Les témoignages de certains jeunes sur leur parcours entrepreneurial ne sont pas tout à fait élogieux. D’autres par contre, comme Kouassi Konan Jean-François, ont réussi à se frayer un chemin malgré la crise de la vingtaine. Portrait.
Son téléphone portable ne cesse de crépiter. Il donne tantôt des instructions par-ci, tantôt échange par-là. Le temps de Konan Jean-François semble bien pris au point où il se frotte les yeux de temps à autre, signe de fatigue et de manque de sommeil.
A première vue, son choix d’études n’avait rien à voir avec l’élevage, en l’occurrence celui de la volaille. Étudiant en Master 2 de sociologie à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, Kouassi Konan Jean-François a trouvé ses marques dans l’élevage de la volaille. Un domaine qui réussit bien au jeune homme de 27 ans. Mais se frayer un chemin dans l’entrepreneuriat n’a pas été facile. Spécialisé dans la volaille dans la commune d’Abobo, Konan Jean-François ne connaissait pas les ficelles du métier au point d’en faire une activité principale génératrice de revenus. Il ne se souciait même pas de connaître les règles nécessaires pour se lancer dans le projet, à savoir la gestion des ressources au choix de la race de poulet en passant par l’entretien du poulailler. Il a appris sur le tas tout en développant des vertus comme le rêve, la vision, l’audace, le sacrifice et l’endurance. Par la force des choses, Konan Jean-François est aujourd’hui le PDG de Jeff’s Chicken. Il est propriétaire de 6 fermes abritant chacune entre 4 mille et 5 mille têtes.
Genèse d’une vision ambitieuse
Parti de son «Derrière rails» natal (sous-quartier de la commune d’Abobo), le chemin du l’actuel PDG de la structure Jeff’s Chicken n’aura pas été de tout repos. Nous sommes en 2011. Alors âgé de 18 ans, il mûrit déjà l’idée d’entreprendre. Pour débuter, il mise sur l’épargne. Même la crise de la vingtaine n’a pas réussi à l’ébranler. Mieux, il ne s’est pas laissé influencer par ses promotionnaires, plus portés sur l’achat des téléphones ou vêtements derniers cris. «Je gérais une cabine téléphonique qui m’a permis d’économiser 100.000 FCFA. Puis j’ai sollicité mon grand-frère afin qu’il me complète avec 30.000 FCFA. Avec la somme obtenue, j’ai acheté des poussins. Aussi, le père de mon ami a mis sa ferme qu’il n’exploitait plus à ma disposition. C’est de là que tout est parti», explique-t-il. Ainsi la modique somme de 130.000 FCFA a suffi à lancer un projet bien ficelé et qui aujourd’hui donne de l’emploi à plus de 40 jeunes. C’est pourquoi dit-il aux jeunes de sa génération : «ils ne savent pas qu’ils ont du potentiel. Même avec peu de moyens, ils peuvent déjà commencer un projet ». Quoiqu’il s’il reconnaît avoir eu la chance d’avoir une ferme à lui offerte par une âme généreuse. Mais celui qui se fait appeler affectueusement « Jeff Bezos » (du nom du PDG du groupe Amazon) est toutefois réservé quant à la question de la chance qui pour lui «ne suffit pas» pour réaliser son projet. A l’en croire, «tout est une question d’organisation». D’ailleurs à la question de savoir s’il a sollicité une aide supplémentaire pour réaliser son projet, le jeune entrepreneur est catégorique : « j’aime miser d’abord sur mes potentialités». Lesquelles lui auront permis de gérer avec efficacité les bénéfices qu’il a engrangés dès le départ pour ainsi étendre son activité à un niveau remarquable. Puisqu’il arrive à vendre par jour en moyenne 200 à 300 poulets dont les prix varient entre 2000 F et 10.000 F. Mais, le jeune étudiant aux poches bien remplies, a aussi l’œil sur les souffrances de son entourage. La situation des personnes démunies l’inquiète.
Un entrepreneur à la fois philanthrope
Cette réussite, KKF s’en sert à présent aussi pour de bonnes œuvres. Ainsi, à travers son Ong « Jeunesse solidaire », il fait plusieurs dons dans la commune d’Abobo, principalement dans le quartier Habitat-Sogefiha. Où le mécène a offert pendant les fêtes du nouvel an des vivres et non vivres d’une valeur de 2 millions de FCFA aux populations défavorisées, en plus des 500 poulets qu’il a gracieusement offerts à son entourage. «C’est une façon pour moi de leur dire merci et de leur rendre ce qu’il m’ont donné. Et aussi en restant près d’eux, je me rends compte au quotidien de leurs besoins afin de mieux les aider », confie-t-il. C’est pourquoi, il prévoit un pourcentage sur ses ventes en faveur de ces populations. Mais, sa réussite ne l’empêche pas pour autant de continuer ses cours à l’université.
Conciliation études-travail
Il est vrai que le PDG de Jeff’s Chicken connaît un succès qui fait parler de lui. Mais, l’étudiant en master 2 de sociologie s’arrange à ce que sa pratique de l’aviculture soit conciliable avec ses études. Quand on lui demande comment il fait pour allier études et activités commerciales, le jeune homme avoue : « je dors peu ». Quoi de plus compréhensible, puisqu’il lui faut coordonner les activités de six fermes, de l’abattage jusqu’à la livraison des poulets. Et aujourd’hui, même si son activité lui permet de se prendre en charge, lui et sa petite famille, et de venir en aide à plusieurs personnes, Kouassi Konan Jean-François nourrit de grandes ambitions pour lesquelles il doit finir les études.
L’aviculture, vecteur de création d’emplois
En attendant, il veut faire partie de l’élite entrepreneuriale, innovatrice et intellectuelle de sa génération. Pour y arriver, il entend implanter son activité dans toute la ville d’Abidjan en créant plusieurs autres fermes. Les grands complexes hôteliers et restaurants ne lui échapperont pas dans sa politique d’implantation. Pour l’atteinte de cet objectif, il est en discussion avec plusieurs restaurants de renom en vue d’un partenariat qui consistera à les ravitailler en poulets. Un rêve dont la réalisation lui permettra d’employer plusieurs jeunes en quête d’emploi. C’est pourquoi il lance un appel au Premier ministre Hamed Bakayoko, le premier magistrat de la commune d’Abobo à l’aider à sortir la jeunesse de cette commune de la précarité en lui trouvant un emploi décent. Reste que cet appel soit entendu. Mais, pour l’heure, Konan Kouassi Jean-François continue sa marche glorieuse vers le succès. Un modèle à suivre !
I.K