À cinq mois de l’élection présidentielle ivoirienne, l’ancien ministre Jean-Louis Billon se montre particulièrement exigeant envers le PDCI-RDA.
L’ancien ministre du Commerce, candidat déclaré à la présidentielle d’octobre 2025, a appelé ce lundi à Abidjan à la convocation « urgente » d’une nouvelle convention du parti.
Il souhaite que cette convention soit « démocratique et inclusive », en vue de désigner un candidat « légitime, éligible et porteur d’un véritable projet ». Un appel qui plaira pas à Thiam, pour qui il n’y a ni plan B, C…Z à part lui pour les échéances futures.
Lisez son propos liminaire :
« L’heure n’est donc plus à l’attentisme. Il est temps de se mettre en ordre de marche. Ma déclaration aujourd’hui va s’articuler autour de trois points essentiels : premièrement, la situation actuelle au niveau de mon parti, le PDCI-RDA ; deuxièmement, les enjeux cruciaux de l’élection présidentielle ; et enfin, mon engagement et ma vision pour la Côte d’Ivoire.
Depuis la disparition de notre regretté président, le PDCI traverse une période particulièrement délicate. Le processus de succession a été marqué par des tensions, des incompréhensions et des fractures internes qui se sont aggravées. En tant que membre du Bureau politique, j’ai attiré l’attention sur la nécessité d’une transition responsable, inclusive, respectueuse de nos textes et fidèle à notre histoire. Hélas, ces rappels à la raison ont été ignorés.
Le huitième congrès, convoqué pour élire un nouveau président du parti et mettre fin à l’intérim du moment, s’est tenu dans des conditions controversées. Une direction nouvelle y a été imposée, déjà fragilisée dès sa naissance par des irrégularités, et une crise de légitimité sans précédent s’en est suivie.
Malgré les réserves émises sur l’éligibilité de M. Thiam, notamment en lien avec sa naturalisation française, et au mépris des dispositions statutaires et constitutionnelles, il a été élu président du parti avec la complicité tacite de la direction par intérim et du comité d’organisation du congrès.
Dans un congrès acquis à cette cause, une motion fut sournoisement adoptée pour l’imposer comme le candidat naturel du PDCI-RDA à la présidentielle, foulant aux pieds des ambitions légitimes telles que la mienne, dans l’attente d’une convention transparente pour solliciter le parrainage du parti.
Ma déclaration de candidature à la présidentielle d’octobre 2024, faite à Dabakala, a déclenché une hostilité de la part de la nouvelle direction allant jusqu’à me menacer d’exclusion.
Tous les efforts consentis pour préserver le parti, à travers les années de turbulences, ont été balayés, ignorés, comme si notre engagement passé n’avait plus de valeur. Face à ces soubresauts, nous sommes restés sereins, espérant que la raison finirait par prévaloir et que nous nous retrouverions autour d’un Bureau politique pour un consensus capable de relancer la dynamique du parti.
Sans cesse, nous avons demandé la reprise des chantiers initiés par notre président. Mais le 13ᵉ congrès ordinaire du parti, déjà bien avancé, le toilettage de nos textes, la convocation de la convention pour désigner de manière équitable et transparente notre candidat à la présidentielle, toutes ces démarches visaient à renforcer notre cohésion, à éviter la dispersion de nos forces et de nos voix.
Mais en dépit de nos appels, les jeux étaient faits. Il n’y avait de place que pour M. Thiam. Nous avons pourtant alerté sur les risques liés à sa situation.
Pendant des mois, son entourage a multiplié les annonces pour rassurer l’opinion. Et pourtant, le 7 février 2025, soit quinze mois après son élection à la tête du PDCI, c’est lui-même qui reconnaît entamer les démarches pour renoncer à sa nationalité française, qu’il n’obtient qu’en mars.
Puis, dans la précipitation, le 5 avril, un Bureau politique est convoqué. Le 16 avril, une convention entérine sa candidature unique comme candidat du parti, reconnaissant ainsi que la motion inscrite lors du congrès extraordinaire était irrégulière. Une mascarade.
Ces manœuvres menées dans l’ignorance des militants ont aggravé la fracture. S’en sont suivies des procédures judiciaires longues et complexes. Et aujourd’hui, les décisions sont tombées : le président du PDCI est radié de la liste électorale depuis le 22 avril 2025, en raison de sa double nationalité lors de son enrôlement.
Le 22 mai 2025, la justice annule le huitième congrès extraordinaire du 22 décembre 2023 ainsi que toutes les décisions qui en sont issues.
À cinq mois de l’élection, le PDCI n’a pas de candidat pour la présidentielle. C’est une ruine.
Nous sommes à un tournant décisif. 2025 est une chance à ne pas manquer. Dans moins d’un mois, la liste électorale sera close. La collecte de parrainages va débuter. Pendant que nos adversaires avancent, le PDCI demeure empêtré dans des querelles intérieures. Devons-nous rester passifs ? Non.
Le PDCI doit urgemment convoquer une nouvelle convention démocratique et inclusive pour choisir un candidat légitime, éligible, porteur d’un véritable projet.
Je m’adresse à ceux qui rejettent toute alternative à l’actuelle direction : il y a des moments où l’intérêt du parti et du pays doit primer sur les loyautés personnelles.
La présidentielle de 2025 peut donner au PDCI sa place dans la gouvernance ou signer sa chute politique. Quel que soit le candidat désigné par une convention équitable, c’est l’unité du parti derrière ce candidat qui fera la différence.
Regardons les démocraties modernes. Souvenez-vous des primaires de 2008 aux États-Unis : malgré une campagne acharnée entre Hillary Clinton et Barack Obama, les démocrates se sont rassemblés, Obama a gagné, Hillary est devenue sa secrétaire d’État, l’unité a prévalu. Ce qui est possible ailleurs peut l’être chez nous.
Nous devons nous réorganiser, désigner le meilleur d’entre nous et partir en ordre de bataille pour reconquérir le pouvoir et honorer la mémoire de Félix Houphouët-Boigny et d’Henri Konan Bédié. Le PDCI ne peut se permettre de rater l’échéance de 2025. Ce serait une abdication totale.
Mesdames et Messieurs, je le dis clairement : mon ambition pour la Côte d’Ivoire est intacte. Je suis plus que jamais déterminé à aller à la conquête du pouvoir, non par ambition personnelle, mais en réponse à l’appel des Ivoiriens qui aspirent au changement. Il faut écouter le peuple de Côte d’Ivoire, l’entendre depuis l’Assemblée nationale, depuis la Chambre de commerce, depuis tous les postes électifs.
J’ai porté vos voix, celles des agriculteurs, celles des femmes, celles des jeunes, celles des oubliés de la République. Aujourd’hui, je veux passer à une autre étape : instaurer une gouvernance fondée sur la transparence, la justice sociale, le principe de préférence nationale, l’Ivoirien d’abord, le mérite et l’équité dans l’accès aux ressources et aux fonctions.
Mon projet pour la Côte d’Ivoire : réformer les tâches auxquelles ils servent, valoriser l’agriculture, la jeunesse et la diaspora, moderniser les infrastructures et mener la transition numérique. Redonner à notre pays un rôle moteur, garantir que chaque Ivoirien se sente chez lui, dans son propre pays, du Nord au Sud, d’Est en Ouest, en passant par le Centre.
Je demeure militant du PDCI-RDA. Je suis candidat à l’élection présidentielle de 2025. Dans tous les cas, je prends mes responsabilités. Je n’abandonnerai pas mes convictions. Je ne trahirai pas la mémoire de nos illustres présidents. Je ne me tairai pas devant la souffrance du peuple de Côte d’Ivoire.
J’irai au combat, même en dehors des structures traditionnelles, mais toujours au nom du peuple ivoirien, pour une Côte d’Ivoire plus juste, plus équitable et plus solidaire.
Dès à présent, nous entamons de grandes tournées à travers le pays. Nous irons auprès des Ivoiriens pour les écouter, leur parler, partager notre vision et construire ensemble une Côte d’Ivoire nouvelle.
Mesdames, Messieurs, nous ne sommes pas condamnés à l’échec, ni à la division. Nous pouvons faire de cette crise une opportunité pour réinventer le PDCI-RDA, pour réconcilier les Ivoiriens, pour refonder notre démocratie.
Personne ne doit être exclu. Je tends la main, je propose un cap, une méthode, une vision. Relevons-nous, rassemblons-nous, gagnons ensemble pour une Côte d’Ivoire plus juste, plus forte, plus solidaire.
Merci à tous pour votre attention. »
Retranscrit par Fulbert Yao