Immeuble CCIA. Abidjan-Plateau. Marché-restaurants. Ce 16 février 2024, il est 10 heures lorsque nous arrivons sur les lieux. C’est le calme plat. Les portails sont fermés. Quelques commerçants sont néanmoins là, assis en groupe sous un arbuste en face de la clôture. Mais pas pour travailler. Ils profitent juste de la fraîcheur de la flore pour échanger et surtout surveiller les lieux.
Le désespoir se lit sur leurs visages. Ils sont même déprimés et attendent l’ouverture car les poches sont devenues vides. Hamed, la quarantaine, en fait partie. « On vient s’asseoir pour voir s’il y a des nouvelles. Pour le moment, il n’y a rien. On pensait qu’après la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), ils allaient ouvrir. Mais rien. La misère se ressent de jour en jour », lance amèrement l’homme, sous le regard des autres.
Un autre commerçant qui décide de garder l’anonymat, nous confie, pour sa part, que le marché restaurants reste fermé, en raison d’un problème foncier avec la famille Basque. En effet, suite à la fermeture par la Mairie, celle-ci aurait décidé de reprendre son terrain. Les commerçants demandent pour cela des mesures d’accompagnement à la famille qui a même été assignée en justice. C’est donc, dans l’optique de trouver une solution que le lieu est toujours clos.
Toutefois, cette situation a laissé de nombreux commerçants dans une situation précaire, dépendant de l’aide divine pour subvenir à leurs besoins quotidiens, précise tristement notre interlocuteur.
La situation est la même dans les autres marchés restaurants, notamment vers les rails, au Finance, en face de la Bicici…, tous restent fermés.
Toujours dans la commune, c’est cependant un autre décor au « Marché Forum » à la Tour Administrative. Ici, des restauratrices, des vendeurs ont rouvert leurs commerces. Mais le feu couve à cet endroit. La police municipale qui s’y oppose rôde.
« On veut nous chasser », informe une vendeuse de café.
Déterminés à comprendre la situation, nous nous dirigeons vers Mme Kamagate, la présidente du collectif des commerçants installés depuis une trentaine d’années sur ce site.Son visage d’ordinaire jovial trahit à la fois la tristesse et l’amertume, révélant la gravité de la situation, depuis le 8 janvier 2024.
Selon elle, après plus d’un mois à ne rien faire, les commerçants étaient désemparés, et ont rouvert leurs commerces, après avoir analysé les propos de la mairie, du district et de leur bailleur : la Société nationale de gestion du patrimoine immobilier de l’État (SONAPIE) . Elle explique en effet, qu’ils se sont tournés vers ceux ci, pour comprendre la situation.
Mais « Le district dit qu’il n’est pas responsable de la fermeture des marchés du plateau. Effectivement, il a cassé l’autre parce que c’était sur le jardin public. Il considère que c’est son espace », a expliqué Mme Kamagaté.
Toujours selon elle, face à la situation au début de l’affaire, les commerçants ont décidé d’attendre la fin de la CAN pour reprendre leurs activités.
Cependant, le maire a convoqué une réunion avant cette échéance, pendant laquelle, le problème a été tiré au clair.
« Nous lui avons demandé que nous constatons que pour les autres marchés, il demande la réhabilitation avant la réouverture. Mais chez le nôtre, nous n’avons pas reçu de message en ce sens. Donc c’est comment ? », a-t-elle dit.
« Il dit qu’il a adressé un courrier à la Sonapie pour aménager les lieux. Avant qu’on puisse reprendre les activités. Mais la Sonapie affirme qu’en tant que bailleur de l’État, c’est à elle de réaménager le site. Et non la Mairie. Ainsi donc si la Sonapie doit normalement nous faire sortir, elle doit nous donner un courrier. Et puisque nous n’avons toujours pas reçu de courrier et que le maire a eu à dire ça, les gens lui ont posé la question. On fait comment ? Il dit qu’au début, il a fermé pour une protection des commerces. Mais aujourd’hui, il n’est pas responsable de la fermeture », souligne la présidente.
Elle conclut en affirmant que face à l’absence de courrier du bailleur, les commerçants ont donc pris l’engagement de rouvrir le marché depuis le mardi 13 février 2024, pour pouvoir exercer.
Toutefois, depuis cette date, les commerçants sont brimés et harcelés par les agents municipaux qui demandent de fermer leurs commerces, nous informe t elle, en présence de plusieurs collègues.
«La police municipale nous brime. Elle a même eu à prendre des affaires pour partir. On est harcelé. Elle n’a pas de considération pour nous qui sommes ici. La Sonapie nous dit, on n’a pas de soucis, de l’autre côté, le maire continue de nous harceler. Nous sommes privés de notre gagne-pain », déplore Mme Kamagaté.
Dans un appel désespéré, au nom des commerçants, elle réclame une résolution claire de la situation. En outre, elle appelle le ministère du commerce à aussi les aider à trouver une solution, car rester un mois sans travailler met en péril leurs moyens de subsistance.
À quand l’ouverture des marchés restaurants ?
Plus d’un mois après la fermeture, aucune décision allant dans le sens de l’ouverture ne pointe à l’horizon. Et pis, notre volonté de rentrer en contact avec les autorités communales pour tenter d’avoir des réponses est restée vaine.
Au niveau de la SONAPIE, même son de cloche, les responsables disent attendre une suite de leur hiérarchie avant de se prononcer.
Affaire à suivre
Fulbert Yao