je n’ai pas dit que je suis trop vieux, mais cela donne à réfléchir. Le monde change. Le Premier ministre d’Autriche a 31 ans. Le Premier ministre de Belgique a 38 ans. Nous devons travailler, le président Bédié et moi, main dans la main, pour transférer le pouvoir à de nouvelles générations en 2020 », a indiqué le président Alassane Ouattara. Le lendemain, cette information majeure faisait la manchette de plusieurs tabloïds locaux. Sur les réseaux sociaux, c’est la totale. Les commentaires de toutes sortes se faisaient sur plusieurs fora. Signe de l’intérêt des Ivoiriens pour l’agenda 2020 et le choix de celui qui aura la lourde charge de prendre le gouvernail du navire Ivoire. Mais c’est justement à ce niveau que les Ivoiriens doivent relire pour mieux comprendre le discours de l’hôtel Ivoire.
Le pouvoir à une nouvelle génération ou aux jeunes ?
En affirmant publiquement et de façon solennelle que lui et son aîné Henri Konan Bédié vont travailler main dans la main pour transférer le pouvoir à une nouvelle génération, cela sous-entend qu’il n’est pas candidat à une quelconque élection dans ce pays. Mais il ne faut pas se méprendre. Passer le témoin à une nouvelle génération ne signifie pas passer le témoin aux jeunes. Et cet aspect des choses, il faut que les Ivoiriens et surtout les jeunes le comprennent. Une relecture pour une meilleure compréhension du discours de l’hôtel Ivoire s’impose parce que depuis ce lundi, certains commencent à se dire c’est un junior qui sera le président de la République de Côte d’Ivoire en 2020, ce qui n’est pas mauvais en soi. Mais pour mieux comprendre le discours de l’Ivoire, il faut aussi revisiter un autre discours du chef de l’Etat dans lequel il a affirmé que c’est la compétence qui sera le critère clé de désignation du candidat. « Pour la consolidation du RHDP, je propose l’organisation du Congrès Constitutif du RHDP dans les meilleurs délais, pour nous permettre d’asseoir le RHDP dans toutes les régions de notre pays. Ce Congrès Constitutif devra poser les bases du choix de notre futur candidat à l’élection présidentielle de 2020. Ce choix sera démocratique. Je l’ai toujours indiqué, tout le monde pourra être candidat en 2020. Et le meilleur d’entre nous sera désigné, par vous, comme candidat unique du RHDP en 2020 », a indiqué le président Ouattara à la cérémonie de clôture du congrès extraordinaire du RDR qui s’est tenu en mai 2018 à Abidjan. Ceci revient à dire que la passation du pouvoir à une nouvelle génération en 2020 ne sera pas à n’importe quel prix. Le président Ouattara a toujours été clair.
La méritocratie sera le critère fondamental de désignation de ce candidat. Dans le contexte mondial actuel, si c’est un jeune qui remplit les conditions requises pour diriger le pays, ce serait l’idéal parce que cela permettra à la Côte d’Ivoire de prendre un bain de jouvence pour mieux faire face aux défis d’un monde hyper connecté où tout se décide à la vitesse de la lumière. Hier, dans nos colonnes, l’animateur de la chronique Le Débat citoyen est revenu sur les grandes puissances qui sont dirigées par des trentenaires ou quadragénaires. En France par exemple, Emmanuel Macron a été élu à la tête de l’Etat en mai 2017, devenant à 39 ans le plus jeune des 25 présidents de la République française. En Estonie, le centriste Juri Ratas est devenu, à 38 ans, Premier ministre en novembre 2016. Il a succédé à un autre très jeune dirigeant, Taavi Roivas, qui avait accédé à la tête du gouvernement à 34 ans, en 2014. En Ukraine, Volodymyr Hroïsman est devenu Premier ministre en 2016 à 38 ans. En Tunisie, Youssef Chahed a été désigné Premier ministre en 2016, à 40 ans. En Grèce, Alexis Tsipras a été nommé Premier ministre en 2015, à 40 ans. Au Canada, le Premier ministre Justin Trudeau est arrivé au pouvoir à 43 ans en 2015. En Pologne, Andrzej Duda est devenu président à 43 ans en 2015. En Belgique dont a parlé également le chef de l’Etat, Charles Michel est devenu chef de gouvernement de son pays en 2014, à 38 ans. En Côte d’Ivoire, les jeunes qui ont les compétences et les qualités pour diriger le pays, il y en a. Cependant, le discours de l’hôtel Ivoire du président Ouattara ne doit pas être compris comme une dévolution monarchique du pouvoir aux jeunes en 2020. Loin s’en faut. Alassane Ouattara, on le sait, a placé la barre très haut durant ses deux mandats à la tête de la Côte d’ Ivoire. Le président qui viendra après lui en 2020 qui incarne la nouvelle génération n’aura pas l’excuse d’une quelconque jeunesse s’il est jeune encore moins les circonstances atténuantes de l’inexpérience d’un président novice dans la gestion des affaires de l’Etat.
C’est pourquoi tous ceux qui sont jeunes ou qui ont des projets présidentialistes doivent se préparer sérieusement. Houphouët Boigny et ses amis de l’aventure 1946 ont posé les fondements. Tous ceux qui sont venus après lui ont fait ce qu’ils ont pu faire à la tête du pays. Mais depuis 2011, l’Eléphant d’Afrique est à nouveau débout, tient solidement sur ses quatre pattes et prêt à barrir. Pour cela, le profil de celui qui doit venir après Ouattara en 2020 doit être soigneusement mesuré et analysé. Comme l’a dit l’ancien président américain Barack Obama en 2012 pendant la campagne de son second et dernier mandat, « Nous venons de très loin pour retourner en arrière ».
Kra Bernard